Falis, le temps est venu !

[Maël d'Adélaïde]

Le prélude

La massue produisit un bruit mat lorsqu’elle rencontra le crâne du nain. Archibald fut projeté à quelques mètres de là, terminant sa course en roulé-boulé.
Une chance que l’ossature des nains était rompue à ce genre d’exercice.

Se relevant, il secoua la tête afin de faire disparaître le sifflement qui lui vrillait les tympans, en vain ; déjà il sentait son visage enfler, cuit par la rencontre avec l’arme de fortune de son adversaire.
Il ramassa sa hache, resserra sa prise sur son manche à s’en faire blanchir les jointures, et toisa la créature encore aux prises avec ses compagnons d’armes.
Un Héro Ogre de plus de trois mètres dont l’écume aux babines et son regard vitreux laissaient clairement entrevoir la furie Berserker qui avait pris le contrôle de son être entier. Aucunes des blessures qu’il avait subit ne semblait réellement l’handicaper.
Un sacré adversaire que voilà !

Fléchissant les genoux, Archibald se tenait prêt à bondir, guettant la faille. Voilà quelques semaines qu’ils s’escrimaient, ses amis et lui, avec ces drôles de créature qu’étaient les ogres, et à chaque combat, il s’en fallait de peu pour réussir à avoir l’ascendance. Combien de temps cela pouvait-il encore durer ? D’autant que…

Un vague de colère le fit trembler de tout son être, il sentait presque sous ses pieds la présence du Rouge, là, tapi aux tréfonds du réseau de cavernes. Et surtout, le contact avec sa Dame, la Purificatrice était si ténu, il sentait à peine sa chaleur.
Lui, répurgateur de fortune, ne laisserait pas ses terres impies plus longtemps frappées du seau maléfique des créatures qui hantaient ces lieux.

Il fallait renouer le contact ! Réaffirmer qu’ici même au plus profond des souterrains, la flamme de la Justice devait naître et permettre aux aventuriers et prêtres de prendre du repos, retrouver force et espoir.


« Puisse Falis guider ma main ! »
Il plongea entre les jambes de son adversaire et d’un coup de hache lui sectionna les ligaments du genou. L’ogre ne tint pas longtemps debout et dut poser genou à terre. Le coup suivant frappa la base du cou de la créature, maculant le nain de sang de son adversaire. L’ogre gronda, la colère l’empêchait de percevoir que ce combat était désormais perdu. D’une main griffue, il se saisit du nain et l’envoya valdinguer.

Un nouveau roulé-boulé, mais la réception ce coup-ci s’avéra plus souple, plus aisée, bien moins traumatique ; Archibald désarmé, coula sur son adversaire un dernier regard, il gesticulait tentant de repousser les dernières attaques de ses compagnons, mais son regard était différent, empli de fierté et de tristesse à la fois. Il savait ses minutes comptées, une hache fichée dans sa gorge et déjà ses forces le trahissaient.

« Puisse Falis t’offrir son pardon », furent certainement les derniers mots qu’il entendit lorsque le nain récupéra sa hache et l’abattit une dernière fois sur la puissante créature gisante étendue sur le ventre à même la roche. L’ogre respirait presque sereinement alors que la lame glissa dans ses chairs lui ôtant son dernier souffle.

…

« Là-bas, au village, un nouveau temple sortira de terre… »

[panchino]

Oorgùn était assis sous le porche de la Maison des Bâtisseurs du Crépuscule dans le Havre de paix du village perdu au cœur du Royaume Ogre.
Il avait mené une longue carrière d'aventurier et se remémorait ce qui l'avait conduit ici des années auparavant.

Ce sont ces longues nuits de garde à guetter le danger durant la longue traversée de l'étage qui lui revenait le mieux. Ces moments de calme qui annonçaient le carnage, parfois la mort.


Lorsque l'étage a été découvert pour la première fois, il avait fallu creuser la Morià pour excaver quelque ancienne route, deux groupes en furent les premiers de cordée. Les Energizers et le sien. Ce devait être au printemps 1477, il y a six ans, au moins.
Un groupe volontaire de soixante personnes formait la colonne, trépignant de découvrir le pays de Bruits et de fureur, ses dangers comme ses merveilles.

Les premiers contacts... Les premières désillusions...

Les ogres se montrèrent bien plus nombreux et puissants qu'escompté. Un ennemi parmi tous fit bientôt surface comme étant le démon incarné, il infligea des plaies plus profondes que tout autre, et pris le doux surnom de Hob. Un adversaire rapide et brutal, capable de se défaire de n'importe lequel d'entre-nous en une fraction de secondes...
Ce sont ces monstres, en particulier, qui décimèrent les troupes.

Ses compagnons et lui apprirent à préférer les grands espaces aux boyaux tortueux, afin de voir venir le danger.
Ils étudièrent comme nulle part plus haut, la tactique, devenue l'ultime recours face à la barbarie infernale.

Après une année entière à tenter la grande traversée, la paroi Est fut enfin en vue. Le groupe avait déjà perdu la moitié de ses effectifs.
Mourir en ces lieux, c'était être définitivement séparé des siens. Il était impossible de rejoindre un groupe, seul, à partir de la Morià.