Destins Croisés

[Gippel]

Chapitre 1 – Le secret
Automne 1474, un village caché elfe, Morloth

Deux jeunes elfes, un jeune homme adulte depuis une dizaine d'années et une adolescente proche de l'âge adulte, se promenaient dans une forêt du Morloth.
Tous deux plaisantaient d'un ton badin en rentrant vers leur village caché.
- Alors vieillard, on n'est même plus capable de suivre sa jeune sœur ! Presse toi un peu, j'ai hâte de rentrer.
- Vieillard ?! Je ne suis ton ainé que de 15 ans ma vieille, et ce n'est pas moi dont on va bientôt célébrer le passage à l'âge adulte. Il serait temps que tu t'assagisses un peu.
- Arrête de divaguer mon vieux, je reste plus jeune que toi et ca se voit. Oh regarde !
Sur le bord du chemin, à environ 50 mètres, une belette blessée semblait à l'agonie.
- Je vois. Laisse moi m'en occuper, selon les anciens j'ai toujours besoin d'entrainement.
- Oui c'est ce qu'ils disent, mais la vérité c'est que tu es déjà sénile et que tes capacités s'émoussent déjà...
Ne relevant pas la plaisanterie, le jeune homme prénommé Gippel s'essaya à un sort de soin sur l'animal, sans succès.
- Il n'y a rien à faire la magie ce n'est vraiment pas pour moi.
- Et étrangement le combat non plus... Laisse-moi m'en charger.
- Comme tu veux, mais ton habileté est écœurante. Et pour le combat je reste persuadé que ce ne sont que ces stupides arcs qui n'en font qu'à leur tête. Si ce n'étaient ces satanées coutumes, peut être aurais-je pu tenter de découvrir autre choses. Seulement les anciens sont bornés, et n'ont jamais voulu entendre mes arguments.
Pendant que Gippel se plaignait, sa sœur Riddim parvint sans difficulté à rendre à la belette toute sa vitalité. Ils se remirent en marche.
- Je ne comprends pas comment tu as pu ne pas y arriver, c'était pourtant simple, à peu près autant que de tirer à l'arc.
- Arrête de fanfaronner t'ai-je déjà dit. Tout le monde ne peut pas être aussi habile que toi. D'ailleurs tu es la seule du village à t'en sortir aussi bien dans les deux seules voies proposées. Tellement bien que tu as eu le droit d'étudier les deux plutôt en même temps, plutôt que de te cantonner à une voie comme les autres jeunes du village.
- Et toi le seul auquel aucune des deux ne convenait. Peut être est-il temps pour toi de quitter le village et d'aller découvrir le monde. Moi C'est ce que je compte faire aussitôt la majorité atteinte.
- Peut être...
Ils pénétraient dans le village. Ils entrèrent dans la maison du chef et saluèrent leur père. Gippel aperçut dans les mains de celui-ci un étrange pli au sceau encore plus étrange et encore scellé juste avant que son père ne l'escamote dans sa manche.
Il leur cachait quelque chose, c'était évident. Il jeta un regard à sa sœur. Elle semblait n'avoir rien remarqué.

Plus tard ce soir là, en sortant pour profiter du ciel étoilé pour la première fois depuis le début de l'année, son attention fût attirée par le feu, non pas qu'il fasse un temps à faire du feu pour un humain mais les elfes n'ont pas ce genre de besoins. Dans les flammes il reconnut le sceau étrange. Il se précipita pour essayer de sauver le pli. Il voulait savoir ce que son père manigançait. Bien sur le feu ayant déjà partiellement rempli son rôle, il ne put profiter du message dans son intégralité.

[…] sceau est affaibli par les années.
[…] sur le point de se réveiller et la sécurité de Delain […]ur cette raison, j'appelle en renfort toute délégation […] souhaitant porter main forte à la faible participation […]rsonnelle que je peux fournir. Bien entendu tout ceci serait à titre gracieux. S’il s'éveille et rompt le sceau définitivement, ayez conscience que d'abord tombera Delain certes, puis petit à petit tout le monde connu sombrera. Cette menace nous concerne tous.

Sa Majesté Hormandre III

Cette dernière manœuvre avait était la goute faisant déborder le vase. D'abord le refus des anciens d'écouter ses arguments pour la création d'une école de combat au corps à corps, doléance pour laquelle il n'avait reçu aucun soutien de la part de son père. Le fait que beaucoup au village le considèrent comme un paria, un incapable. Et enfin ca. S'en était trop pour lui, il ne pouvait pas rester.
Il se rendit dans sa chambre, fit un balluchon sommaire. Prit son arc, dont il savait à peine se servir sans risquer de blesser quiconque se trouvant près de lui. Sortit de sa cachette une épée courte qui lui avait été envoyée par un ami du même âge parti découvrir le monde dès sa majorité, épée qui si elle avait été découverte lui aurait sans doute valu un bannissement, tant les anciens avaient une aversion pour ce genre d'armes. Quelques vêtements, ses économies et quelques vivres complétaient ce baluchon sommaire. Il alla ensuite chez sa sœur, laissa une lettre explicative. Une fois habillé d'une cape sombre à capuche il se faufila à l'extérieur du village et s'enfuit vers Delain, sachant que la route risquait d'être longue.

[Gippel]

Chapitre 2 – La lettre
Automne 1474, salle du Conseil, Nebelhorn, pays des Nains

Nebelhorn est une ville du pays des Nains forte de plus d'un millier de barbes. Un mur d'enceinte cercle la partie extérieure, tandis que des trous et galeries sous la montagne constituent le reste de la ville, protégée par l'environnement naturel. Son économie est basée sur le commerce du minerai brut et taillé ainsi d'objets d'artisanat nain luxueux, ornés de pierres précieuses. La ville est dirigée par un Conseil à la présidence tournante et auquel siègent principalement des chefs de clan, élus par les habitants de la cité, qu'ils soient nains ou pas, homme ou femme, tous ont le droit de vote dès leur majorité du moment qu'ils se sont fait recenser.

C'est ce Conseil qui traite de la diplomatie et de la politique étrangère, mais aussi des affectations des différentes factions de la garde, de politique intérieure. Il prend également les décisions de justice, et font leur possible pour que les citoyens de Nebelhorn y vivent agréablement. Autant dire qu'être membre du Conseil est un métier à plein temps. A l'ordre du jour, entre autres, la lettre reçue la veille venant d'Hormandre III.

Un nain à la carrure impressionnante, bien que plus bedonnant que musculeux, et à la longue barbe hirsute blond cendré se leva et prit la parole.
- Messieurs, madame, il adressa un clin d'œil la seule femme de l'assemblée, un peu de silence s'il vous plait. Abordons le point suivant. Nous avons reçu hier, vous le savez surement une lettre d'Hormandre III, souverain de Delain. Comme tout le monde n'a peut être pas encore pris connaissance de son contenu, je vais vous la lire. Ensuite nous pourrons en discuter et prendre une décision.
Le nain s'éclaircit la gorge et lut la lettre.

Seigneurs elfes, maitres nains, confrères rois, bourgmestres et chefs de guildes et de clans,

J'en appelle en ce jour à votre solidarité. Vous avez surement entendu parler de cette histoire concernant Delain et un Démon, d'aucuns diront qu'il s'agit d'une légende mais moi, Hormandre III souverain de Delain, vous confirme qu'il s'agit bien de l'Histoire.
Le Démon est depuis scellé au plus profond d'un souterrain sous la Cité qu'il a jadis ravagée. Des témoignages parlant d'une recrudescence de rongeurs dans les ruines de l’ancienne Delain n'ayant jamais été reconstruite ou nettoyées, comme un témoin du passé je décidai d'engager une troupe de dératiseurs. Ils ont rapidement constaté que la source était les souterrains, je les ai donc fait rouvrir pour qu'il puisse exercer. Ils ne sont jamais revenus et j'ai de bonnes raisons de penser que tout ceci est provoqué par le Démon. Le sceau est affaibli par les années.
Ainsi, le Démon est sur le point de se réveiller et la sécurité de Delain est menacée. Pour cette raison, j'appelle en renfort toute délégation étrangère souhaitant porter main forte à la faible participation personnelle que je peux fournir. Bien entendu tout ceci serait à titre gracieux. S’il s'éveille et rompt le sceau définitivement, ayez conscience que d'abord tombera Delain certes, puis petit à petit tout le monde connu sombrera. Cette menace nous concerne tous.

Sa Majesté Hormandre III

- Merci Gors, tu peux te rassoir et reposer un peu tes jambes, au moins jusqu'au prochain point. C'était un nain ridé et à la longue et soyeuse barbe d'un blanc pur qui avait pris la parole. Alors, vos avis ?
- Ils se débrouilleront bien sans nous, surtout qu'ils ne comptent pas nous payer, dit aussitôt un grand maigre - pour un nain - au visage poupin et dont la barbe semblait ridicule comparée à celle des autres membre du conseil.
- Je ne suis pas du tout d'accord avec toi Zorrin, l'interrompit la femme. Certes ce n'est a priori pas rémunéré. Mais cela renforcera certainement nos liens avec ce royaume à long terme. Et rien ne garantit que ces souterrains soient vides de trésors.
- Je partage l'avis de Gerais. D'autant que nous avons plusieurs factions avec de jeunes capitaines récemment nommés qui rêvent d'avoir une mission suffisamment importante pour leur apporter un peu de renommée, coupa un nain brun de taille moyenne en armure avec une barbe taillée en W.
Un murmure approbateur se fit entendre.
- Bien sur ces bonnes paroles de Reindalf, si personne n'a d'argument à ajouter nous procéderont au vote à main levée, déclara le nain à la barbe blanche qui présidait cette cession. Qui est pour ? Cela nous fait donc 5 voix. Contre ? 3 voix. Je vous avouerai que j’aurais aussi été pour en cas d'égalité. 5 contre 3, on enverra donc une faction, cela me semble suffisant, d'autant que nous n'en n'avons que 4 en ville et qu'il en faut bien 3 pour assurer la sécurité.
Encore une fois le murmure approbateur.

- Reste à savoir laquelle. Reindalf, tu disais avoir déjà une idée sur la question, nous t'écoutons.
- J'en avais deux à l'esprit. La VII, dont le Capitaine n'est autre que Greidon, le fils de Gors. Il a 44 ans, et est déjà à la tête d'une faction depuis un an et ce seulement après 3 ans de service. Ses talents à la hache et au marteau ne sont plus à prouver, et une mission de grande envergure pourrait lui faire du bien au moral. L'autre est la faction IV, mon ancienne faction. Elle est dirigée par Baralaï, fils de Togai, depuis ma promotion au poste de Chef de la Garde il y a 4 ans. Baralaï a 48 ans, un peu plus d'expérience à la tête de sa faction et son sang froid m'a impressionné plus d'une fois du temps où il était mon second. Il est plutôt à l'aise avec une arbalète dans les mains, il m'a semblé qu'il savait aussi tirer à l'arc. Les deux factions sont pour l'instant en ville, la IV est affectée à la sécurité depuis bientôt 8 mois consécutifs, la VII est en congé jusqu'à la fin de la semaine puisqu'elle n'avait plus rien à faire et que 3 factions sont déjà chargée de la sécurité. Je vous confesse que j'ai une préférence pour envoyer la IV, je connais ces soldats et je les en sais capables.
- Je sais que ca pourra vous paraitre étrange et indigne d'un nain, mais je suis d'accord avec Reindalf. Même s'il est mon fils, je pense que Greidon manque d'expérience au combat. Ce Baralaï est dans la garde depuis avant même sa majorité. Il a déjà combattu aux côtés de Reindalf, et s'il lui accorde sa confiance je n'ai pas de raison d'en douter. De plus je suppose qu'il a déjà quitté le Pays des Nains lors d'une de vos campagnes précédentes, ainsi que la majorité de ses hommes.
- Quelqu'un veut ajouter quelque chose ? Bien, passons aux votes.

[Gippel]

Chapitre 3 – Cachoteries
Automne 1474, Nebelhorn, Pays des Nains

Une fois la cession du Conseil terminée, la journée des conseillers, elle, ne l'était pas.
C'est ainsi que dans la soirée, Gors rejoignit un groupe de scribes. Il leur commanda deux centaines d'affichettes :

La faction IV, ancienne faction du Conseiller Reindalf, désormais sous les ordres du Capitaine Baralaï a été choisie à l'unanimité pour représenter la ville de Nebelhorn et prêter main forte au souverain de Delain, Hormandre III. Elle se rendra à travers l'océan vers Orlanthi, et rejoindra Delain à partir de là. Arrivée à Delain, elle recevra ses ordres de mission. Une cérémonie de départ aura lieu le 1 Novembre, nous vous attendons nombreux pour leur souhaiter bon voyage.

Il trouva ensuite quelques adolescents pour aller accrocher ces affiches aux endroits habituels : toutes les auberges et tavernes de la ville ainsi que les quelques panneaux d'affichage publique sur certaines places.

La journée de Reindalf n'était pas terminée non plus. Il se rendit au quartier général de la Garde. Il entra dans le bureau du Chef comme s’il s’agissait du sien.
- Tu peux d’ores et déjà convoquer tous les combattants de la Faction IV demain matin à la première heure, tu devrais recevoir sous peu une mission pour eux. Je me rends en personne chez le Capitaine lui annoncer la bonne nouvelle en avant première.
- Tu sais Reindalf que ce n'est plus ton bureau depuis ton élection au Conseil il y a 2 ans. Et tu seras heureux d'apprendre que je venais de prendre connaissance de cet ordre de mission lorsque tu as surgi dans mon bureau. Et que j'allais justement convoquer tout le monde.
- Bien, en effet je suis heureux de l'apprendre. Je peux donc partir soulagé.
- Dois-je te rappeler que tu n'as pas besoin de venir tous les soirs vérifier que je fais mon travail correctement.
- Tu peux me le rappeler tous les soirs que ça n'y changerait rien, je crois que même si je n'y ai passé que deux courtes années je me suis attaché à se bureau.
Tous deux rirent aux éclats, et Reindalf sortit pour prévenir son ancien second, aujourd'hui capitaine.

La maison de Togai était située dans un quartier enfoui sous la montagne, à proximité de la mine qui était son lieu de travail. Bâtisse sommaire, sans ornement tapageur mais tout de même bien entretenue. Il frappa, une jeune naine encore adolescente lui ouvrit. Elle portait un tablier et ses cheveux noirs avec des reflets bleus attachés en chignon. Ses yeux pourpres semblèrent surpris de voir ce nain tout en armure sur le seuil qui souriait devant son air béat.
- Salut gamine
- Bonsoir m'sieur Reindalf, euh... Conseiller Reindalf j'veux dire. J'peux vous aider ?
- Tu sais, que tu peux simplement m'appeler Reindalf, gamine. J'aimerai parler à ton père et ton frère, mais dans cet ordre. Ils sont rentrés ?
- Ouaip, mon père est en train de bricoler et je vais aller chercher Baralaï. Il va être surpris...
- D'accord, mais prends ton temps j'aimerai parler un peu à ton père seul à seul avant.
- Compris.

Reindalf se dirigea vers l'atelier. La Garde avait été sa passion, son cœur, pendant des années. Aujourd'hui il s'essayait en politique, mais jamais encore n'avait-il trouvé de naine pour partager sa vie. Etant fils unique et ses parents étant morts depuis longtemps, il n'avait donc pas de famille. Aussi il avait passé de nombreuses soirées ici, chez Togai, son ami d'enfance avec lequel il avait été élevé. Lorsqu'il avait découvert les dons particuliers de son fils Baralaï, il s'était occupé de lui trouver une place dans sa faction, avant même qu'il ait atteint l'âge adulte. Il en avait rapidement fait son second, et il n'était pas rare qu'ils passent des soirées ensembles à revivre leur journée en compagnie de Togai et Barla, sa cadette. Barulina, sa femme était morte en couche, et il n’avait jamais songé à se remarier. Reindalf était donc comme un membre de cette famille.

- Salut Togai, je viens t’apporter de bonnes nouvelles. Ton fils va recevoir sa première mission d’envergure en tant que capitaine. Il va pouvoir montrer à tous qui il est. Partout on racontera ses exploits. Tu peux être fier de lui.
Togai était un nain massif – encore un. Ses mains étaient calleuses et ses pommettes usées. Il avait les traits particulièrement taillés, sa barbe frisée semblait en désordre. Il était occupé à la confection d’un meuble. Lorsqu’il n’était pas à la mine, il adorait l’ébénisterie. Il avait d’ailleurs fabriqué la première arbalète de son fils, et il s’était chargé de la décoration de celle que la Garde lui avait fait acquérir par la suite, son arbalète personnelle ne correspondant pas aux normes en vigueur.
- Bienvenue mon ami. Je suis à toi dans un instant, rentrons.
- Tu sais, je voulais te dire qu’il avait été choisi à l’unanimité.
- Je suppose que tu as bien su le vendre comme étant le meilleur candidat. Qu’importe, je suis heureux qu’il ait enfin la charge d’une campagne. Est-ce loin ?
- Assez. As-tu déjà entendu parler de Delain ? C’est une ville au Sud d’Orlanthi. Autrefois luxuriante elle fut ravagée par une engeance démoniaque. C’est ce que la légende raconte en tout cas, ça aurait eu lieu il y a environ 1500 ans.
- Mais tu sembles ne pas y croire.
- Disons que même si cette histoire est vraie, je doute du réel danger encouru. Le souverain de Delain semble persuadé que le Démon serait de retour, mais je pense plutôt qu’une guilde de petits malins a trouvé une bonne farce à jouer aux habitants de la région et un moyen de ramasser de l'or.
- Tiens voilà l’intéressé.
- S’il te plait, ne le lui dit pas. Je ne voudrais pas mettre un frein à son enthousiasme.
- Entendu.

[Gippel]

Chapitre 4 – La mission
Automne 1474, maison de Togai, Nebelhorn, Pays des Nains

Baralaï, suivi de près par sa sœur Barla, descendit dans la pièce principale. Il semblait frêle, le squelette plutôt fin par rapport aux deux nains déjà attablés dans la pièce. Il avait une barbe courte de jeune adulte, elle était rousse et légèrement frisée. Si ce n’était l’armure et l’insigne de capitaine, on ne l’aura jamais prit pour un soldat de la Garde, encore moins un chef de faction.

Barla, sa jeune sœur, avait 33 ans même si elle en paraissait 10 de moins. Elle avait ôté son tablier sous lequel elle était vêtue d'une tunique aussi sobre que la maison. Elle apprenait les rudiments du métier de commerçant dans la journée. A 20 ans, elle avait d'abord voulu travailler comme artisan, mais son habileté ne lui permit pas d'envisager un avenir dans la profession. Ce fût d'ailleurs avec soulagement que son maitre prit l'annonce de son abandon. Elle avait ensuite pensé à s'entrainer au combat. Elle n'avait cependant pas les qualités de Baralaï, et se faire répéter jour après jour à quel point il était brillant comparé à elle a eu tôt fait de la décourager. Son père lui avait suggéré d'aller voir un ami, marchand ambulant, et de lui demander de la prendre comme élève. Au départ peu emballée elle y était quand même allée, préférant ça à l'inactivité. Elle avait passé 5 ans sur les routes avec lui et pris goût à cette vie. Après cela, une fois rentrée à Nebelhorn, elle avait trouvé un maitre qui enseignait l'économie à l'échelle mondiale et elle approché du moment où elle serait diplômée. Une fois son diplôme en poche, elle avait prévu de partir de Nebelhorn, qu'elle soit majeure ou non, pour tenter sa chance sur les routes.

Reindalf, se leva et donna une accolade au nouvel entrant.
- Reindalf, quelle heureuse surprise. Ça faisait longtemps.
- Salut gamin. Ouais... J'ai beaucoup à faire depuis que je suis Conseiller.
Baralaï, le fusilla du regard, en allant s'assoir en face de lui.
- Reindalf, je suis Capitaine désormais et qui plus est adulte.
- Que veux-tu, les mauvaises habitudes ont la vie dure.
- Si tu le dis. Que me veut le Conseiller ?
- Je suis ici en tant qu'ami, et éventuellement aussi tu as deviné juste, pour une autre raison. Je viens en tant que représentant de la Garde. Je sais que ce ne sont pas mes fonctions, mais je tenais à t'apporter la nouvelle moi même. C'est mieux qu'un messager, beaucoup trop impersonnel pour ce genre de grandes nouvelles.
- Tu as donc une grande nouvelle pour moi, j'ai hâte de l'entendre.
Barla s'assit à côté de son frère.
- J'peux rester ? A moins que ce ne soit déplacé ?
- Bien sur que tu peux. D'ici demain matin la nouvelle sera affichée dans toutes les tavernes de la ville, il n'y a donc aucun secret dans cette nouvelle.
- Toute la ville. Me qu'est ce que ça peut être ?
- En fait il s'agit d'une mission. La faction IV a été choisie pour accomplir une grande mission, loin de Nebelhorn.
- Vrai ?
- Entièrement. Vous partirez dans 6 jours pour Orlanthi. De là vous rejoindrez Delain dont le souverain à envoyé une missive il y a peu. Il a besoin de soldat pour une guerre dans laquelle il est engagé de force, pour protéger sa ville, et ses troupes ne sont pas assez nombreuses.
- Qui est l'adversaire ?
- Malkiar le Rouge.
- Connais-pas. Il est le souverain de quel royaume ? A moins qu'il ne s'agisse d'un opposant ?
- C'est un Démon, qui a ravagé la ville il y a près de 1500 ans.

Baralaï sembla tout de suite beaucoup moins confiant, qui ne le serait pas en apprenant qu'il doit affronter un Démon capable de détruire une ville. Barla était carrément horrifiée et ne put réprimer un hoquet.
- Un Démon... Tu nous envoies à notre mort ?
- Rassure-toi. Le Démon en l'occurrence est scellé. Cependant, les habitants de Delain ont pu constater une recrudescence de rats et autres créature semblant être contrôlées par le Démon à proximité du sceau. Il est donc envisageable que le sceau soit en train de perdre de la puissance. Que ce soit de manière naturelle, par vieillissement, ou parce qu'une guilde mal intentionnée cherche à réveiller le Démon, cela nous ne savons pas encore. Mais c'est pour le découvrir que le souverain de Delain, appelle à l'aide.
- En effet, c'est rassurant. Cela me semble plus dans nos cordes. Et donc en clair, les ordres sont de se rendre à Delain, de trouver pourquoi le sceau est affaibli de se débarrasser des monstres sous le contrôle du Démon et de renforcer le sceau. Mais le Démon en question on ne le croisera pas.
- Pas exactement, mais c'est l'idée. Vous devez vous rendre à Delain, et combattre les monstres. Les repousser hors d'atteinte de la ville. Ensuite, vous ne serez pas les seuls. Je pense que pour ce qui est du sceau, des magiciens spécialisés pourront s'en occuper. Mais ils pourraient avoir besoin d'escorte. La raison pour laquelle on envoie une faction, c'est que nous voulons montrer notre soutien à Delain. Et ainsi faire de cette ville notre alliée pour un futur partenariat commercial.
- Compris, et est-ce tout ce qu'il y a à savoir ?
- Tu lis dans mes pensées ? Non en effet, une dernière consigne : vous devez essayer de garder de côté tout ce qui peut être intéressant au cours de la mission. En effet, Delain ne vous paiera pas et Nebelhorn ne peut pas vous offrir de prime pour cette mission, en raison de son caractère particulier.
- Donc essayer de nous faire notre prime en prises de guerre, entendu je passerai le message.
- Tes hommes seront surement au courant aussi, mais il ne coute rien de le leur rappeler. Aussi, vous êtes tous convoqués demain à la première heure par le chef de la Garde, pour qu'il vous informe sur la mission, son but et aussi son déroulement. J'ai pensé que je pouvais bien te donner une nuit d'avance sans que ça ne dérange personne.
- Et c'est bien aimable.
- Alors gamin, maintenant que je t'ai donné la nouvelle, raconte moi ta journée.
- Ouais, raconte-nous ce que t'as fait aujourd'hui.

[Gippel]

Chapitre 5 – Rêveries
Automne 1474, la même nuit, au large des côtes Drakkane

Nooj avait enfin trouvé le sommeil. La cabine tanguait raisonnablement, dehors la houle était calme. Il était seul dans son bateau de pêche, trop grand pour un si petit équipage : seulement il était le seul du village à partir quelque soit le temps et il ne pouvait imposer cela à aucun équipage. Aussi, dès qu'il le pouvait il s'astreignait à passer un peu de temps dans sa cabine pour se reposer. Depuis des mois, il s'était jeté corps et âme dans le travail, évitant ainsi de penser, seulement lorsque son subconscient reprenait le dessus, il n'y avait rien d'autre à faire que subir. C'était le cas cette nuit là.

Il amarrait son bateau en prenant son temps, heureux de retrouver sa femme après plus d'une semaine en mer. Il déchargea ensuite sa pêche, mit une petite portion de côté, pour se nourrir, et emporta le reste au responsable du marché aux poissons du village. Il lui vendait sa cargaison entière comme d'habitude, et celui-ci se débrouillait ensuite pour revendre le poisson aux particuliers. Cette fois, il négocia plus longtemps que d'habitude, estimant pouvoir tirer un meilleur prix. Il rentra ensuite vers sa hutte, avec l'argent de la vente et le poisson pour sa femme. Il n'y avait personne, il rangea la bourse avec le reste de ses économies, se débarrassa du poisson sur la table, il irait le ranger une fois qu'il aurait trouvé Hael. C'était une belle journée, le soleil brillait et on sentait que le printemps cèderait bientôt sa place à l'été.
Il se rendit alors chez les voisins, pour prendre des nouvelles de sa femme.

- Hael est partie profiter du soleil. Elle est allée se baigner à la crique où vous vous êtes mariés l'été dernier.
- L'inconsciente ! Il est encore trop tôt.

Son sourire s'était éteint, laissant place à un visage paniqué. Son cœur s'accélérait. Il partit sans prendre congé et sortit du village en courant en direction de cette crique. C'était certes un véritable coin de paradis une fois l'été fermement installé : une plage de sable blanc coincée entre une mer vert pâle et des roseaux d'un vert plus vif. Mais en cette fin de printemps, c'était encore le territoire de chasse de redoutables créatures aquatiques, le temps de la période de reproduction. Il l'avait avertie de ne pas y aller sans lui, seulement pour éviter d'entacher le romantisme de leur mariage, il avait volontairement omis de lui révéler ce détail. Il arriva au sommet de dunes et l'aperçut en contrebas, se baignant insouciante. Il la voyait et l'appelait en lui faisant signe, l'exhortant à rejoindre la plage. Elle le voyait et lui rendit ses signes. Elle était trop loin pour l'entendre. Il empoigna le manche de son couteau de pêche et dévala la pente encore plus vite qu'il n'avait couru pour venir. Elle comprit le voyant faire qu'il se passait quelque chose et accéléra en direction du rivage. Il avait déjà atteint l'eau et continuer d'avancer. Elle était de plus en plus proche, une brasse, deux tout au plus. C'est alors qu'elle disparut, laissant à sa place un bouillon d'écume.

Nooj plongea. Cet acte pourrait sembler suicidaire, mais il ne pouvait agir autrement. S'il n'arrivait pas à la sauver, il se fichait bien de continuer à vivre. Il surgit ainsi face au monstre visiblement surpris. C'était un gigantesque serpent, et il était à parier que ce prédateur voyait pour la première fois une proie l’attaquer. La suite se passa très vite. Il enfonça son couteau sous la gueule du monstre jusqu'à la garde, avec une brutalité hallucinante malgré l'eau autour de lui. La lame ressortit sur le dessus du crâne. Une chance pour lui se type de monstre avalait ses proies vivantes et les digérait ensuite, il y avait encore de l'espoir.
Il dégagea son couteau, et s'en servit pour ouvrir l'animal mort sur le coup. Il sortit sa femme d'une boursouflure. Elle était inconsciente et ne respirait pas, les crocs du serpent avaient laissé des marques sanguinolentes sur son ventre et son dos, mais a priori aucune blessure mortelle. Il la ramena sur le rivage, tenta de la ranimer en vain. Elle avait du se noyer en se débattant ou s'asphyxier à l'intérieur du monstre, le résultat étant le même : elle gisait sur la plage, morte et l'avenir de Nooj avec elle.

Il se réveilla d'un bond en criant, complètement en nage, se cognant de fait la tête contre le plafond. Il songea qu'il faudrait qu'il mette un hamac à la place de ce lit. Ce rêve, il le faisait depuis des mois, à chaque fois qu'il fermait les yeux, il revivait cet instant de sa vie ayant eu lieu tout juste 6 mois plus tôt et l'ayant bouleversée à jamais. Sa femme, Hael, enceinte de leur premier enfant avait disparu sous ses yeux et il n'avait pas réussi à la sauver à temps, ce cauchemar hanterait ses nuits jusqu'à sa mort. Il se raccrochait donc à sa seconde passion, chronologiquement la première : la mer. Il y partait pêcher, passant parfois plus d'un mois en mer. Revenait pour vendre sa pêche, stocker les économies sans intention de s'en servir un jour et repartait dès le lendemain. Il était plus à l'aise sur son bateau que dans leur hutte, peut être était-ce parce qu'elle n'y avait jamais mis les pieds et qu'il n'y avait aucun souvenir liant sa femme décédée et son bateau.

Il ne parvint pas à se rendormir, ou ne voulut pas, et passa encore une heure allongé, les yeux ouverts. Il retourna à la barre et réajusta son cap. Même s'il semblait ne plus avoir de raison de vivre, il n'en avait pas plus de mourir, pas encore... La grande faucheuse viendrait et saurait le trouver bien assez facilement pour qu'il lui rendît la tâche trop facile.

[Gippel]

Chapitre 6 – La Faction IV
Automne 1474, Nebelhorn, Pays des Nains

Lorsque Baralaï quitta son logis ce matin là, le soleil ne s'était pas encore levé sur les quartiers exposés de la ville. Il était excité à l'idée de recevoir sa mission de façon plus officielle : entendre le Chef de la Garde en armure le lui annoncer ainsi qu'à sa faction avait pour lui une grande signification. Cela signifiait plus que l'ordre en lui même et ce serait une première pour lui : jusqu'à présent ses ordres de missions n'avaient été reçus que par courrier ou au mieux annoncés de vive voix par des subordonnés du Chef. Il avait hâte d'y être.

En plus de cela, il était aussi informé pour les affiches, et savourait à l'avance la parade que leur avait prévue le Conseil. Les citoyens dans la rue les acclameraient en leur souhaitant un succès fulgurant. Peut être même que quelques conseillers viendraient en personne présenter leurs vœux de réussite. Et cette parade de départ ne serait rien comparée à la parade au retour, quand il reviendrait victorieux. Ils seraient alors de vrais héros, et défileraient lentement dans les rues, pour profiter au maximum, escortant un émissaire de Delain chargé de discuter des nouveaux accords commerciaux jusqu'au Conseil et rentrant ensuite aux bâtiments de la Garde, pour y fêter leur retour avec les factions présentes à Nebelhorn.

Laissant aller son imagination, il finit justement par atteindre ces dits bâtiments, légèrement en avance. Il fut surpris de constater que c'était le cas de la majorité de ses hommes. Il faut dire que si c'était sa première mission de cette envergure en tant que chef, pour certains de ses amis c'était la première fois qu'ils étaient convoqués de la sorte. Même les vétérans étaient là, ce n'était pas nouveau pour eux mais cela faisait un long moment que la Faction IV était assignée à la sécurité. Depuis la nomination de Baralaï, cette faction avait gardé la ville la majeure partie du temps, le reste étant repos ou escortes de délégations étrangères, plus pour raison protocolaire que parce que le danger guettait. Mais depuis 4 ans, sa faction n'était pas sortie de Nebelhorn. Il alla retrouver Lehklin et Lehklon, une fratrie avec laquelle il était ami depuis longtemps.
- Ça m'étonne de vous voir déjà arrivé, c'est pas dans votre habitude.
- C'est à cause de Lehklin...
- J'étais tellement excité que j'ai pas pu fermer l'oeil de la nuit.
- Et pas que l'oeil si tu vois ce que je veux dire. Cet imbécile a jugé utile de me faire profiter de sa nuit blanche.
- Avec un peu de chance vous ne serez bientôt plus obligés de partager la même chambre.
- Toi tu sais quelque chose à propos de cette mission. Parle !

Le Chef de la Garde entra à ce moment précis. La faction forma un rang et Baralaï remplit son rôle de capitaine : il présenta ses soldats un par un. Il raconta ainsi comment Lehklin, terminant ses classes au moment de la promotion de Reindalf, l'avait remplacé dans la faction. Il n'éluda pas non plus le cas de Lehklon, avec lequel il avait fait ses classes, et qu'il avait réussi à faire transférer lors du départ à la retraite d'un vétéran, mentionna les nombreux hauts faits de Wella, la doyenne de la faction qui était entrée dans la Garde bien avant Reindalf et qui depuis plusieurs années déjà avait mérité le droit de se reposer, droit qu'elle n'avait pas particulièrement l'intention d'exercer, pas du moins tant que ses jambes la porteraient.

Cette faction était semblable aux neuf autres qui constituaient la Garde. Toutes répondaient à des critères précis : 15 nains, dont 2 mages, Wella, naine sombre, était l'une d'eux pour la faction IV, et le reste de combattants. Parmi les combattants, 5 combattants à distance, comme c'était le cas de Baralaï, et 8 au corps à corps, comme Lehklin et Lehklon, parfois 4 et 9, d'autres 6 et 7, mais en moyenne le rapport était de 5 pour 8. Aussi, pour mettre toutes les chances de leur côté, parmi ses guerriers chaque faction avait un Dioikétei de Balgur, Lehklon pour la faction IV, assisté de deux Dynatotatoi, parmi lesquels Baralaï. Chacun des autres membres de la faction avait déjà prié Balgur soit sur le champ de bataille, soit par envie d'y retourner vite.

Après la présentation faite par Baralaï, ce fut au Chef de la Garde de présenter la mission, n'omettant aucun aspect, mais s'abstenant de commentaires personnels. Il leur accorda un congé pour les quelques jours avant le départ, afin qu'ils pussent se préparer au mieux, la faction VII n'aura qu'à commencer son service plus tôt leur avait-il dit. Une fois seul avec ses hommes, voyant l'effet qu'avait eu la mention d'un démon parmi les adversaires sur les moins expérimentés de ses hommes, Baralaï leur raconta ce que pensait Reindalf à ce propos, pour qu'ils regagnent leurs familles l'esprit serein. Il valait mieux qu'ils profitent de ces jours de repos, nul n’aurait su dire quand auraient lieux les prochains.

[Gippel]

Chapitre 7 – Doppelganger
Automne 1474, forêt de Morloth

Cela faisait déjà plusieurs jours qu'il était parti. Il n'avait croisé personne et a priori personne n'était à sa poursuite non plus. Il le savait parce que le rythme qu'il avait adopté n'était pas assez soutenu pour maintenir de la distance entre lui et une éventuelle équipe partie à sa poursuite. Après tout, peut être que sa sœur s'était tue et que personne d'autre ne savait où il se dirigeait. Il entendit soudain le bruit d'un ruisseau, qui devait couler non loin du sentier. Il décida donc d'y faire une pause.

Approchant du bord, il s'humidifia les mains et tenta de lisser ses longs cheveux blonds. Il se pencha un peu plus pour vérifier le résultat. L'elfe qu'il vit dans l'eau lui semblait être un inconnu, et il était parti depuis moins d'une semaine. Des cernes sous les yeux comme il n'en avait jamais eu, une coiffure abominable. Il entreprit alors de se laver le visage et les cheveux en plongeant la tête sous l'eau. Une fois la tête sous l'eau il rouvrit les yeux. Il poussa une exclamation de surprise, manqua de se noyer et fit un bond en arrière. Comment était-ce possible ?

Pendant qu'il se frottait les yeux, dubitatif : un deuxième Gippel sortit de l'eau et vint se poster devant lui, il lui fit un signe de la main et la lui tendit pour l'aider à se relever.
" Salut. Qu'est ce qui t'a pris ? Tu as failli te noyer. "
Gippel restait muet.
" Bah alors ? Tu as avalé ta langue en buvant la tasse ? "
Devant lui, l'elfe lui était en tout point semblable, physiquement du moins, seule sa voix était différente, plus aigue et plus mélodieuse.
" Co... Comment cela est-il p... possible ?
- A ton avis ?
- Je me suis évanoui de fatigue au bord du chemin et je suis dans un rêve.
- Tu y vas fort !
- Ouch... "
L'autre lui avait envoyé un coup dans les côtes qu'il n'avait pu esquiver.
" Toujours convaincu que je ne suis pas réel ?
- Mais comment alors ?
- Hé bien, pour un voyageur elfe, je dois dire que je suis déçu par ton manque de perspicacité.
- C'est que je ne suis pas vraiment ce que j'ai l'air d'être.
- Ah ? Toi non plus ? Et résides-tu également dans cette rivière ?
- Certes non, je suis effectivement un elfe qui vient d'ailleurs, mais je voulais dire que c'est une grande première pour moi ce voyage. Alors vas-tu me dire ce que tu es ?
- Je préfèrerais que tu devines. Tu veux me parler de ce qui t'amène à voyager alors que cela n'a pas l'air de t'enchanter ? Tu sais en vivant au bord d'un chemin, on voit passer du monde. Et peut être que je pourrais te conseiller.
- J'ai vraiment l'impression d'être dans un rêve à méditer sur les raisons de mon départ en me parlant à moi même. Enfin... Je suis parti de chez moi parce qu'en désaccord avec mon père. Et je me rends sur l'autre continent pour prêter main forte à un souverain réclamant de l'aide. Seulement je n'ai jamais été un voyageur, ni un grand combattant. Et donc je ne sais pas trop comment ça pourrait se finir.
- Je vois... Je pense… Qu'il te faut une nouvelle coupe ! Les cheveux longs c'est bien quand on a le temps et les moyens de les entretenir, mais pour courir les sentiers tu seras plus à l'aise sans ça. Tu pourrais essayer quelque chose dans ce style. "

L'autre était devenu flou un instant ses cheveux étaient désormais courts, toujours en pagaille mais cela rendait bien. Son visage n'avait pas beaucoup changé, la fatigue avait été légèrement gommée. Il pu constater que ce visage était toujours le sien, ou du moins ce qu'il pourrait être s'il n'était pas si fatigué.
" Alors ? Ça te plait ?
- Je pourrais m'y faire, sauf que je n'y parviendrai pas aussi facilement. "
Le Gippel aux cheveux courts attrapa l'épée courte accrochée à la ceinture de celui aux cheveux longs, lui tira les cheveux en une queue de cheval et du tranchant de l'épée la coupa. Les cheveux, récemment mouillés, retombèrent à plat.
" Quand ils seront un peu plus sales, ils ressembleront aux miens.
- Merci. "
Il reprit son épée et la remis au fourreau.
" Maintenant deuxième conseil. Si tu ne te sens pas de taille à affronter ton aventure tout seul, tu as deux solutions : soit tu renonces et rentres chez toi, soit tu trouves quelqu'un pour te tenir compagnie.
- Je ne peux plus rentrer, je ne veux plus. Ainsi je vais trouver un compagnon de voyage. Viendrais-tu avec moi ?
- Je passe. J'aime bien l'endroit où je vis et si je m'en vais, qui aidera les voyageurs débutants en détresse comme toi ?
- Compris.
- Tu n'as toujours pas trouvé qui j'étais ?
- Je crois avoir une idée, mais je dois dire que te voir te métamorphoser m'a bien aidé, Doppelganger.
- En même temps tu semblais en avoir besoin, d'aide. Allez, je te laisse, bonne route voyageur. "
Le Doppelganger devint une fillette, habillée d'une robe en lin, et plongea dans la rivière en riant. Gippel ne réalisa que bien plus tard que cette coupe lui avait coûté la moitié de son or.

[Gippel]

Chapitre 8 – Le départ
Automne 1474, Nebelhorn, Pays des Nains

Le long charriot tiré par quatre poneys avançait lentement dans les rues, peinant à se frayer un passage au milieu de la foule sans faire de blessés. A son bord triomphait la Faction IV, Reindalf, Gors et Gerais. Comme le pressentait Baralaï, quelques Conseillers avaient fait le déplacement. Tous s'étaient retrouvés à l'aube aux bâtiments de la Garde. Ils avaient discuté une fois encore des objectifs de leurs missions, pendant une heure. Ils étaient ensuite montés à bord du char en direction de la grande porte. Tous les membres de la Faction IV avaient leur équipement avec eux. Une fois qu'ils auront rejoint la porte, le char retournerait avec les Conseillers jusqu'au Conseil. L'aventure commencera pour la Faction IV qui s'aventurera hors de la ville, une fois n'est pas coutume en poney. Pour l'instant ils profitaient tous d'être à la fête et saluaient la foule.

Outre les dix factions que l'on pourrait considérer comme son bras armé, la Garde comportait entre autres services non armés, une écurie. Cette écurie était mixte, c'est-à-dire composée d'humains et de nains, et avait pour rôle d'élever des poneys pour assurer des missions spéciales. Il n'y avait pas de cavalerie à proprement parler, mais les membres des dix factions avaient eu une formation au combat équestre, plus ou moins assimilée d’ailleurs. L'écurie devait donc pouvoir fournir au besoin des montures pour au moins deux factions, sans compter la réserve pour les utilisations usuelles. Celles-ci étaient le courrier longue distance et les promenades en char, comme celle qu'effectuait la Faction IV dans les rues de Nebelhorn. Le jeune palefrenier fût surpris qu'on lui demandât de préparer 16 poneys et de les tenir prêts au départ 2h après le rendez-vous matinal.

Le char atteint les portes de la ville avec 1h de retard. Le palefrenier faisait les cent pas. Les soldats descendirent et marchèrent dans sa direction. Chacun se choisit une monture et y installa son équipement de manière naturelle. L'idée des poneys avait été suggérée par Baralaï, même si ça ne l'enchantait pas réellement. L'objectif de la manœuvre était de gagner du temps. Ses soldats et lui même avaient profité des jours de repos pour se familiariser avec les bêtes. Une fois chacun en selle, Baralaï attacha le seizième poney derrière le sien, il transportait un excédent de vivres pour les prochains jours. Ils se mirent ensuite en route, en direction du nord.

Ils voyagèrent avec un rythme soutenu, sans trop ménager les montures. En quatre jours, ils furent arrivés sans encombre à Hyallondië, une ville portuaire à quelques lieues au nord de la frontière entre le Pays des Nains et le Morloth. Aucun événement notoire lors de cette première partie de voyage, mises à part quelques chutes n'ayant par chance entrainé que des ecchymoses et aucune blessure incapacitante. Ils trouvèrent sans mal l'auberge où les attendait un autre palefrenier de la garde avec 16 nouvelles montures et des vivres pour la suite du voyage. Celui-ci leur indiqua également le nom du navire chargé de les transporter à Orlanthi. Ils embarquaient dans la soirée, et devraient arriver à Orlanthi en un mois.

Bien que déjà peu à l'aise sur leurs montures, c'était la partie du voyage qui leur plaisait le moins qui s’annonçait. Il leur fallait traverser un océan pour rejoindre Delain, et la seule solution était donc de naviguer. Aucun nain dans la ville n'ayant la moindre notion en la matière, le Conseil avait payé pour qu'un marchand de vin les convoie d'une ville de Morloth vers Orlanthi. Le navire contenait donc à fond de cale des tonneaux de vin et des fûts de bière. Une partie de cette cargaison avait d'ailleurs était achetée par les nains pour rendre le voyage plus agréable. Les poneys ne manqueraient pas de vivre non plus et le palefrenier venait avec eux jusqu'à Orlanthi, pour s'assurer qu'ils aient des montures en état pour la suite du voyage. Une fois tout le monde à bord, le capitaine du navire ordonna qu'on largue les amarres. Ils étaient partis, sur le pont ils voyaient le continent s'éloigner. Pour presque la moitié d'entre eux, c'était la première fois. Dans un mois, ils seraient à nouveau à terre et il leur faudrait peu de temps pour rejoindre Delain, si leurs poneys étaient en forme.