Les temps changent.

[Exirel]

L'elfe se gratta nerveusement le poignet, plongé dans un abîme de réflexion diverses et variées, et, notamment, sur le fait que se gratter le poignet - nerveusement - était une mauvaise idée. Il cessa donc et cacha son bras presque tout aussi nerveusement dans les replis de sa cape. Il détestait cette cape : d'un violet criard et bordée d'or et brodée d'argent, elle était plutôt tape à l'oeil et tout sauf discrète. Mais tout mage qui se respecte un peu sait qu'il lui faut un certain attirail pour faire partie de la profession : c'est toujours plus simple pour reconnaître qui fait quoi dans ce bas monde, qui est déjà bien trop désordonné. Cette pensée le fit sourire intérieurement, puisque, concrètement, c'était pour mettre le désordre qu'il était là. Il fronça les sourcils en se demandant si sourire à son cortex ne pouvait pas être pris pour une sorte de schizophrénie assez atypique - et plutôt effrayante, à bien y réfléchir.

Quelque part, il fut soulager d'être interrompu par la voix nasillarde de Hyon qui demandait, encore une fois, quand allaient pouvoir y aller. Il psalmodia quelques mots, sans lui répondre, dans la direction de l'humain, puis s'en désintéressa. Ses compagnons étaient toujours trop pressés, mais peut-être n'aurait-il pas dû les habituer à toujours être sous l'effet de sa trèèèès puissante magie pour se déplacer rapidement. Il se replongea dans ses pensées. Et en fut sorti par l'impression désagréable qu'un nain le regardait de travers avec insistance depuis plusieurs minutes.

- Nii, je sais que tu dois réfléchir à la route, et à notre plan.
- Et couver notre petite troupe d'imbécile.
- Oui, et ça aussi.
- Et vous lancer des sorts.
- Aussi.
- Et...
- Je sais tout ça ! Tu l'as déjà dit cent fois. Il n'en reste pas moins que tu m'as demander de mener l'expédition. Donc, je te le dis, essaye de suivre mes demandes quand je veux mener la marche. Ce serait plus simple. Nous allons aller voir la prochaine échoppe, nous avons déjà bien plus de matériels que nécessaire.

Il soupira. San n'avait pas tort il devait le reconnaître - mais il avalerait sa langue avant de l'admettre ne serait-ce que dans un murmure - mais son plan nécessitait beaucoup de réflexion. L'idée de base était pourtant assez simple, mais sa réalisation demandait... certaines choses en plus. Comme une bonne dose de machiavélisme ; et un brin de "On a rien sans rien".

- Nous n'aurions pas autant de surplus si vous m'écoutiez avant de foncer dans le tas et de ne laisser qu'un tas de chair morte inutile.
- Ouiii bon, je sais, on s'est un peu emporté avec le petit, mais on est pas habitué à être si... hm... aidé.
- Et alors ? T'as déjà essayé de faire parler un morbelin ? Tu sais à quel point c'est difficile non ?
- Ah ça oui... tu peux y coller des baffes quelques heures qu'il crachera encore sa morve sur ta tronche.
- Et bien mort, c'est impossible. Alors contente toi de leur filer des baffes, pas de les tuer.

Et un brin de "mais bordel, ces couillons n'y comprennent rien va falloir faire le boulot à leur place", aussi. Pas qu'un brin, d'ailleurs. Il replia les pans de sa cape sur les côtés pour avoir les mains libres, et se concentra quelques instants pour invoquer la même magie que précédemment. Leur petit groupe devait avancer vite pour risquer le moins possible de se faire repérer par les séides de Sal'morv et les créatures de Malkiar ; et il était le seul à pouvoir s'occuper de ça.

- Partons, il n'y a plus rien qui m'intéresse ici. Nous trouverons bien d'autre morbelin avec lesquels avoir une conversation qui ne soit pas composée uniquement de gargouillis et de suffocation douloureuse.