- Salut à vous, ma dame. Puis-je vous posez une question, qui me taraude l'esprit depuis quelques instants ?
Les elfes vénèrent la Vie, n'est-ce pas ? Alors dans ce cas, pourquoi vous épuisez-vous à me harceler de vos flèches ? Non pas que cela me dérange... Bien au contraire, les petits picotements qu'elles me provoquent me rappellent les aiguilles utilisées en acupuncture ! C'est juste que ce trouve cela un peu... paradoxal.
Si c'est pour que je vous donne mes brousoufs, bien que je n'en possède que très peu, une gentille demande de la part d'une jeune fille aussi charmante que vous aurait amplement suffit, et je vous les aurais donnés de bon cœur.
À moins que vous ne souhaitiez obtenir mon scalpe. Est-il possible qu'une elfe aussi jeune et adorable que vous soit au service de la Mort ?
Si c'est le cas, vous ne tarderez pas à recevoir ce que vous voulez. Mais qu'en retirerez-vous, à part un peu d’expérience, et la haine de mes amis (dont vous avez peut-être entendu parler grâce à Sirya Sercëva). De l'honneur ? Laissez-moi rire ! Quelle gloire y a-t-il à tirer de l'assassinat d'un monstre pacifique et sans défense ? Enfin... je ne peux aller contre volonté, puisque je suis incapable de combattre.
Si je tombe au cours de ce combat, si l'on peut nommer cela un combat, Ecatis la vengeresse saura faire régner sa justice implacable, et mes amis feront couler votre sang pour vous faire payer celui qui s'échappe inexorablement de mon flanc, et dont se couvrent vos mains si blanches et délicates.
Vous ne me croyez pas ? « Oh !, vous dites vous certainement, qui prendrait sa défense ? Ce n'est qu'un monstre, après tout. »
- Ce n'est qu'un monstre répéta-t-il, avant de s'arrêter. Un sourire fendit son visage verdâtre, plein de tristesse et d'amertume. Ses yeux plongèrent dans ceux de son interlocutrice. Ces yeux... Des yeux en amandes, d'un bleu limpide, emprunts d'une bonté incommensurable. Son sourire n'était pas édenté et noir de caries, contrairement à ce que s'attendait l'archère. Il était d'un blanc éclatant. Le visage qui lui faisait face était empli de douceur. Soudain, la jeune fille fut frappée. Oui ! Elle reconnaissait dans cet affreux visage des traits elfiques...
Devant la stupeur qui se peignait sur sa face, le golem expliqua d'une voix presque inaudible, comme si évoquer ces souvenirs lui causait une douleur insurmontable :
« Je... autrefois, je n'avais pas un physique si disgracieux. Car, oui, je reconnais ma laideur. J'étais un prince elfe, aussi surprenant que cela puisse paraître. Je vivait dans un somptueux royaume, où l'on vivait en harmonie avec la Nature, comme dans la plupart des pays habités par des elfes. La paix régnait depuis longtemps. Trop longtemps, aux yeux d'un elfe noir, magicien maléfique.
Le jour de mes fiançailles avec la plus merveilleuse des créature qui soit, la plus douce et délicate des Elfes, il me maudit, me transformant en monstre sanguinaire semant terreur et destruction sur mon passage, et me condamna à errer de corps monstrueux en corps monstrueux, privant ainsi mon père d'héritier mâle. Après de longs mois à être tuer et à changer d'enveloppe corporelle, je parvins à retrouver le contrôle de mon esprit. Je ne pourrais retrouver ma véritable forme que lorsque j'aurais retrouvé mon aimée... »
Sa voix se brisa. Il avait été un prince charismatique et aimé de son peuple. Désormais, il n'était plus qu'une hideuse masse graisseuse dotée de parole dont le fin visage elfique était déformé, se gavant de brousoufs.
Orinea avait très vite cessé d'envoyé sur le golem ses petites flèches, profondément touchée par cette histoire. Elle se confondit en excuses avant de partir pour d'autres cieux, tandis que le gentil monstre périssait sous les coups de John Schnow, qui depuis sa défaite dans la Sirya avait trouvé des adversaires à sa taille, et s'amusait donc avec les monstres des extérieurs. ( Oh la provocation !

Quelques mois plus tard, voletait une nuée de chauve-souris. Elle passa à côté d'une jolie elfette...
Orinea... Ce nom disait vaguement quelque chose à la nuée de chauve-souris. Après de longues réflexions, la cheftaine se souvint :
- Mais oui, bien sûr !! Orinea ! Comment aurais-je pu oublier ?
Elle-ci parut perturbée et fonça les sourcils en demandant :
- Pardonnez-moi, mais je n’ai aucun souvenirs de notre rencontre... Quand a-t-elle eu lieu ?
Le monstre sourit, dévoilant d’étincelantes canines et répondit :
- Oh, excusez-moi, j’avais oublié, je n’avais pas cette forme lors de notre précédente rencontre. J’étais encore un Golem de Brouzoufs. Vous souvenez-vous de moi ? Vous savez, le prince maudit condamné à errer dans corps monstrueux en corps monstrueux. Comment allez-vous depuis tout ce temps ?
- Bien entendu je me souviens, comment aurais-je pu oublier ? Je n’ai plus osé prendre pour cibles de mes flèches les golems de brouzoufs depuis notre rencontre. Mais je n’imaginais pas vous rencontrer au sein d’une nuée de chauves-souris. Dites-moi existe-t-il une forme que vous préférez, ou bien qui vous procure le moins d’inconfort ?
Si la chauve-souris avait eut sa forme originelle, Orinea aurait pu voir son visage se parer de pourpre. Hélas, sa peau grise masquait le moindre changement de couleur. Elle sourit de ses deux canines et répondit :
- Vraiment ? Cela me touche profondément !
La forme que je préfère ? Je vous répondrais celle d’un prince elfe. Mais cela fait tellement de temps que je ne me suis pas vu avec des cheveux, une peau clair et des yeux bridés...
Je vous avouerai que le physique que je préfère, pour le moment, est celui d’un rat, ou d’un lièvre. Ou bien celui d’une chauve-sourisne m’ennuie pas outre mesure... Pouvoir voleter ne m’est pas si désagréable, c’est même assez amusant. Mais ces crocs ont la fâcheuse tendance de me lacérer la bouche et effrayent les aventuriers.
- Et bien cela en fait des expériences ! Très sincèrement j’espère ne jamais subir telle malédiction. Je ne sais pas comment vous pouvez encore avoir le courage de ne pas vous laisser mourir encore et encore.
La chauve-souris sourit et répondit :
- Vous savez, au début , c’est ce que j’ai fait, mais finalement, j’ai pris goût à cette vie. Je fais chaque jours de nouvelles rencontres pas toujours aussi charmante que la votre, pas toujours aussi agréable non plus, mais je rencontre un nombre incalculable de personnes, jeunes, vieux, riches, pauvres, bons ou mauvais.. J’aide ceux qui acceptent ma compagnie, aussi étrange et éphémère soit-elle.
L'archère s'éloigna, laissant Morwën, la dame sombre, retrouver ses deux compagnons, Raoul Desbois, fin archer dont l'animal de compagnie était une souris (non, non, pas chauve, celle-ci) et Xélès, une toute jeune elfe qui commençait la pratique de la magie. Tous trois se rendirent dans un magasin, afin d'équiper la jeune fille.
L’archer entra dans l’échoppe, et immédiatement se trouva avec un carreau d’arbalète sous la gorge.
- Ha ha Evolia, moi aussi je suis content de te revoir. Je te jure que j’ai de quoi payer cette fois, et puis je ne viens pas pour moi, c’est pour une amie.
- Si je te reprends à chaparder ne serait-ce qu’une pointe de flèche, j’accrocherai ta tête au dessus de la porte.
rétorqua la maîtresse des lieux en replaçant l’arbalète sous le comptoir.
- Qu’est-ce que tu as en armure légère?
- Bof pas grand chose, j’ai de l’armure de cuir tout ce qu’il y a de plus courant.
En effet le magasin n’était pas bien achalandé en armure.
- Xélès, je crains qu’on ne trouve pas grand chose, mais ce sera mieux que rien.
Les chauves-souris hochèrent la tête, tandis que Morwën répondait en souriant, au nom de Xélès, qui ne répondait pas, les yeux perdus dans le vague :
- On devra se contenter de cela, c’est toujours mieux que rien.
Xélès balaya du regard les rayons de la petite boutique. En effet, il y avait vraiment peu d’armure, ici. De plus, acheter une nouvelle armure de cuir serait inutile : elle en avait trouvé une sur le chemin, et l’avait revêtue. Morwën de son côté, adminrait avidement les marteaux,les griffes et les gantelets, puis elle détourna le regard en se souvenant que sa bourse était vide. Elle soupira et planta ses griffes dans le chair d’un lièvre et s’abreuva de son sang.
Son amie magicienne aperçut la scène et faillit perdre connaissance lorsque l’hémoglobine gicla sur la chauve-souris. Quelle horreur ! Du sang !!
- C’est qu’elle a de l’appétit notre compagne ailée, remarqua Raoul en rigolant, pas plus choqué que ça par la vu du sang.
- Tant que tu te rassasie de lièvres ça me va. Que fait-on maintenant ? Une direction particulière ?
Morwën dévoila ses longues canines ensanglantés dans un sourire malsain en répondant avec un clin d’œil :
- Oui, les lièvres... Prends garde à ta souris, on ne sait jamais ce qui peut tomber par mégarde sous mes crocs.

Elle virevolta dans la boutique et dit à l’intention de l’archer :
- J’ai un ami commun à Xélès et il lui a dit qu’un groupe d’aventurier allait peut-être nous contacter pour faire route avec nous. Je n’ai pas encore reçu de missive de mon côté, alors en attendant, je propose que nous allions trouver un portail démoniaque... Parce que j’ai soif, moi !
Après quelques heures passées à admirer les rayons de la boutique, ils ressortirent et partirent à la chasse aux monstres, au grand dam de la magicienne qui exécrait plus que tout la vue du sang.
Morwën battait l’air de ses ailes et une chauve-souris de ses griffes. Les aventuriers assistaient à un étonnant duel entre deux nuées de chauves-souris. Se débattant de son mieux, la chauve-souris morpokienne interpella ses amis, le souffle court :
- Eh, les amis, ça vous dirait de me donner un petit coup de main ? Un petit soin ou une petite flèche dans le cœur la chauve-souris que voici seraient les bienvenus.
- Oups! -fit l’archer- pardon, je manque à tous mes devoirs, je n’ai pas l’habitude de voir de tels duels, mais je vais tout de suite vous aider.
Et joignant le geste à la parole, il saisit une flèche de son carquois et la plaça sur l’arme, en espérant faire mouche, enfin chauve-souris...
Reconnaissante, Morwën sourit à l’homme. Elle lacera un golem d’arme et d’armure, le laissant au bord du gouffre de la mort, puis elle se reposa quelques temps. À la nuit tombée, elle rouvrit ses petits yeux.
Ahhhhh la nuit ! Quel bonheur ! L’air frai, le silence, le calme, le vent caressant ses ailes... et les aventuriers qui sommeillent paisiblement...
Elle jeta un coup d’oeil à la magicienne : paupières fermées, souffle régulier, tête légèrement baissée. Pas de doute, elle dormait profondément.
Elle posa son regard sur l’archer et son étrange souris, mais il lui était impossible de deviner s’ils dormaient. Alors d’une voix presque inaudible, elle demanda :
- Raoul ? Bernadette ?? Vous dormez ?
Voyant un léger mouvement du côté de l’homme, elle marqua une pause avant de poursuivre :
- Qu’est ce qu’on fait, maintenant ? On fait quoi demain ? Qu’est ce qui est prévu pour la suite ?
Se grattant ostensiblement le crane, Raoul essaya de rassembler ses esprits.
- Mouii? Oh moi je vis au jour le jour, mais c’est surtout pour Xélès qu’il faut trouver un coin propice. Si elle arrive à progresser dans sa maîtrise de la magie elle pourra nous aider à tuer quelques monstres plus costauds et du coup elle sera mieux armée pour continuer vers les profondeurs. On va vers un autre portail? Un centre d’entrainement peut-être?
La petite chauve-souris se réveilla doucement regardant autour d’elle l’air un peu perdu..
- D’accord Raoul, moi ça me va. Xélès, tu en penses quoi ? On bouge ? Je commence à avoir faim moi... Il faut que je trouve du sang rapidement, si je ne veux pas me déshydrater..
Après avoir virevolter de part et d’autre pour se détendre les ailes, elle annonça à ses amis :
- Pourquoi n’allons nous pas au portail qui est plus au nord est ? Il y a un bon nombre de monstres, ce qui nous permettrait de mettre nos entraînements en pratique
- Pas de problème, allons voir si on trouve de quoi s’amuse un peu.
La chauve-souris griffait les flancs baveux d’un ka-gô :
- Raoul ! Bernadette ! Xélès !!! Venez viiiiite ! J’ai trouvé un Ka-gô et un scarabée en amuse-gueule !

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HRP :
Le texte en bleu est de la plume d'Orinea
Le texte en vert est de la plume de Raoul Desbois