Parmynion II

[magicbaleine]

Une goutte d'eau...



Au milieu de la neige tourbillonnant entre deux rafales de blizzard, Digar posa sa main calleuse sur la porte de la Vieille Taline. Cela faisait bien longtemps qu’il n’avait reçu de nouvelles de son ex-épouse, et il venait les partager avec l’Ancienne du Clan de la Nuit. La lettre à demi-ouverte dépassait à peine de sa sacoche, pas encore lue… Elle était adressée à Digar et à Taline : l’homme avait un moment voulu découvrir seul ce que racontait celle qui fut un temps sa compagne. Puis, il s’était ravisé, et enveloppé de sa pelisse, avait alors décidé d’affronter le vent du crépuscule pour rejoindre la Vieille. Un peu de tisane l’attendrait sûrement… Il maugréa après cette habitude féminine et resta un instant la paume appuyée sur le doux bois sculpté de la porte. Enchanté par un sorcier du village, il signalait à tous l’appartenance de sa propriétaire au culte du Seigneur des Eaux. Ni le vent, ni le sable du Désert des Mille Morts n’avaient raison de son vernis et de ses courbes. Les caprices climatiques non plus, entre les nuits glaciales et les journées moites au meilleur de la saison.
Cédant sous la pression, la porte s’entrouvrit doucement : l’homme entra dans la demeure.

- Assieds-toi, Tigre Noir le Pillard. Prends place et dépose ton manteau. Quelques racines ? proposa une vieille voix venue du fond de la pièce principale.

Avec une moue qu’il voulut discrète, Digar refusa d’un geste de la main et se dirigea vers l’âtre pour examiner la lettre à la lumière des flammes. Le pillard trancha alors ce qui restait de l'enveloppe pour sortir enfin le courrier.

[magicbaleine]

Tombe à la surface...




Le visage du pillard devenait de plus en plus sombre au fur et à mesure que la lettre délivrait son message.
** Trois pages pour tourner autour du pot, mais qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Dans quoi elle s'est encore engouffrée? J'savais bien que j'aurais dû rester avec elle... Pfouuuu, trop long, bon elle dit quoi à la fin...**
(tourne les pages et va directement à la dernière ligne)

Taline entendit un brusque mouvement de chaise et frissonna de froid. Elle se retourna et ne vit que la porte grande ouverte, ballotée par le vent gelé qui en profitait pour lui rendre visite. Digar était déjà parti tambouriner aux maisons de ses plus fidèles compagnons. Amusée par ce remue-ménage inoppiné, la vieille déposa la tasse de tisane qu'elle avait préparée pour son visiteur du soir: "qu'est-ce qu'il nous a encore trouvé pour échapper à sa tisane, cette fois..."

Un feuillet voleta et tomba platement à ses pieds. En se courbant, comme peut le faire une personne de son âge, l'Ancienne le ramassa:"un dragon ??? Ici ? Tiens, comment a-t-elle pu découvrir son existence ?"

Puis, songeant au pillard qui rameutait dehors ses troupes, faisait sceller des chevaux, réveillait les maisonnées déjà assoupies, elle soupira:"mais ça fait longtemps qu'il est parti de chez nous, ce dragon, et il n'a fait que passer dans le coin. Ah, ces jeunes... ça demande jamais rien aux Anciens et ça croit tout savoir. J'vous jure... S'il m'en avait parlé avant de partir comme un furibond... Tss..."

Les chevaux étaient en effet déjà rassemblés au centre du camp de la Nuit, leurs cavaliers arrivant de toutes parts. Des femmes pleuraient en voyant partir époux, fils et frères.
Mais pas toutes. ^^

- Prêtes pour jeter toutes leurs cochonneries d'armes rouillées ?
- Oh que oui !!! Et les vieux vêtements qu'ils récupèrent toujours on-ne-sait-où ?
- Pareil !!! "Opération Vide absolu". Rendez-vous demain matin aux aurores. Phase 1, on trie tout. Phase 2, un tas sur la place. Et demain soir, on aura un beau feu de joie.
- Je prépare la mixture spéciale ?
- Celle qui permet de belles et grandes flammes? Visibles à des kilomètres à la ronde ? Bien sûuuuuuuuur...
- J'adoooore quand ils partent guerroyer, nos hommes ! ^^





Taline devinait déjà le plan qui se mettait en place chez ses consoeurs.

- Rho, il est trop loin pour mes vieilles jambes. Qu'il parte donc avec sa troupe, ils trouveront bien de quoi s'occuper en chemin. Après deux ou trois pillages, ils reviendront, puisqu'ils ne trouveront pas de dragon. Fais trop froid pour sortir. Brrrr...

Puis, elle referma la lourde porte et se dirigea doucement vers le petit autel consacré au Dieu de l'Onde. Alluma quelques bougies, et arrangea la statuette.

- Te voilà bien mystérieux, Divin Seigneur, pour appeler tes fidèles avec des dragons de passage... Après sa "femme", voilà maintenant Digar qui prend le même chemin. Jolie symétrie que tu nous fais là... Peut-être me suis-je trompée alors, en croyant qu'ils reviendraient vite. Ne les enverrais-tu pas dans une quête ? Dans ce cas, je me demande ce qu'est ce "Dragon" et sous quelle apparence il se présentera à eux. Un dragon... N'importe quoi ! pouffa la vieille, en sortant un pendentif et une vieille carte d'un tiroir dissimulé sous l'autel.

[magicbaleine]

Arrête tes salades


En quittant le Camp de la Nuit, Digar et ses hommes avaient pris la direction des cavernes, au loin, vers la bordure du Désert. Le Chef des brigands pensait que seul ce lieu pouvait abriter la créature maléfique. Ses compagnons cavalaient derrière lui, sans poser de questions. Néanmoins, au bout d'un moment...

- C'est encore loin ?
- On a chevauché toute la nuit, ce doit être temps pour un copieux petit-déjeûner.
- Ouais, on déballe les rations de "survie" ?
- Lesquelles ? Celles de la survie, ou bien celles de la "survie-survie" ?
- Gné ?
- Ben oui, c'est vrai que t'es nouveau toi, alors je t'explique... Y'a les rations de survie, préparée par nos petites femmes. Et puis y'a celles qu'on embarque, mine de rien, quand elles regardent pas... Parce qu'on sait qu'en chemin, il nous faut les meilleures choses pour tenir la route: la bière qui fait les meilleurs rots, les trucs qui font grossir... Ce genre de choses quoi...
- Ahhhhh...
- Oui, parce que leurs rations de survie à elles, faut pas se leurrer: quel guerrier digne de ce nom irait manger "sa petite feuille de salade" ??? Hein ? Non mais j'te jure...
- Mais tu la manges bien d'habitude, toi, ta feuille de salade. Même que l'autre jour, je t'ai vu qui...

Un regard noir et sombre pétrifia le jeune pillard, qui se reprit rapidement:

- Boah, de toutes façons, moi, j'en mange pas de la salade, alors.... Mais c'est vrai que je comprends. Et je compatis. Faudra que je pense à ça tiens. Quand je prendrai femme moi aussi, à pas en prendre une qui jure que par les feuilles de salade. C'est qu'on n'y penserait pas à ça, tiens, au premier abord. Non, mais c'est vrai... Si si... Tu fais drôlement bien d'en parler, tu vois. J'y aurais pas pensé.

[magicbaleine]

Quand y'en a pour un...


- C’est pas tout ça, mais quand est-ce qu’on se bat ?
- Ouais, nous on vient pour castagner, pas pour faire les magos qui se promènent à cheval en cherchant des cailloux.
- Ou de la menthe.
- Bon quand est-ce qu’on s’bat ? J’ai le glaive qui m’démange…
- Ouais, un bon petit Morbelin du désert, ou une harpie vorace. Ou un groupe de voyageurs à rançonner.
- Une caravane à piller.
- Un truc à faire quoi…
- Ben descendez de cheval et passez faire éclaireur dans la caverne là…

Occupés à discutailler et râler, les guerriers n’avaient point vu que le groupe s’était arrêté devant l’entrée d’une grotte, s’enfonçant dans les profondeurs rocheuses.

- C’est ici la caverne du dragon ?
- Ché pas, mais c’est ici que tu descends et que tu nous éclaires de ta lumière, Monsieur « J’veux m’battre »…
- Ah mais non, moi je voulais un morbelin ou une harpie… Parce que le dragon, là, j’ai pas le niveau moi.
- Non, c’est vrai. T’as pas le niveau.
- Bon alors j’fais quoi ?
- Tu rentres et tu éclaires de ta lumière…
- Ah… Oui, ça j’sais faire. Bon alors je rentre. Un moment j’ai cru que tu voulais que j’me batte contre le dragon, j’avais pas compris.

Et le bourru sauta à bas de sa monture, prépara de quoi allumer une torche, et entra sous le regard inquiet de ses compagnons, restés bien prudemment à l’entrée.

- Et je vais jusqu’où ?
- Jusqu’à ce que tu marches dans un truc mou.
- Ah ? Et ça voudra dire quoi ?
- Que t’es plus très loin…
- Alors j’avance. Dites, je vous entends plus très bien, vous pourriez parler plus fort ? cria l’explorateur nouvellement promu « éclaireur-kleenex ».
- Vaut mieux pas, non, et toi aussi tu devrais pas crier si fort.
- Ah ? Et pourquoi ?
- Parce que tu éclaires, tu fais pas la chauve-souris radar, non ? s’énerva Digar.
- Pourquoi une chauve-souris ?
- Parce que tu connais pas le sort « ondes » mais le sort « Œil de Lynx », alors tu regardes et tu parleras après.
- Ah, tiens, c’est vrai. Attends, je le lance.

(…)

- Ah ben y’a pas un dragon dans ce trou !
- C’est vrai ? Bon, on y va les gars ! Allez, on s’dépêche, on fouille les lieux, on cherche les cachettes, on ramasse, on identifie et on remplit les sacoches de ce qu’on trouve.

Les pillards entrèrent, pressés d’arriver et de trouver la perle rare qui traînerait dans un coin. Ils entrevoyaient déjà la silhouette de leur compagnon, lorsqu'ils entendirent de nouveau sa voix.

- En fait, y’en a deux !