Retrouvailles

[Arno]

Gwenilin était épuisée. La jeune elfe marchait depuis des jours, la peur au ventre, courant sans répit pour éviter les monstres et les assassins qui prospéraient à l’étage des gelées.
Par deux fois ces dernières semaines, elle avait été ramenée au dispensaire son corps ensanglanté. Son second retour avait plus dur encore pour son moral. Un lâche assassinat ; comment le qualifier autrement? La triste pensée que la Déesse l’avait abandonnée ne lui traversa toutefois que rapidement l’esprit. Les nonnes infirmières l’avait soignée et consolée. Désormais elle n’aspirait qu’à une chose : rejoindre ses nouveaux compagnons des épées du vent. Et peut être enfin son frère, la pardonnerait et la rejoindrait.
Sur le chemin, dans un autre dispensaire, elle y rencontra un noble et charmant marchant à l’étrange accent de l’est. Il l’aida au-delà de tout espoir. Un sourire malicieux s’esquissa sur ces lèvres, elle se souvient de l’escapade nocturne pour sortir du temple. La supérieure du dispensaire l’avait durement sermonnée à son premier essai de sortie, la jugeant trop faible ; ainsi que sur son attitude frivole envers les prêtres et sa tenue tout aussi légère. Elle n’en avait cure. Les mortels ne semblaient adorer leurs dieux que dans la tristesse et la peur, chez elle sa foi n’était que joie et espoir. Elle se souvint aussi du ton cinglant de la vieille femme et de l’humiliation que la jeune adolescente en avait ressentie : comment une simple mortelle avait elle osée lui parler ainsi ? Elle était l’héritière de son clan ; la future grande prêtresse de la Déesse! Le mauvais souvenir passa fugacement et le sourire revint : cette nuit là elle avait bien ri avec Ozogi. Elle avait désormais une dette envers le régent. Soit ! Ça lui donnait une très bonne excuse pour revoir le charmant Ozogi. Elle avait vu le regard du marchant alors qu’elle s’éloignait.
Alors qu’elle était réfugiée dans un bâtiment administratif, elle avait pu relire les messages de Sulinwë. Son maître de magie était clair : elle devait remonter pour rejoindre le groupe, seul un détour par le sud lui procurerait une relative sécurité sur son chemin. Mais la Déesse accompagnait de nouveau ses pas : une bonne âme lui jeta un sort de célérité, et après quelques heures de repos, elle partit les jambes légères et le cœur plein d’espoir.
Le spectacle au pied de l’escalier était ahurissant : des dizaines d’aventuriers toutes races confondues étaient englues dans les gelées maléfiques du grand Démon. Elle y reconnut certains visages amis, et entendit des noms célèbres. L’insouciante adolescente eut le désir de s’attarder mais pour une fois, sa raison l’emporta. Elle rejoindrait étage du crâne, elle retrouvait ses amis.
Et peut être enfin son frère …

Elle sortit de l’escalier en trombe. Elle retrouvait les vastes espaces du masque de mort. La sortie de l’escalier était assiégée par des monstres. Malgré tout, elle ne se sentait pas en danger, les monstres étaient déjà attaques par d’autres aventuriers. Elle s’arrêta la et envoya des messages a son frère et a ses compagnons de sa guilde pour leur faire savoir qu’elle avait fini par arriver elle aussi. Un choix s’offrait maintenant à la jeune elfe. Le devoir lui disait de rejoindre sa guilde, mais son cœur la guidait vers son frère Gwenilin ne se posa guère longtemps la question et partit vers le crâne, sa guilde attendrait un peu, cela faisait si longtemps qu’elle n’avait pas vu son frère aine !

Ses jambes fines ne traînèrent pas. Bientôt elle aperçut le comptoir du crâne. Elle évita avec soin les quelques gelées vertes qu’une probable et malheureuse tentative d’un apprenti sorcier avait introduit dans ce souterrain. Une moue de dégoût figea un instant le visage rieur de la fée. Elle repartit d’un pas joyeux. Le soir si tout allait bien, elle verrait Earendil.

Elle le vit. Si proche et pourtant encore si loin, quelques centaines de pas : sa haute taille et ses longs cheveux de flamme le distinguant parmi tous les autres aventuriers présents au centre du crâne. Il s’entretenait avec un grand chevalier. Gauvain !
Elle vit le grand paladin s’éloigner en courant à vive allure ! Elle reconnut les vibrations magiques qui allégeaient les jambes du guerrier ! Ainsi Son frère ne fanfaronnait pas ! Une pointe d’envie la traversa, son frère maîtrisait déjà mieux qu’elle la magie ! Alors que tout la prédestinait ! Mais ce bref sentiment s’envola sous la joie !
Earendil ! cria t’elle
Le grand elfe se retourna, et des yeux verts émeraudes, les mêmes que les siens, s’élargirent sous la joie et le choc !
Gwenilin !
Les deux elfes coururent l’un vers l’autre dans la cour du centre d’entraînement. Quelques aventuriers cessèrent l'entraînement quelques instants, puis s’en retournèrent indifférents ou émus.
Earendil souleva Gwenilin dans les airs, plus légère qu’une feuille. Ils s’étreignirent, les mots devenus inutiles, et quatre yeux émeraudes se voilèrent sous les larmes …