Tourmentes

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Morgenese
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Message par Morgenese » 02 avr. 2005 16:01

Le Banquet

Gaebril s'était paré de ses plus beaux atours, rouges écarlates aux couleurs de son père le duc Alaric de Drakkan. Il arborait sur son coeur sa propre emblème, deux cimeterres entrecroisés, symbole de sa bravoure au combat. En ce jour de fiançailles, il ne voulait surtout pas décevoir son père, et encore moins sa promise. Il s'était natté ses longs cheveux à la dernière mode guerrière et avait particulièrement insisté pour qu'on lui procure l'un de ces parfums rafinés que les caravaniers ramenaient une fois l'an d'Orient.

Il était maintenant prêt pour présider le banquet que le seigneur son père donnait en son honneur, mais aussi pour faire la connaissance de sa future compagne, car il était de coutume dans cette région de Drakkan de présenter les futurs époux l'un à l'autre seulement le soir de leur fiançailles. C'est la peur au ventre qu'il entra dans la salle des réjouissances. Tous les notables présents se levèrent alors d'un seul tenant pour l'accueillir. Il prit place à côté de son père à la table de la haute noblesse et le repas commença.

" - Ah ! Mon fils ! Si seulement ta pauvre mère était encore là pour te voir ce soir ! Elle en aurait les larmes aux yeux, elle qui t'a tant chéri " , dit son père en lorgnant sur le gibier saignant qui venait d'être servi.

" - Père, il me tarde de rencontrer ma dulcinée. Quand pourrai-je la voir ?

- Tu connais les traditions aussi bien que moi, Gaebril, tu ne pourras la voir qu'à la fin du repas. Elle sera ton dessert, ta cerise sur le gateau " dit-il en s'esclaffant. Il était à cet instant clair pour Gaebril qu'Alaric avait déjà bu plus que de raison...

Le repas se poursuivait, lorsqu'une servante trébucha sur le pied d'un comte saoul, avide de plaisanteries de mauvais goût. La pauvre s'étala alors de tout son long en aspergeant allegrement Gaebril avec la sauce qu'elle proposait à la tablée.

" - Espèce de petite sotte maladroite, rugit Alaric en la giflant d'un revers de la main, regarde ce que tu as fait ! "

Gaebril, tout dégoulinant de sauce, resta néanmoins interdit devant la servante agenouillée, qui le suppliait de bien vouloir lui pardonner sa maladresse. Etait-ce la marque encore fraîche de la main de son père sur ce délicat visage ou bien ces yeux bleus baignés de larmes qui le mettaient dans cet état, Gaebril n'en savait rien. Mais une chose était sûre, cette jeune fille venait de s'emparer de son coeur...
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Message par Morgenese » 03 avr. 2005 15:41

Oriana

Ayant repris ses esprits après l'incident, Gaebril se retira aussitôt dans ses appartements : il n'était pas question de rester une seconde de plus dans ses habits souillés, d'autant plus qu'il n'allait plus tarder à rencontrer sa fiancée. Le regard troublé de la servante le tourmentant encore, il choisit une nouvelle chemise, qui n'était pas moins somptueuse que la précédente. En la boutonnant, il pensa : "mais qu'est-ce qui t'arrive à rester comme ça bouche bée devant une servante, tu as perdu la tête ou quoi ? Le jour de tes fiançailles en plus... Enfin bon, de toute façon elle n'est rien de plus qu'une domestique ! "

Lorsqu'il rejoignit la salle des festivités, une grande surprise l'attendait. Sa fiancée se tenait là, à côté d'un Alric tout sourire. A la vue de Gaebril, la jeune femme baissa légèrement le regard et ses pommettes rosirent. Elle était tout de blanc vétue, symbole de sa virginité. Sa robe, dont la traîne était portée par de jeunes pages, laissait apparaître des formes gracieuses et généreuses. A son cou, une rivière de diamants mettait en valeur un décolleté plongeant à souhait et un diadème étincelant donnait du relief à la coiffe subtile de ses cheveux, qu'elle avait aussi noirs que ses yeux. Gaebril s'avança alors, mit un genou à terre tout en lui prenant une main qu'il effleura d'un baiser.

" - Je suis honoré de vous rencontrer, noble Dame.

- Tout l'honneur est pour moi, mon seigneur. Je m'appelle Oriana " dit elle en rougissant encore davantage.
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Message par Morgenese » 06 avr. 2005 11:51

Un dur labeur

Après avoir reçu son congé, la malheureuse serveuse courrut se réfugier aux cuisines, sous les regards réprobateurs des invités. Elle entendit même une bourgeoise qui déclarait que quelques coups de fouet auraient été bien mérités.

"- J'ai déjà dégusté, merci " pensa-t-elle alors que sa joue était encore en feu. Mais à peine avait-elle étouffé ses derniers sanglots qu'elle entendit crier son nom.
"- Alicia, petite idiote, ramène tes jolies fesses par ici " beugla la responsable de l'intendance du château, une grosse bonne femme aigrie qui laissait présager que des ennuis.
"- Il n'y avait que toi pour faire un coup pareil. Tu me fais vraiment honte !
- Mais je n'y suis pour rien, Madame, un homm..."
La claque fut fulgurante et fit aussitôt rejaillir ses larmes.
"- Pour la peine, tu vas me faire le sale boulot " dit-elle en montrant une montagne de vaisselle sale.

Lorsqu'elle retrouva ses esprits, la mégère était déjà loin. L'oreille encore bourdonnante, elle retroussa ses manches avec un grand soupir pour s'attaquer à sa tâche. Elle plongea alors à l'intérieur d'une marmite maculée presque aussi grande qu'elle, si bien que deux marmitons de passage ne purent s'empêcher de sourire en voyant ses deux pieds dépasser du bord. Quelques instants plus tard, sa tête émergea à nouveau et elle put constater que nombre de personnes s'était regroupé devant l'encablure de la porte des cuisines.
"- Mais que se passe-t-il ? demanda-t-elle tout en essuyant son front d'un revers de main.
- La fiancée de Gaebril est arrivée au château " lui confia-t-on.
Elle risqua alors un coup d'oeil et aperçut le couple assis à table. Qu'ils étaient beaux tous les deux !

La voix stridente de l'intendante fit sursauter tout ce petit monde :
"- Bande de fainéants, vous n'êtes pas là pour revasser. Au boulot ! " gueula-t-elle en bottant quelques arrière- trains.
Et tout le monde retourna à sa tâche en un clin d'oeil, y compris Alicia qui se rendit compte que tout ce nettoyage lui prendrait sûrement toute la nuit.

Les musiques s'étaient depuis longtemps arrêtées et les convives évaporés quand Alicia finit sa dernière casserole. En regagnant sa chambre, elle constata avec dégoût le chantier qu'était devenu la grande salle à manger, où un homme avait même trouver le moyen de s'endormir dans son propre vomi.
"Encore du ménage en perspective" pensa-t-elle, navrée.
Lorsqu'elle atteignit enfin son lit, elle tomba comme une masse et s'endormit la tête à peine posée sur son oreiller. Cette nuit là, elle rêva des fiançailles de Gaebril, mais c'était elle qui occupait la place d'Oriana.
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Message par Morgenese » 09 avr. 2005 14:50

Oriana

Gaebril la désira dès le premier regard qu'ils échangèrent. Faisant d'abord preuve d'une grande timidité, Oriana le régala par la suite de petits sourires espiègles qui avaient le don de reveiller son ardeur. La gêne qu'ils éprouvaient tous les deux au début laissa bien vite la place à une conversation animée, ponctuée de rires, au cours de laquelle chacun raconta l'histoire de sa vie. Oriana était originaire d'une toute autre province de Drakkan et avait grandi dans une famille aisée. Dès son plus jeune âge, on lui avait appris à se comporter comme les Grandes Dames de la haute société. Mais elle lui avoua qu'encore maintenant, elle aimait mieux courir la campagne sur un cheval au galop plutôt que de mourir d'ennui en assistant à des cérémonies protocolaires adoubant elle ne savait quel chevalier. Elle lui raconta aussi ses premiers amours et ses baisers volés, sujet qui ne manquait pas de la faire rougir et éclater de rire à la fois, comme une adolescente surexcitée. Et c'était ce à quoi ils ressemblaient tous les deux, échangeant regards passionnés pour regards passionnés, en oubliant le monde qui les entourait.

Le banquet touchait maintenant à sa fin et chacun regagnait plus ou moins aisément ses appartements. Le vin avait en effet coulé à flot ce soir là et l'ambiance festive avait conduit certains à des excès alcoolisés. Parmi ceux-ci, le duc Alaric... Essayant de se lever de son siège, celui-ci se retrouva aussitôt les fesses par terre, maudissant les murs du château qui ne voulaient pas rester à leur place. Gaebril le releva et lui dit :
"- Père, nous allons, Oriana et moi-même, vous reconduire à votre chambre.
- Ah Oriana ! Comme elle est belle ! Et en plus, si tu veux mon avis, c'est sûrement une vraie tigresse au lit " lui confia-t-il.
Oriana étouffa alors dans sa main un petit sourire navré, en pensant que le père de Gaebril devait être complètement bourré.

Une fois son père couché, Gaebril proposa à sa fiancée une petite visite du château. Il lui prit la main et la conduisit à travers un dédale de couloirs et d'escaliers, pour finalement la mener sur la terrasse de la plus haute tour du domaine. Cette nuit-là était claire, si bien qu'ils purent contempler avec ravissement le magnique panorama qu'offrait la campagne alentour. Et c'est ainsi que la lune fut la seule témoin de leur étreinte et du premier baiser qu'ils échangèrent.
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Message par Morgenese » 11 avr. 2005 13:28

Une nuit d'amour

Les deux fiancés ne s'attardèrent pas longtemps en haut de la tour, car la froideur de cette nuit étoilée ne manquait pas de vous glacer les os. Main dans la main, ils gagnèrent leur chambre sans cesser de s'embrasser. Sitôt arrivés, Gaebril plaça quelques bûches dans la cheminée afin de préparer un feu qui saurait rendre le lieu plus chaleureux. C'est ainsi que les flammes dansèrent bientôt dans l'âtre, éclairant et réchauffant les futurs amants.

Oriana laissa sa fabuleuse robe glisser le long de son corps, découvrant peu à peu sa nudité où jouaient les teintes orangées issues de la flambée.
"- Tu vas voir, il paraît que je suis une vraie tigresse " lui chuchota-t-elle à l'oreille en esquissant un sourire. Elle déboutonna alors la chemise de son futur époux et embrassa son torse musclé. Gaebril la prit ensuite dans ses bras et l'amena jusqu'à son lit, où ils firent l'amour jusque la fin de la nuit.
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Message par Morgenese » 13 avr. 2005 10:47

Une rencontre matinale

Le jour venait de se lever lorsque Gaebril se réveilla. Le soleil dardait déjà ses rayons dans la chambre et venait illuminer le doux visage de sa compagne encore endormie. Ce matin, il était vraiment de bonne humeur, en pleine forme et n'avait qu'une seule envie : s'envoyer un petit déjeuner d'ogre. En faisant bien attention de ne pas réveiller Oriana, il se leva, s'habilla, fit une toillette rapide et descendit finalement aux cuisines. Malgré l'heure matinale, celles-ci étaient déjà en ébullition pour préparer le premier repas de la journée. On s'affairait en effet à des tâches diverses et nombreuses afin que tout soit prêt lorsque Alaric le désirerait.

C'est dans tout ce remue-ménage qu'il l'aperçut. Elle était en train de cuisiner quelque pâtisserie, avec un air si concentré qu'il en sourit légèrement. En cet instant, Gaebril se déconnecta du monde extérieur : il n'avait d'yeux que pour elle si bien que la maîtresse des cuisines, qui lui demandait ce qu'il désirait, passa complétement inaperçue. Sa tenue simple réhaussait encore plus sa beauté et ses yeux... il s'était déjà plongé dedans la veille au soir et avait failli s'y noyer.

"- Mais qui regardez-vous comme cela, demanda la mégère, réussissant finalement à le tirer de sa rêverie, ce n'est quand même pas ce petit démon d'Alicia ?
- Euh oui..., non...enfin peut-être, dit-il en devenant cramoisi.
- Dans ce cas, voulez-vous d'elle à votre service ? Elle ne m'est guère utile aux cuisines...
- Si fait " répondit-il en se demandant dans quelle voie il s'engageait.
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Message par Morgenese » 16 avr. 2005 12:00

Un terrible dilemme

Quelques semaines passèrent et ce qui devait arriver arriva : Gaebril et Alicia s'éprirent l'un de l'autre, sans que quiconque ne se doute de leur amour naissant. Les instants brefs où ils pouvaient se rencontrer sous prétexte de quelque ménage étaient intenses et dès qu'ils se perdaient de vue, ils pensaient aussitôt à leur prochain rendez vous. L'interdit décuplait leur désir et Gaebril se laissa bien vite submerger par les sentiments qu'il éprouvait pour elle, oubliant parfois la charmante Oriana qui serait néanmoins une épouse parfaite. Cette situation ambiguë plaça bientôt un Gaebril insouciant devant un choix crucial : épouser Oriana et préserver l'honneur de sa famille ou bien suivre ce que son coeur lui dicterait.
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Message par Morgenese » 19 avr. 2005 11:25

Le mariage

On venait des quatre coins du royaume pour assister au mariage d'Oriana et de Gaebril. Alaric avait redoublé d'efforts et d'imagination afin d'organiser une fête grandiose et inoubliable : les meilleurs ménestrels étaient présents pour ravir les invités de leurs contes et épopées guerrières, de leurs chants passionnés ou de leurs instruments de musique. Quelques saltimbanques s'entrainaient déjà dans la cour du château, qui à jongler avec des torches enflammées, qui à jouer les funambules, qui à dresser des animaux féroces ou à enchainer les cabrioles. Les meilleures couturières s'acharnaient jours et nuits sur la robe de la mariée, on avait pris un grand soin pour décorer la chapelle de mille fleurs blanches et le cuisinier royal lui-même avait fait le déplacement pour l'occasion.

Le château n'avait jamais été aussi vivant que ces jours là, mais Gaebril était loin de partager l'enthousiasme collectif. Le temps s'était précipité vers cette date fatidique et son coeur était toujours déchiré entre ses deux amours. Il avait l'impression de foncer droit dans un mur sur un cheval au galop dont il ne parvenait plus à maîtriser les rênes. Alors qu'il revêtait son costume, l'image que lui reflétait son miroir était celle d'une personne désespérée, tiraillée par l'indécision. La veille au soir, lors de sa dernière rencontre avec Alicia, celle-ci lui avait demandé, les larmes aux yeux, de bien vouloir arrêter cette folie qui les conduirait tout droit au désastre. Il ne devait pas déshonorer Oriana avec cette aventure ridicule, d'autant plus qu'il ne voulait pas lui faire de mal.

Il avait à peine fini de s'habiller lorsque son témoin vint le mener à l'autel. La petite chapelle était bondée de monde, de nombreuses personnes n'ayant pas eu de place assise étaient debout au fond de la nef. Parmi elles se distinguait Oriana dans sa magnifique robe blanche immaculée, tenant le bras de son père. Dès que les musiciens jouèrent les premières notes de la marche nuptiale, ils remontèrent l'allée centrale sous le regard de Gaebril qui ne voyait qu'un destin mouvementé venir à lui. La célébration débuta lorsque les deux fiancés furent réunis et c'est à cet instant que Gaebril se sentit partir à la dérive, débuter une chute interminable dans un gouffre sans fond. Arriva finalement le moment d'échanger les voeux :
"- Oriana, voulez vous prendre Gaebril pour époux, l'aimer et le chérir jusqu'à la fin de votre vie pour le meilleur et pour le pire ? récita le prêtre.
- Oui, je le veux, répondit-elle sans hésitation.
- Et vous, Gaebril, voulez vous prendre Oriana pour épouse, l'aimer et la chérir jusqu'à la fin de votre vie pour le meilleur et pour le pire ?
- Non, je ne peux pas", réussit-il à souffler, laissant un silence pesant régner dans la chapelle.
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Message par Morgenese » 23 avr. 2005 13:40

Le départ

L'assistance resta longtemps sans réaction, jusqu'à ce qu'Alaric rompe le silence :

"- Mais tu es devenu fou, Gaebril, qu'est-ce qui t'arrive ? Reprend un peu tes esprits bon dieu !
- Je ne peux accepter ce mariage, père, j'en aime une autre.
- Qu'est-ce que c'est que ces conneries ? Oriana n'est-elle pas à ton goût ? "

Cette dernière fixait Gaebril d'un regard vide, elle venait de comprendre que ses efforts pour affirmer leur relation avaient été vains. Tout ce qu'elle avait pu construire venait de s'effondrer sous ses yeux. Gaebril s'adressa alors à elle pour la réconforter :

"- Je suis désolé, Oriana, vous n'y êtes pour rien. Je vous aime, mais plus comme une amie que comme une épouse.
- Je comprends, répondit-elle au bord des larmes, si c'est là que réside votre bonheur. "

Gaebril comprit alors qu'Oriana était vraiment une femme merveilleuse, elle le laissait partir sachant qu'il serait plus heureux ainsi. Il quitta alors la chapelle, sans prêter attention à son père qui vociférait sans arrêt qu'il reniait son fils. Sitôt sorti, il se précipita aux cuisines et y enleva Alicia, qui l'accueillit d'abord avec un sourire incertain pour finir par exploser de joie. Ils quittèrent le château sur un cheval au galop, sans un regard en arrière, fuyant ainsi leurs vies passées.
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Message par Morgenese » 25 avr. 2005 14:00

La chasse

Quelques mois passèrent avant que Gaebril et Alicia s'établissent vraiment dans leur nouvelle vie. Leur fuite les avait menés au beau milieu de la campagne, jusqu'à une petite ferme abandonnée à l'orée d'une forêt immense. Le travail fut dur et acharné mais les deux tourtereaux parvinrent à en faire un habitat chaleureux et convivial. Le couple resplendissait de bonheur, d'autant plus que le ventre d'Alicia commençait à s'arrondir de l'enfant qu'elle portait.

Jusqu'au jour funeste où Gaebril décida d'aller chasser. Depuis leur départ du château, c'était la première fois qu'il décidait de partir seul, à la découverte du bois qui ornait leur maison et à la recherche de gibier. Celui-ci était abondant et il ne tarda pas à avoir deux lapins pendant à sa ceinture, la nuque brisée. C'est alors qu'il aperçut au loin un cavalier armé, rutilant de mailles, galoper en direction de la fermette. Il se précipita chez lui aussi vite que ses jambes pouvaient le porter et poussa un grand soupir de soulagement en voyant Alicia assise sur le petit banc qu'il lui avait installé le long du mur de la maison. Il courut la rejoindre, les lapins ballotant sur sa cuisse, et fut d'abord surpris qu'elle n'esquissât pas un geste de bienvenue. En se rapprochant, la surprise laissa la place à l'effroi lorsqu'il distingua le large sourire sanglant qu'était devenu sa gorge.
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Message par Morgenese » 27 avr. 2005 11:16

Funérailles

Le soleil se couchait déjà lorsque Gaebril termina enfin l'autel de bois destiné à recevoir Alicia dans sa dernière demeure. Il avait fini par sécher ses larmes mais ses yeux se perdaient maintenant dans l'horizon orangé du couchant, se remémorant les instants de bonheur qu'ils avaient passés ensemble et leur enfant qui ne verrait jamais le jour. Il porta alors le corps inerte d'Alicia jusqu'au centre du bûcher puis jeta une torche enflammée sur les fondations. Les flammes embrasèrent aussitôt le bois sec et Gaebril fut vite obliger de reculer de quelques pas devant la chaleur qui émanait du brasier.

En regardant les hautes flammes monter vers le ciel, Gaebril se demandait ce qui avait pousser quelqu'un à commettre un tel meurtre alors que, tranquillement installés dans leur fermette, ils ne dérangeaient certainement personne. Il aboutit alors à la conclusion qu'une seule personne à sa connaissance aurait voulu mettre fin à cette situation : son père. C'était même évident pour lui qu'Alaric aurait tout fait pour voir revenir son héritier légitime dans le droit chemin, quitte à tuer sa compagne s'il le fallait.

Le bûcher éteint, il alla chercher ses affaires, sa maille et son épée et abandonna la ferme sur laquelle ils avaient travaillé si durement. Il n'etait plus alors habité que par un sentiment de vengeance.
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Message par Morgenese » 29 avr. 2005 11:45

Vengeance

Alaric était affalé sur son trône, sa tête reposant lourdement dans le creux de sa main. Il écoutait aujourd'hui les plaintes et les revendications de ses sujets et cela l'ennuyait mortellement. Ses gardes chassaient un petit fermier qui brandissait une poule égorgée pour exiger réparation des méfaits d'un quelconque renard lorsque Gaebril entra dans la salle. Le coeur d'Alaric ne fit qu'un bond en apercevant le fils qu'il n'avait plus vu depuis des mois. Malgré le déshonneur que Gaebril lui avait causé, il était maintenant fou de joie et n'avait qu'une seule envie : prendre son fils dans ses bras. Néanmoins, la bienséance exigeait de lui plus de froideur envers celui qu'il avait déshérité.

"- Gaebril, je suis heureux de te voir. Viens-tu pour te faire pardonner l'affront que tu m'as fait le jour de ton mariage ? As-tu enfin quitter cette gueuse et retrouver la raison ? demanda-t-il.
- Vous savez bien pourquoi je suis là, répondit-il froidement en s'avançant vers son père.
- Et bien pas vraiment en fait. Que puis-je faire pour toi ?
- Mourir. "

Gaebril dégaina si prestement que le sourire d'Alaric n'eut pas le temps de s'effacer avant que sa tête ne quitte ses épaules. Ce qui avait été naguère son cou n'était maintenant plus qu'une fontaine de sang qui maculait le visage de son fils. Un garde regardait encore la tête rouler quand Gaebril fondit sur lui et transperça sa gorge dénudée. Il regarda ce pitoyable pantin trembler comme une feuille, ses yeux se révulser jusqu'à ce qu'il tombe comme une masse après le retrait de son épée. Il saisit l'arme du vaincu et entama une véritable danse guerrière face aux soldats accourus en nombre suite aux cris de l'assistance. Bercé dans l'art du combat depuis sa plus tendre enfance, Gaebril maniait ses lames des deux mains avec une telle dextérité et si rapidement qu'elles semblaient perdre de leur consistance lors de ses mouvements, sans pour autant perdre leur tranchant. Quelques soldats tombèrent encore sous ses coups d'estoc et de taille mais leur nombre augmentant, il fut contraint de ployer le genou, sur la défensive. Un poing pervers vint alors le frapper par derrière à la nuque et il perdit connaissance.
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Message par Morgenese » 05 mai 2005 12:23

Les cachots

Gaebril émergea des ténèbres pour mieux se rendre compte à quel point l’arrière de son crâne le lancinait. Il était allongé sur le sol en terre battue d’une cellule misérable, éclairée par la faible lueur d’une torche. Une paillasse rudimentaire avait été placée dans un coin, ressemblant plus à un tas de foin qu’à une couche décente. On lui avait fourni aussi un sceau pour ses besoins naturels, qui, chose étonnante, était déjà à moitié rempli de déjections odorantes qui ne manquaient pas d’attirer des insectes en tout genre. Ses geôliers avaient néanmoins eu le bon goût de lui laisser un pichet d’eau fraîche et un plateau repas, que deux rats étaient en train de se disputer.

Cette situation était assez déconcertante, d’autant plus que Gaebril n’arrivait pas à se rappeler où il était et ce qu’il avait fait pour en arriver là. Le dernier événement encore gravé dans sa mémoire était la mort d’Alicia, un peu comme si ses souvenirs les plus récents avaient été brûlés dans les flammes de son bûcher. Il se leva tant bien que mal pour aller serrer les vieux barreaux rouillés de ses deux mains et constater qu’ils étaient encore malgré tout solides. Il appela alors à l’aide avec l’énergie du désespoir avant de s’écrouler à genoux.

« - Personne ne viendra pour toi, Vent Noir. »

Au son de cette voix, Gaebril sursauta et voulut se retourner si rapidement qu’il manquât de peu de tomber sur les fesses. Une fois les caprices de son corps convalescent maîtrisés, il fit face à l’homme qui l’avait effrayé. Celui-ci était adossé au mur le plus sombre, bras croisés, fixant Gaebril avec un sourire narquois aux lèvres. Ses vêtements soyeux, sa barbe noire taillée et huilée, les émeraudes à ses doigts synonymes de richesse et de noblesse ne suffisaient pas à effacer ses yeux d’une couleur rouge flamboyant. Une chose était sûre : il n’était pas là quelques secondes auparavant.

« - Qui êtes-vous ? le questionna Gaebril.
- Tu peux m’appeler Terealz si ça te chante. Ils ne viendront pas vu le crime atroce que tu as commis, ricana-t-il en ponctuant le mot « atroce ».
- Qu’ai-je donc fait ?
- Oooh ! Tu ne te souviens de rien ? Laisse moi te rafraîchir la mémoire. »

La conscience de Gaebril fut alors assaillie d’images plus terribles et réelles les unes que les autres, mettant en scène son forfait. Il était maintenant en nage, tout tremblant, et du sang coulait de ses narines.

« - Non, ce n’est pas possible. Je n’ai pas pu faire ça.
- Mouaahahah ! Tout est possible pour le Vent Noir ! Il suffit juste de bien le nourrir, affirma-t-il. »

A cet instant se firent entendre dans le corridor des bruits de pas et des cliquetis d’armure. Deux molosses furent bientôt dans la cellule pour emmener Gaebril comparaître devant la justice. Terealz avait disparu depuis longtemps…
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Message par Morgenese » 12 mai 2005 09:54

Le jugement

On lui passa de lourdes chaînes, qui lièrent si bien ses mains à ses pieds qu’il lui était vraiment malaisé de marcher et impossible de courir. Ses fers étaient même si dérangeants qu’il mordit la poussière lorsque l’un des gardes le poussa violemment pour avancer.

« - Eh parricide, tient plus d’bout ? dit celui-ci en lui assenant un coup de pied dans les côtes.
- Arrête un peu tes conneries ! Faut l’amener en bon état pour son procès, s’interposa le deuxième en relevant le prisonnier. »

La brute se rapprocha alors du visage de Gaebril à tel point qu’on aurait pu croire qu’il allait l’embrasser. Il exhalait une haleine fétide, où se mêlaient des vapeurs d’alcool et les odeurs des pourritures coincées entre ses dents.

« - T’as tué mon frère ce jour là, parricide. Ce sera une grande joie pour moi quand on me laissera te trancher la tête, lui souffla-t-il dans un chuchotement. »

On l’emmena ainsi à travers le palais et chacun de ses pas était une lutte pour garder l’équilibre. Il arriva finalement à la salle d’audience, qui était bondée. Petits et grands, nobles ou gueux, tout le monde avait voulu assister à son procès. A son entrée, chacun lui cria sa haine et chaque nouvelle insulte augmentait son désarroi. Voir ces visages autrefois aimables se décomposer de fureur à son passage ne manquait pas de le blesser profondément.

C’était son oncle Tyurn qui présidait la séance, lui qui le faisait sauter sur ses genoux lorsqu’il était petit. Ce temps était hélas révolu, il ne pouvait maintenant que constater à quelle vitesse Tyurn, avide de pouvoir, avait pris la place de son père. L'oncle fit calmer l’assistance et déclara :

« - Gaebril, tu as commis le meurtre de ton père devant de nombreux témoins. Nierais-tu ces faits ?
- Non, répondit-il.
- Mais pourquoi as-tu fais ça ? Ton propre sang ! questionna-t-il en colère.
- Je ne me souviens plus, hasarda-t-il en sachant pertinemment que la vraie réponse n’arrangerait pas ses affaires.
- Bien, je vois que tu ne veux pas coopérer… De toute façon, il ne m’en faut pas plus pour te condamner à la seule peine qui existe en Drakkan pour les coupables : la mort. Ton exécution aura lieu dans une semaine à cette même heure selon les lois en vigueur »

La foule, d’abord scandalisée par la réponse désinvolte de Gaebril, émit un brouhaha de satisfaction lorsque Tyurn prononça la sentence. Au milieu d’elle, Terealz, un éternel sourire au coin des lèvres, observait Gaebril qui devenait de plus en plus blême.
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Message par Morgenese » 19 mai 2005 09:42

Rêves

Lors de son retour en prison, on ne le ménagea plus. Les violences répétées des gardes l’avaient contraint à rejoindre sa cellule en rampant, le crâne visqueux de sang et la lèvre fendue. Sa main d’épée avait été broyée sous la botte de ce maudit dont il avait tué le frère, alors qu’il était à terre et roué de coups. Le monde tournoyait dangereusement autour de lui et sa vision altérée par l’hématome de son œil droit n’arrangeait rien. Lorsqu’il arriva enfin à pénétrer dans sa geôle, on le laissa à son triste sort, non sans une dernière insulte ou un dernier crachat sur son corps inerte. Allongé dans la poussière, il perdit connaissance.

Une douce brise faisait plier les herbes sauvages devant sa maison, celle qu’il avait eu tant de plaisir à rénover avec Alicia. Les fins rayons du soleil venait caresser son visage et lui donnait une sensation de chaleur agréable. Il était enfin de retour chez lui et il sentit ses larmes monter à ses yeux en comprenant que tout redevenait comme avant. Il poussa la porte de la ferme et Alicia vint l’accueillir. Elle était rayonnante de vie, de joie, de sourires. Le bonheur se lisait sur chaque trait de son visage.

« - Mon amour, te voilà enfin de retour, dit-elle en l’enlaçant.
- Jamais plus je ne te quitterai, lui répondit-il en lui rendant son étreinte. »

Quand leurs lèvres se rapprochèrent pour échanger un baiser, Gaebril distingua la plaie recouverte de sang coagulé sur sa gorge. Il se dégagea et recula d’un pas.

« - Qu’y a-t-il mon amour ? »

C’est alors que des flammes embrassèrent son corsage. D’abord remplis d’incompréhension, les grands yeux d’Alicia exprimaient maintenant une peur panique, que ses mouvements désarticulés venaient renforcer. Elle fut bientôt totalement en feu, Gaebril distingua même sa peau qui fondait, complètement impuissant.

« - Gaaeeebriiiiiiiiiiiiiiiil ! cria-t-elle »

Ce cri strident lui déchira le cœur.
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