Parmynion

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Nouveau lien

Message par magicbaleine » 31 oct. 2008 22:08

Nouveau lien

Digar, alias Tigre Noir, rentra sans encombres au Camp de la Nuit. Sa connaissance du Désert des Mille Mort était encore vivace, et il avait eu juste le temps de quitter ce lieu avant le réveil de ses dangereux habitants…

Heureux de rejoindre sa maison, où un bon lit l’attendait, il venait de poser pied à terre et s’apprêtait à rentrer sa monture, ainsi que celle de Guidora, dans leurs stalles. Mais la vieille Taline s’approchait déjà pour demander des nouvelles de sa sœur de lien :

- Ne l’as-tu donc pas retrouvée ? demanda-t-elle d’un air inquiet.
- Si, l’Ancienne, je l’ai pistée sans peine. Tu m’avais indiqué la bonne direction à suivre. Heureusement que tu sentais encore sa présence, lorsque sa disparition fut annoncée.
- Alors ? Où est-elle donc ? Tu ne l’as pas laissée partir seule au moins ?
- Non.


Digar fit une pause, tout en brossant son propre cheval.
Taline le regardait, l’air de plus en plus soucieuse… Brusquement, alors qu’il se penchait pour frotter les pattes, elle lui saisit la tête entre ses mains rugueuses et le regarda droit dans les yeux, avant de le relâcher, intriguée.
- Raconte-moi tout. Il s’est passé quelque chose. Je ne ressens plus votre lien !
- Du calme, l’Ancienne
, répondit-il en se redressant. Elle est bien vivante. Mais le lien est effectivement rompu. Vous, les vieux, vous disiez que cela ne pouvait arriver… Vous avez dû perdre la main ! se moqua gentiment Digar.

Depuis qu’il avait laissé son ancienne compagne chez Ashtar, Digar se sentait plus serein. Comme si un poids avait disparu de sa conscience. Quant à la vieille Taline, elle semblait de plus en plus agitée, elle qui d’habitude tenait son calme lors de toute épreuve…

- Eh bien ? Raconte ! Oh et puis, tiens, rentrons nous mettre au chaud chez toi.

L’Ancienne siffla énergiquement entre ses lèvres, et un jeune accourut vers elle. Digar reconnut celui qui avait apporté son aide, lors des derniers soins donnés à Norlan, le mari de Guidora. Apparemment, ce petit s’était mis à son service. Un nouvel apprenti… Qui se chargea des deux montures, tout fier de son nouveau rôle.

Taline attendait déjà à l’intérieur de la chaumière, visiblement impatiente. Digar entra chez lui, désigna une chaise à son invitée et mit de l’eau à bouillir. Connaissant ses habitudes, il sortit les sachets en tissu, renfermant les herbes sèches.

La vieille le regarda faire, et attendit, l’œil inquisiteur. Elle ne partirait pas sans avoir entendu ce qu’elle voulait, alors Tigre Noir expliqua comment il avait rattrapé la jeune femme, et même veillé sur elle lors d’une nuit, à son insu.
- Je m’étais arrangé pour qu’elle se doute de quelque chose. Espérant qu’elle aurait peur et rebrousse chemin par elle-même, comme je l’ai déjà vu faire par le passé… Mais cela n’a pas fonctionné cette fois.
- Tiens donc ?
- Non, elle a poursuivi son chemin, tentant même de me prendre à revers. C’aurait pu être dangereux pour elle, si un véritable ennemi l’avait pistée.
- Etait-ce de l’inconscience ou bien une bravade ?
demanda Taline.

L’homme hésita, avant de répondre:
- Pas vraiment, elle a insisté toute la journée pour tenter de se retrouver face à moi. Si ça avait été ce que tu prétends, je pense qu’elle aurait fini par abandonner. Du coup, j’ai pris les devants et préparé le campement pour la nuit, avec un feu pour la guider.
- Guidora a toujours tenu ses prises de position, mais jamais ses actes… A la première difficulté, elle esquivait et …
- Pas cette fois, Taline. Elle a dit ne plus être la même et cela se voyait. Même si nous avons repris nos disputes, elle était plus décidée que jamais. Alors je l’ai conduite à mon ancien maître d’armes, pour qu’il la canalise un peu.
- Ashtar. Dans le désert. Sans même concerter les Anciens ?
- Taline, je te dis qu’elle ne se sent plus des nôtres. Je l’aurais ramenée de force, qu’elle serait déjà en train de trouver comment repartir… Les Anciens ne la concernent plus, tu sais, avec sa perte de mémoire.
- On verra ça plus tard, j’en informerai les autres. Pour le moment, dis-moi comment votre lien s’est-il défait ? Il existait encore à ton départ. Tu as bien dû sentir quelque chose ?
- Oui. Quand elle s’est dirigée vers mon vieux maître,
soupira Digar.
- C’est tout ?
- Non, elle a pris ses affaires, laissé son cheval et s’est avancée vers la caverne.
- Personne d’autre ?
insista l’Ancienne.
- Si. Une autre femme, visiblement en apprentissage elle aussi, mais je ne l’ai pas bien vue.
- Ce doit être ça,
grommela-t-elle en fixant la tasse tendue par Digar. Je ne vois pas pourquoi le lien se serait transféré à Ashtar, on n’est jamais lié à son maître, mais plutôt à un équivalent de soi… Par contre, comment …

Elle leva les yeux et lui demanda :
- Et toi, quel effet as-tu ressenti ?
- Un soulagement. Libéré.
- Alors aucune des personnes présentes n’a pu défaire ce que nous avions lié... Si cela s’est passé tel que tu le décris, Guidora n’est plus ta sœur de lien, elle est désormais celle de cette femme.
- Mais qui a rompu, enfin… Déplacé ce lien ?
- Notre guide à tous,
sourit enfin Taline. Le Seigneur des Eaux…

Digar, perplexe, songea à l’autel, là-bas, près de la rivière. Il ne croyait guère à tout ça, même si les rituels avaient pour lui un aspect sécurisant. Cela faisait longtemps qu’aucune présence divine n’y était apparue. Il chassa cette pensée et resservit Taline, qui venait de finir son infusion...
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Message par magicbaleine » 14 nov. 2008 23:12

L’ennemi caché

L’entraînement mené par le vieil Ashtar, ermite du désert, ne manqua pas de surprendre les deux jeunes femmes. Aucune n’avait jamais rencontré de maître d’armes, et encore moins assisté à un entraînement de ce niveau. Et que dire de sa détermination à ne rien laisser passer ? Le moindre détail était revu et corrigé, encore et encore, jusqu’à épuisement tant physique que moral.
C’était lors de ces moments d’intense apprentissage, que peu à peu les habitudes se formaient, ou au contraire se défaisaient. Quand elles pensaient avoir atteint les limites que leur corps imposait, l’Ancien demandait alors de changer d’exercice et, ô paradoxe… Le manque d’énergie ressenti, se transformait subitement en un afflux de forces nouvelles !
Chaque parcelle du corps devait répondre en harmonie aux autres, afin de rapprocher le mouvement de son essence même. Tout superflu devait disparaître…

- « Quand ton bras passe ici, démontrait-il… Les jambes doivent déjà être en mouvement. Ici. Pas là-bas... N’oublie pas que ton adversaire a une arme… »
Simulant une attaque au poignard, le maître d’armes évoquait le mouvement du geste mortel.

- « J’y étais enfin arrivée, hier, pourquoi cela ne marche-t-il plus ?déplorait Guidora.
- Ton pied n’est pas dans l’axe. Ni trop loin, ni trop proche, mais serre malgré tout ton adversaire, ne lui laisse pas de répit. »

Et cela continuait ainsi, toute la journée. Parfois avant le lever du soleil. Souvent jusqu’aux abords de la nuit fraîche, qui étendait son rideau sur le sol désertique...

Shalane avait rapidement rejoint la formation de l’apprentie guerrière. Toutes deux évoquaient peu leur passé. Pas le temps de beaucoup discuter, lorsque l’entraînement physique ne laissait aucun répit.
Certains jours, Ashtar leur proposait des défis de réflexion, des énigmes à résoudre, de plus en plus complexes. D’apparences simplistes au début, la solution n’était jamais celle attendue. Parfois, elles n’auraient même pas pensé qu’une énigme pouvait se dissimuler derrière. Elles apprirent ainsi à ne pas se fier aux apparences, à prendre une vision globale des choses, à ne pas se contenter d’un seul angle de vue. Et cela n’était que le début…

Le vieil homme, pour leur montrer le chemin qui restait à parcourir, n’hésitait pas à les placer dans des situations qu’elles étaient assurément incapables de résoudre. Alors, quand elles renonçaient enfin, il venait leur démontrer la facilité déconcertante d’une solution in envisagée. Et dès qu’il leur demandait de retenter seules, aucune ne pouvait reproduire ce qu’elles avaient pourtant vu de leurs propres yeux ! Si facile, mais en même temps tellement inhabituel, que tout semblait éclater en morceaux, à la moindre tentative. Tout était lié, mais pas de la manière attendue.

C’était un véritable cheminement de pensée, qui accompagnait l’apprentissage physique.

Rapidement, Shalane et Guidora devinrent très complices : connaissant par cœur leurs forces et faiblesses réciproques à travers tant d’affrontements, elles évoluaient en parallèle, tout en devenant de plus en plus solidaires l’une de l’autre. L’esprit de cohésion se formait. Pensant à l’unisson, lors des combats, elles devenaient de plus en plus aguerries face à un adversaire commun, lors des raids nocturnes dans le Désert des Mille Morts...
Mais encore tellement inexpérimentées, dès que leur Maître d’arme les affrontait, ou face à certaines créatures plus retorses. Les «lavandières », en particulier, n’étaient jamais au programme des réjouissances, Ashtar veillant tout particulièrement à éviter de les mettre sur leur chemin.

De temps à autre, il entraînait plus particulièrement l’une des deux, à un savoir-faire différent. Ainsi, Guidora devenait plus experte en combat à l’épée, tandis que Shalane maîtrisait davantage le bâton, grâce à quelques rudiments appris dans sa tribu natale, avant d’entreprendre le périple des jeunes. Cette dernière montrait également des dispositions pour devenir guérisseuse, mais le chemin à parcourir dans ce domaine était encore en broussailles.

Une épreuve attendait les apprenties. Elles ignoraient quand, et sous quelle forme, mais l’ermite les avait prévenues.
Le moment venu, elles devraient se mesurer à un évènement inconnu, pour voir si elles méritaient de continuer… Ou d’arrêter là, tout simplement.

Le temps passa…
Or, il advint qu’une nuit, elles se réveillèrent en proie à de terribles maux de ventre. Aucune douleur ne leur avait jamais semblée si dévoreuse de chair, de nerfs. Plus elles luttaient pour se réveiller complètement et sortir de cet état à demi comateux, plus elles perdaient le contrôle de leur propre corps. Eperdues, renonçant à comprendre, elles ne souhaitaient plus qu’une chose. Libérer l’esprit, pour permettre au corps de se reposer, et purger lui-même le poison.

C’est alors que les deux femmes ressentirent une présence. Si malfaisante, qu’un court instant la douleur parut une douce caresse. Les tympans, en pleines vibrations, s’affolèrent subitement.
Elles n’étaient pas seules !
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Message par magicbaleine » 06 déc. 2008 23:22

Inversion


La vie au village avait repris son cours… Certaines traces du passage des dragonnets restaient encore visibles, petites plaies pour se souvenir, ne pas oublier… Tous les habitants du Camp de la Nuit ne s’en étaient pas sortis indemnes… C’était leur rendre hommage que de laisser aux yeux de tous, certaines destructions ça et là. Ne pas tout effacer, ne pas tout enfouir au fond de soi.

Le départ précipité de Guidora avait laissé un sentiment… d’impuissance pour certains, qui regrettaient de n’avoir pas eu l’opportunité de lui dire au revoir. Même s’ils comprenaient que cela aurait été difficile, au vu de sa perte partielle de mémoire… Heureusement, le fait que Digar avec l’aide et les conseils de la vieille Taline, avait pu la rattraper et lui apporter un soutien, si court fut-il, les avait un peu rassurés. Au moins savaient-ils où elle était, ce qu’elle faisait : peu se leurraient, ils se doutaient bien qu’après son apprentissage du combat chez Ashtar, elle ne reviendrait pas. Digar l’avait bien spécifié… Mais au moins, n’était-elle pas complètement perdue.

Digar aussi avait changé : cela avait commencé à son retour de la tanière du vieux Maître. Etrangement calme, plus posé qu’à son habitude. Comme s’il avait enfin accepté de lâcher un poids qu’il gardait depuis si longtemps.
Taline savait : le lien tranché de Guidora, son ancienne épouse devenue ensuite sa « sœur de lien », avait crée un vide. Vide qui avait laissé une place pouvant servir de délestage. Quelque chose avait ainsi été happé, décroché en même temps que le lien…

- « Une partie de cette énergie libérée chez Digar, ce trop-plein, a dû passer en Guidora, pensait l'Ancienne. Cela expliquerait comment elle a trouvé la force de tout quitter... Pourtant, Digar n'avait senti la coupure qu'après l'avoir amenée chez Ashtar... Le Seigneur des Eaux a donc fourni à Guidora sa propre énergie pour initier le mouvement, et mettre ainsi en route ce chamboulement. »

Observant Digar au quotidien, Taline reconnut qu'il semblait imprégné d'un peu du "calme" dont Guidora pouvait parfois faire preuve. L'échange semblait donc avoir été à double sens...

- « Comment évolueront-ils désormais tous les deux? Séparés dans tous les sens du terme, mais avec pourtant au fond de chacun une part de l'autre... Digar plus serein, alors que Guidora avait été décrite comme devenue téméraire. »

Ces idées trottaient dans la tête de l’Ancienne, sans qu’elle ne sache encore à quoi tout cela pouvait aboutir…
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Message par magicbaleine » 15 déc. 2008 19:28

Chasse des neiges…


La tempête faisait rage, bourrasques de vent glaçant la peau, même cachée sous les épaisseurs des manteaux… Guidora avançait à grand peine dans le blizzard, presque à l’aveuglette, tenue par une corde enroulée à la taille, commune à sa sœur de lien Shalane… Elle-même encordée encore à Mandine, la naine qui les escortait jusqu’à Delain en longeant les Montagnes Dorées, et en tête de cette expédition.
Or, même si la saison de l’hiver touchait désormais à sa fin, le climat rendait très difficile ce périple. Mais le Vieil Ashtar avait été formel !

« Partez sans attendre, avec pour seul bagage ce que vous avez en mains. » avait-il dit…
Le cheval de Shalane, Rageur, avait été préparé par ses soins. Mais aucune des femmes n’avait pu emporter quoi que ce soit ! Rien pour se défendre…
- « Sans doute la suite de l’Epreuve… songeait Shalane. Nos armes sont restées dans la caverne, et nous en aurions déjà bien eu besoin lors du combat avec la Lavandière… »

Heureusement pour elles deux, Mandine avait acheté en chemin des vêtements plus adéquats au voyage qui les attendait : le Désert des Mille Morts une fois quitté, le paysage se transformait rapidement en zone tempérée, et donc en désert blanc à cette époque de l’année ! Mais elle aussi refusa d’acheter des armes…
- « Le chemin doit se faire ainsi, à mains nues… Tel a été dit, tel sera fait ! bougonnait-elle à chaque fois que Guidora l’interrogeait à ce sujet.
- Mains nues ?ironisait Shalane… Mains emmitouflées plutôt… Mais, j’en suis très contente, merci Mandine, ajoutait-elle rapidement.On ne sait jamais, elle pourrait changer d’avis et même reprendre nos moufles,»chuchotait-elle pour elle-même.

Pourtant, la situation était loin d’être propice à l’humour : le visage caché sous les laines, ne laissant apparaître que des yeux chargés de glace, les trois femmes avançaient lentement, en espérant que les bottes soient encore assez solides et isolantes pour ne pas avoir les pieds mouillés. Ce qui aurait de graves conséquences... Des bottes supplémentaires avaient été d’ailleurs empaquetées dans le barda de Rageur.
Mais ce n’était pas le pire… Guidora, blessée à la jambe, saignait à chaque pas. Le froid avait rapidement « gelé » sa plaie, mais celle-ci se rouvrait sans cesse avec les mouvements dus à la marche. Les goutelettes roses perlaient plus ou moins régulièrement, tachant la blancheur du sol en une piste de premier choix pour les prédateurs du coin…
Et notamment, pour la bestiole qui lui avait causé ce souci ! Mandine n’avait pu identifier précisément la nature de ce qui les avait prises en chasse :

- « Je ne connais pas bien la région au sud du désert. D’autant que c’est la première fois que je la parcours sous la neige. Mais espérons que c’est un carnassier traquant en solitaire….
- Ce ne sont pas des loups, nous les aurions déjà entendus…
répondit Shalane, d’une voix qu’elle espéra rassurante. Et je pense pouvoir certifier que cet animal n’est pas en meute. Je ne sens qu’une seule présence aussi… agressive. Mais je peux me tromper, mieux vaut se tenir parées à toute éventual... »

La jeune femme n’eut pas le temps de finir sa phrase, qu’elle fut stoppée net dans son avancée, la corde étant brusquement tendue derrière elle.
Se retournant sans attendre, elle entraperçut la forme de Guidora, recroquevillée au sol ; elle tentait de se relever péniblement, sans prendre appui sur sa jambe blessée. Son épaule s’était également empourprée et une ombre massive évoluait, juste derrière elle…
Poussant un cri de stupeur, Shalane voulut se rapprocher de son amie, mais la corde qui la reliait aussi à Mandine, devant elle, la retint. Un grognement de naine se fit alors entendre. Tout s’enchaîna : Mandine qui déliait comme par magie le nœud, Shalane se retrouvant à nouveau presque libre de ses mouvements (restait la corde de Guidora), et la bête se jetant une nouvelle fois sur sa proie dans un cri strident !

Mais Mandine fut la plus rapide ! Etonnament coriace, la naine bondit contre le flan de la bête, la projetant au sol ! Shalane se précipita alors pour aider Guidora à se relever… Se faisant, elle aperçut au sol une grosse pierre, légèrement dégagée de la neige par la chute de son amie. S’en saisissant après avoir prestement ôté ses gants, elle tenta de l’abattre sur l’animal qui était aussi gros qu’un ours, mais prenant cette fois le temps de vérifier qu’elle avait assez de mou pour se jeter en avant !
La forme blanche accusa le coup, avec un bruit sec précédant son grognement. Probablement l’os avait-il été atteint par Shalane, qui se mit rapidement hors de portée des griffes de la bête enragée par la douleur, ainsi que Mandine. Reculant vers Guidora, elles firent face à la Belette Géante, être sournois qui ne traque qu’en plusieurs étapes, préférant épuiser et répéter les attaques sur sa proie pendant des jours s’il le faut, pour parvenir à ses fins…
Celle-ci fit un bond de côté et disparut dans le blizzard qui hurlait toujours, laissant seules les trois femmes, au milieu d’une neige salie. C'était la deuxième embuscade...
Dernière modification par magicbaleine le 21 déc. 2008 00:20, modifié 1 fois.
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Message par magicbaleine » 21 déc. 2008 00:17

Hors du temps



Rageur portait Shalane sur son dos, sa maîtresse qui soutenait Guidora. Celle-ci commençait à faiblir, mais cela semblait renforcer encore plus ses grognements de mécontentement… Le cheval était guidé dans la tourmente par Mandine, qui marchait d’un pas de plus en plus rapide.
La bête s’était évaporée, mais ce n’était que parti remise. La recherche d’un abri était donc devenue la principale préoccupation de la naine. Depuis quelques minutes, Shalane l’entendait psalmodier de temps à autres une étrange chansonnette… Un moyen de se rassurer ou de donner le change ?

Le ciel commençait à s’obscurcir. Peut-être était-ce un des effets de la fatigue, mais il sembla à Shalane que les rafales ne faiblissaient pas, semblant devenir au contraire de plus en plus vigoureuses !
Rageur avançait de péniblement, fatigué par le poids des deux femmes. Pourtant, ce n’était guère possible de faire descendre l’une ou l’autre.

La naine semblait s’arrêter de plus en plus souvent, cherchant désormais quelque chose de précis. Comme pour trouver la meilleure direction à prendre, de quoi la guider. Quand elle reprenait sa marche, c’était sans hésitations, jusqu’à la pause suivante… Et toujours cette courte ritournelle…
Brusquement, Shalane comprit : c’était un appel ! Pourtant, elle n’entendait aucune réponse pour guider la naine… Mais cette dernière semblait réellement s’orienter sur quelque chose ! Arrivée en haut d’un tumulus de neige, Mandine fit signe de l’attendre, et commença à dégager un monticule informe, pour voir apparaître un tas de cailloux divers. Elle ouvrit alors sa besace, et en sortit une pierre, qu’elle caressa un instant en chuchotant. D’aspect quelconque, elle la posa sur les autres, prononçant quelques mots en langage nain, et les recouvrit à nouveau de neige…

Puis, elle conduisit son équipée vers l’étroite entrée d’une caverne, dégageant quelques rochers avec l’aide de Shalane, descendue pour lui prêter main forte. Elles y conduisirent Rageur, puis refermèrent une fois à l’intérieur, ne laissant que l’ouverture d’origine.
Guidora se laissa glisser du cheval, se rattrapant juste à temps pour ne pas glisser sur le sol.

- J’ignore où tu nous as amenées, Mandine, mais cette caverne est une vraie providence ! Cependant, on n’y voit rien ! Surtout en fermant l’entrée… grommela-t-elle.

Elle entendit alors quelques bruits de pas se dirigeant sans hésiter vers le fond, des affaires qu’on bougeait de place, décrochait, puis une brève lumière apparut dans les mains de la naine, illuminant son visage rond et l’auréolant de douceur. Guidora n’avait jusqu’ici pas remarqué comment les traits de la naine pouvaient être tantôt chaleureux, tantôt rudes. En cet instant précis, elle semblait détendue, et rajeunie. Mais comment savoir son âge, alors qu’elle devait être bien plus vieille en nombre d’années que les humains ? Comment se situait-elle dans la durée de vie de son peuple ? Jeune adulte ? Plus vieille ?
Un feu prenait déjà vie dans un foyer, et une nouvelle ouverture apparut alors au-dessus, pour évacuer les fumées… Un ingénieux système permettait de protéger l’intérieur de la pluie, déviant l’eau par une sorte de tuyau creux, jusqu’à un tonneau pour l’instant fermé. Une fois la protection installée, et le tonneau ouvert, ce dernier se remplirait d’eau petit à petit.

Mandine continuait de s’activer de gauche et de droite, posant divers objets qu’elle rassemblait, vérifiant l’état de certains…
Shalane proposa alors d’examiner les blessures de son amie, à la lueur des flammes. Il s’avéra difficile de retirer les tissus imprégnés de sang, et qui plus est, gelés par le froid. Mandine, voyant faire les deux femmes, les stoppa net :

- Pas tout de suite ! Elle n’a pas perdu trop de sang, sinon elle serait déjà … Elle s’interrompit.
Puisqu’elle tient encore le coup, nous attendrons que la glace fonde un peu. Mais pas trop, sinon l’humidité n’arrangera pas ses plaies ! Voici de quoi la soigner. En attendant, il faut qu’elle se rapproche du feu.

Elle exhiba un pot contenant un onguent à l’odeur forte, malgré le froid qui aurait dû le geler…

Entendant Rageur piaffer d’impatience, Shalane se dirigea donc vers lui, pour lui ôter sa selle. Et fut surprise de le trouver à côté d’une couche de paille étendue au sol. Du fourrage attendait dans une caisse, ouverte quelques minutes auparavant par la naine. La jeune femme remplit donc l’auge qu’elle découvrit à côté de sa monture.

- Tu as déjà trouvé ton coin, toi ! Tout est prévu ici pour le passage des voyageurs ? demanda-t-elle à Mandine.
- C’est une cachette naine. Notre peuple en dissémine un peu partout dans les montagnes, ou les tumulus. Seul un nain peut en connaître l’emplacement exact, et sans la tempête qui obstruait votre vue, je n’aurais pas eu le droit de vous mener jusqu’ici… Nous avons de la chance, la réserve de bois n’a pas été trop entamée. Nous ne prendrons que le strict nécessaire pour sécher nos fourrures et réchauffer un peu notre blessée.
- Et pendant ce temps, je pourrai récupérer pour donner une bonne leçon à cette satanée bestiole…
ironisa Guidora, sachant pourtant que la bête était la plus forte dans son élément naturel. Quoique la guerrière ignorait si la naine était experte dans les armes…

Observant leur nouvelle amie de plus près, en attendant de pouvoir écarter les tissus écarlates, elle remarqua à nouveau ce mélange inhabituel pour un œil humain. Toute la douceur des yeux d’une petite mamie, dans un visage légèrement potelé et apparemment jeune. La voix rude, peu bavarde, on devinait à son allure qu’elle savait manier les armes et se déplacer plus rapidement qu’un humain de sa corpulence ne l’aurait pu…
Même Shalane, pourtant habituée à être attentive, oubliait parfois de vérifier où se trouvait la naine. Quand elle pensait lui adresser la parole, elle se retrouvait souvent face au vide, Mandine étant à l’opposé du dernier endroit où elle l’avait vue, sans qu’elle ne l’ait entendue se déplacer ! Sa petite taille, sans doute… Mais pourtant cela n’expliquait pas tout.

Les murs étaient, pour la plupart, recouverts de dessins et de symboles, aucune écriture cependant. Une certaine intensité s’en dégageait. Comme une force ancestrale, retenue en ses murs, et amplifiée par les formes, les couleurs… C’était apaisant. Revigorant. Par instants, Shalane pensait entendre un lointain murmure de voix profondes.

Une fois les plaies nettoyées et recouvertes de la crème de soins, les trois femmes improvisèrent un repas frugal de restes séchés, sortis de leurs besaces. Shalane referma la caisse de fourrage, pour en laisser suffisamment après leur départ. Les nains voyageaient peu souvent avec des chevaux, c’était étonnant qu’ils aient pensé à leur mettre de la nourriture… Puis elles se couchèrent, appréciant de pouvoir enfin se reposer au sec et dans un semblant de chaleur… Plusieurs jours de marche restaient encore à faire pour rejoindre la cité de Delain.

Guidora resta un moment à contempler les flammes qui baissaient lentement. Dans le crépitement du feu, quelques moments agréables passés auprès de son époux, lui revinrent en mémoire. Elle laissa vagabonder son esprit reposé, après tant de péripéties en un laps de temps si court… Petit à petit, les souvenirs caressaient sa mémoire, reformant doucement les pièces égarées du puzzle.
Songeant qu’il ne lui restait rien de Norlan, qu’il était mort avant qu’ils n’aient eu le temps d’avoir un enfant, elle sentit couler une larme le long de sa joue, qui vint se perdre dans ses cheveux…

Shalane perçut sa tristesse : elle se leva et rejoignit sa sœur de lien. Elle avait oublié combien c’était difficile pour elle d’être aussi réceptive à la peine des autres… Voyageant souvent en solitaire, cela faisait longtemps qu’elle n’avait plus eu l’occasion d’être confrontée à la douleur. Les deux amies discutèrent un moment, avant de sombrer dans le sommeil.



Une longue file attendait d’entrer, sous le regard du gardien… Voyant arriver la jeune femme, il la regarda de plus près et fronça les sourcils :
- Que fais-tu donc là, toi ? Tu ne devrais pas être ici… Retourne sur tes pas, ce lieu n’est pas pour toi.

Voyant qu’elle restait là, indécise, il ajouta étonné :
- Comment es-tu donc arrivée là ?
- Je l’ignore. Mais si je ne peux entrer et suivre les autres, je resterai là, et attendrais de savoir où aller, répondit-elle.
La jaugeant du regard, le gardien finit par lui faire signe d’entrer…

A l’intérieur, une grande place publique, la foule qui marchait lentement, sans but apparent. Personne ne se regardait, ni ne parlait. Excepté certains personnages qui semblaient s’adresser quelques instants aux autres.
La jeune femme se dirigea vers l’un d’entre eux, une femme assez âgée, qui parlait d’une voix ferme. Au début, celle-ci ne fit pas attention à elle, mais quand elle s’aperçut de sa présence, la vieille l’observa, interloquée :
- Mais qui t’a laissé entrer ? Tu n’as rien à faire en ce lieu !
- Le gardien m’a dit que je pouvais passer malgré tout …
- Hum. Alors vu que tu es là, fais donc un tour rapide. Laisse-moi à présent, je suis occupée.

Regardant autour d’elle, l’invitée inattendue comprit que les personnages qui parlaient, s’occupaient des silencieux ! Du moins tentaient de le faire, car beaucoup n’écoutaient même pas et avançaient comme si de rien n’était...

Elle s’aperçut que certains nouaient un lien particulier, quand un de leurs protégés les entendait. Une question lui vint alors à l’esprit et elle retourna voir la vieille dame, qui l’écouta distraitement, mais répondit d’un signe de tête affirmatif. Le visage de la jeune femme s’éclaira alors…
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Message par magicbaleine » 27 déc. 2008 01:12

Lien du coeur

Un doux rayon de soleil, esquisse du petit matin, vint chatouiller la joue de Guidora : filtrant juste à travers l’ouverture laissée à l’entrée de la caverne, il traversait la salle, comme une main tendue…

Paresseusement, la jeune femme se retourna dans ses fourrures, grogna à l’encontre d’une ou deux pierres mal placées. Elle ouvrit les yeux, et mit un moment à s’accoutumer au mobilier des lieux : une table, quelques tabourets… Des corniches accueillant quelques ustensiles.
Tout était si paisible. La neige au-dehors étouffait les bruits dans un cocon de blancheur.
Même les oiseaux semblaient avoir prix congés… Les souvenirs lui revinrent alors, peu à peu, avec détachement : la Belette Géante et ses attaques, les soins de Mandine… Norlan… Le rêve de cette nuit… Elle sourit. Qu’avait-elle vu d’ailleurs dans ce songe ? Le fil du rêve se perdait déjà, mais elle le rattrapa au vol, et se remémora la scène, pour l’imprimer au mieux dans sa conscience. Ne pas oublier cet espoir…

Rabattant brusquement le manteau qui la recouvrait, elle se redressa, surprise de n’avoir pas plus de mal à se lever après les deux blessures subies. Le baume de la naine avait fait des merveilles. Elle examina ses premières marques de combat : placées comme elles étaient, bien peu de monde les verrait.
- « Au moins ça de gagné, pensa-t-elle. Mais je devrais être plus vigilante, pour éviter de me promener avec des cicatrices disgracieuses et voyantes… »

Après avoir réchauffé de l’eau pour l’infusion matinale, Guidora s’occupa un peu du cheval de sa Sœur de lien. Puisqu’elles devraient le confier en arrivant à Delain, elle voulait encore profiter d’un peu de complicité avec l’animal. Durant le séjour chez le Vieil Ashtar, la guerrière s’était prise d’affection pour Rageur…

- J’aimerais être certaine que la Belette ne nous prendra pas de nouveau en chasse, après sa blessure. Je vais sortir et capturer quelques proies pour elle. Ainsi, nous les lui abandonnerons en chemin, s’il lui venait l’idée de poursuivre malgré tout sa traque… expliqua Mandine, en buvant sa tisane.
- De mon côté, je chercherai son lien de vie. Si je le trouve, peut-être que je pourrais la repousser quand elle nous attaquera de nouveau. Ou du moins sentir sa présence, pour éviter d’être encore surprises, ajouta Shalane. Ne crains-tu pas de tomber face à elle ?
- Elle ne pourra pas s’approcher de notre caverne,
répondit-elle avec un sourire mystérieux. J’ai fait ce qu’il fallait pour ça…

La naine partit, rapidement emmitouflée. Pendant ce temps, Guidora rangeait les derniers ustensiles, vérifiait les liens de Rageur, pour être prête à l’harnacher dès son retour.

Assise à même le sol froid de la caverne, Shalane se détacha du va-et-vient des préparatifs et visualisa la Belette géante. Elle la sentit assez loin pour ne pas être inquiétée. Profitant du moment, elle se connecta quelques instants à ce lieu de vie en repos hivernal. Perçut quelques balbutiements, des êtres qui devinaient son contact partiel… Survolant une dernière fois le périmètre qu’elle avait pu couvrir, elle rouvrit les yeux : Mandine et Guidora attendaient aux côtés de Rageur, déjà tout équipé.

- Si vite ? Je n’arrive pas à maîtriser la notion du temps lorsque je … commença-t-elle.
- Allez, c’est bon ? En route alors… répliqua Mandine sans attendre.

Shalane ne put s’empêcher de tirer la langue à la naine, qui lui répondit d’un léger sourire. Celle-ci commençait à s’attacher à ces humaines…
L’équipée reprit donc sa route. En passant, Mandine récupéra la pierre posée à leur arrivée, en marmonnant une nouvelle fois dans sa langue natale.

La traversée de la forêt fut par la suite bien plus tranquille : la tempête n’était plus qu’un lointain souvenir, et toutes s’étaient dorénavant habituées à marcher plus aisément dans la neige.
De temps à autres, Shalane filtrait les liens de vie autour d’elle, vérifiant ainsi que nul danger imminent ne les guettait. Une force se dégageait... De plus en plus forte, en provenance des arbres de la forêt... Un peu comme ce qu’elle avait ressentie dans le désert des Mille Mort.
Souriant devant l’espièglerie qui se manifestait par moments, la jeune fille en vint à ne plus penser du tout au lien de la Belette Géante…
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Message par magicbaleine » 04 janv. 2009 22:36

Souvenirs

Alors que la nuit déposait sur terre son manteau d’obscurité, les trois voyageuses entreprirent de dresser leur camp pour la nuit… Toujours en plein cœur de la Vieille Forêt, le temps semblait suspendre l’écoulement de la vie. Etait-ce dû à la saison, ou bien au charme des lieux ? Loin des civilisations, la magie de la Forêt pouvait prendre son essor, se développer comme nul ne le verrait jamais ailleurs.
La vie bruissait malgré le froid engourdissant : petite galopade de lièvres, les branches des arbres qui se déchargeaient de la neige, un envol d’oiseau nocturne… Tout était si paisible, qu’il en était facile d’oublier le danger de certains animaux sauvages.

Pourtant, Mandine ne pouvait se le permettre : voyant que ses amies humaines n’avaient pas vraiment conscience des pièges que recelait un tel décor, la naine restait sur ses gardes plutôt deux fois qu’une !
Shalane était la plus distraite de ses deux compagnes de route : un peu trop sensible à la féerie qui se dégageait ? Ou peut-être avait-elle bien raison, après tout. Peut-être que les bêtes dangereuses occupaient un autre secteur ? Pourtant, le cœur de la Forêt était d’habitude le plus risqué de tous…

- Restez bien sur vos gardes, les filles ! Marmonna-t-elle. Ce n’est pas une promenade champêtre ! Et souvent, un lieu si magnifique cache les pires dangers. Bien pour ça qu’il reste si beau, peut-être ? Parce que personne n’ose venir troubler sa tranquillité…

Alors que chacune s’activait pour préparer le feu, et sortir les provisions, une silhouette s’avança silencieusement vers elles, quittant le couvert des arbres.
Le visage, proche des demi elfes, était dissimulé par une épaisse toque de fourrure. Plusieurs peaux de différents animaux composaient ses vêtements, et seule une besace l’accompagnait. S’arrêtant à quelques pas du campement, à un endroit bien visible, il attendit patiemment, bien campé sur ses jambes.
Mandine fut la première à s’apercevoir de sa présence. Elle fronça immédiatement les sourcils : l’attitude de l’inconnu semblait indiquer qu’il était capable de riposter à tout geste menaçant de leur part, malgré l’absence d’armes visibles. Au moins étaient-ils à égalité sur ce point…
Quant à Shalane, elle écarquilla les yeux de surprise et saisit le bras de Guidora pour lui montrer l’invité qui venait d’arriver ! Elle n’avait pas senti sa présence…

- Méfions-nous, chuchota-t-elle à sa Sœur de Lien. Je n’arrive pas à saisir son fil de vie… Pourtant, depuis que je m’entraîne, j’ai toujours senti ceux des gens proches de moi, même le Vieil Ashtar. Seules certaines créatures puissantes me causaient du souci.
- Peut-être notre Maître n’avait-il aucune raison de t’en empêcher… Serait-ce possible de bloquer volontairement le contact ?
répondit la guerrière.

Les voyageuses convergèrent prudemment vers le nouveau venu, sans geste hostile. Avec la pénombre, difficile d’entrevoir son expression. Néanmoins, il aurait déjà pu les attaquer, sans se montrer, s’il l’avait voulu. Alors…

- Soyez les bienvenues en ces lieux, Mesdames ! Je suis un pèlerin de cette forêt qui vous a accueillies, annonça-t-il d’une voix aux étranges accents.

Mandine pouvait désormais mieux l’observer : cette vision nocturne des nains lui donnait un avantage, dont elle n’allait pas se priver… Quant à Shalane, quelque chose lui sembla familier, mais cette impression resta fugitive et se dissipa rapidement.

- Puis-je espérer vous tenir compagnie, et me réchauffer auprès de votre feu ? continua-t-il. Nous pourrions profiter de cette rencontre pour échanger quelques histoires, au cours de la veillée. Je ne vois pas grand monde par ici, et encore moins qui osent s’y aventurer désarmé, ajouta-t-il d’une voix moqueuse.
- Très bien, voyageur ! Venez nous rejoindre,
répondit Mandine. Les nains ne refusent jamais l’hospitalité à qui la demande poliment…

S’asseyant tous autour du feu, Guidora découpa quelques tranches dans le dernier pain, pendant que Mandine préparait le petit gibier chassé au matin. Puisque cela n’avait pas servi pour distraire la Belette…
Shalane, n’arrivant pas à définir ses origines, le questionna et lui demanda son nom. L'homme resta évasif.

Finalement, une fois le repas commencé, Mandine fut la première à offrir son histoire favorite… Guidora et Shalane furent très intéressées, car c’était la première fois que leur compagne de route évoquait son passé.

- "J’étais à l’époque en formation auprès de votre Maître, le Vieil Ashtar. Il pensait m’avoir enseigné les rudiments du combat à l’épée, et souhaitait me faire apprendre la suite auprès d’un Maître nain…
Alors, prenant congé du Désert des Mille Morts, nous avons pris la route de Valmur, une petite cité naine. Le Maître nous attendait sur place. A notre arrivée, nous avons rejoint sans attendre le cours, qui avait déjà commencé. En attendant qu’il n’ait fini, nous nous sommes installés tous deux pour observer les élèves et leur professeur, un vieux nain bourru à la voix sèche.

Je finis par repérer une petite naine d'aspect quelconque, voire même pas très soignée dans ses choix vestimentaires. La seule femme du groupe... Un peu insolite de la voir au milieu de tous ces combattants aguerris, aussi sûrs d'eux que leur force et leur expérience des combats les y autorisaient.

Visiblement, elle devait assister à son premier cours ici, tout comme moi, car beaucoup la dévisageaient.
Je les vois encore, s'écartant prestement mais poliment d'elle, avec parfois une courbette gracieuse, dès qu'elle s'approchait d'eux.... Pas l'habitude de se battre contre une des leurs. Il lui faudrait du temps pour se faire accepter sur ce terrain-là. D'autres clans pratiquaient les combats mixtes, mais ici le Maître s'était apparemment toujours cantonné à ne former que des représentants masculins.

Le malaise de certains traduisait peut-être leur crainte de blesser une plus faible, bien qu'ils avaient déjà l'habitude de doser leur force face à leurs compagnons. Peur de l'inconnu? Anormal pour eux d'affronter celles qu'ils considèrent devoir protéger habituellement ?
Alors, elle se joignait silencieusement à un groupe déjà formé, qui avait attaqué la mise en pratique. Mais dès qu'elle s'avançait un peu plus près pour participer, l'un des guerriers déclenchait son moulin à paroles, noyant alors la pauvre naine sous un flot continu de prévenances et de mises en gardes infinies...

Je ne suis pas sûre qu'elle accordait autant d'importance qu'eux à ces préliminaires, néanmoins elle les écoutait, regardant avec sérieux son interlocuteur.

Alors que le Maître interrompait le dernier exercice, elle se dirigea tranquillement vers lui, chose inouïe car la coutume voulait que ce soit LUI qui désigne son adversaire... Non l'inverse. Peut-être par bravade, toujours est-il qu'au milieu de tous les discours à son attention, personne ne s'était soucié de l'en informer !

Celui-ci la regarda s'approcher...
Exécutant alors le salut rituel, avec un léger temps d'avance sur elle, il lui céda sa place dans l'instant... Et s’assit modestement à côté d’elle, une fois qu’elle lui fit signe de s’installer, à la stupéfaction générale…

Je compris alors, QUI était vraiment le nouveau Maître dont Ashtar m’avait parlé…"
Dernière modification par magicbaleine le 11 janv. 2009 20:21, modifié 1 fois.
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Message par magicbaleine » 11 janv. 2009 18:07

Pirouette


Le sourire de leur invité fit plaisir à Mandine. Au moins, l’histoire lui avait-elle plu…

- Et vous, Voyageur de la Vieille Forêt ? Quel conte allez-vous nous offrir ? Une légende sur ce lieu mystérieux ? Un combat, une bataille ? demanda-t-elle.
- Hum… Je me souviens effectivement de quelque chose qui devrait vous convenir. Mais permettez d’abord que je vous demande pourquoi donc vous errez à travers la Forêt, qui plus est sans armes ? Si ce n’est pas indiscret…
Ce fut Shalane qui répondit :
- Cela fait partie de notre mission : atteindre la ville de Delain, mais sans aucune arme. Notre Maître a mis fin à l’entraînement, pour nous envoyer là-bas. Nous n’en savons guère plus. Mais le voyage « désarmées » semble faire partie d’un rituel, d’une suite de sa formation en quelques sortes.
Et vous non plus, ne possédez pas d’armes dirait-on ? Est-ce une coutume locale de voyager ainsi ? ajouta-t-elle ironiquement…

L’homme éclata de rire.
- Tout dépend de quelle « localité » vous parlez… Mais, oui, on pourrait à la rigueur envisager ça sous cet angle.
Il observa Shalane d’un air mi-amusé, mi-conspirateur, attendant de voir comment elle réagirait. Celle-ci eut beau réfléchir, elle ne trouva rien qui pouvait la mettre sur la voie, pour comprendre ce mystère…
- Vous avez eu raison d’écouter votre Maître, expliqua-t-il. C’est tout ce que je peux vous dire. Pour l’instant… Ce doit être quelqu’un de sage, pour vous avoir donné ce conseil.

Un léger silence s’installa entre les aventuriers, troublé uniquement par quelques crépitements en provenance du feu. L’atmosphère se détendait.

Guidora changea de position, pour s’installer plus confortablement. Le nouveau venu ne semblait pas belliqueux, elle pouvait donc profiter d’une soirée plus reposante que les précédentes ne l’avaient été…
- Et cette histoire ?

L’étranger reprit la parole, avec son accent indéfinissable :

- Tout commença dans un petit royaume… Si minuscule, que seules deux sources d’eau approvisionnaient son peuple. La première se trouvait au centre de la cité, au pied du château qui avait été élevé sur un monticule. Et la seconde, justement dans la cour du Roi. Tout le monde se portait à merveille, car le commerce prospérait et aucune guerre n’était en cours…

Or, il advint qu’un jour, certains habitants présentèrent des signes manifestes de folie. Qui n’étaient pas passagers... Tous les guérisseurs tentèrent alors de leur venir en aide, mais sans succès ! Le nombre de « fous » se mit même à augmenter : d’abord tout doucement, puis de plus en plus de gens eurent des comportements étranges…
Le Roi dépêcha ses ministres pour porter secours à la population, tenter de trouver une solution. Mais rien n’y fit. Et finalement, un beau matin, toute la cité avait sombré dans le chaos le plus total ! Les quelques rescapés encore lucides, se demandaient comment leurs amis et leur famille avaient pu en arriver à devenir fous. Et comment ils pourraient y échapper à leur tour. Certains finirent par quitter le royaume. D’autres restèrent… Vous devinez évidemment ce qui arriva à ces derniers…


L’homme fit une pause, pour se rafraîchir un peu la gorge. Et narguer un peu ses auditrices, qui devinaient que l’histoire n’était pas encore arrivée à son terme.

- Etaient-ils tous devenus fous ? Tous ceux qui étaient restés ? demanda Shalane, qui avait hâte d’entendre la fin et de comprendre où le voyageur voulait en venir.
- Tous ? Oh non… Un homme resta lucide.

Les trois jeunes femmes réfléchirent.

- Un seul ? questionna Mandine. Serait-ce le Roi ? Isolé dans son château ?
- Bien trouvé !
répliqua l’étranger.
- Mais pourquoi ? Etait-ce une épidémie ? Et en restant à l’écart, il a été préservé, contrairement à ses ministres ?
- Non, non… Ce n’était point une épidémie, enfin pas au sens d’une maladie.


Un nouveau silence se fit. Etait-ce la source de la cité, qui avait pu rendre les gens fous ?

- Un changement survint alors… Progressivement, les habitants s’habituèrent à leur état, et comme personne n’avait compris que c’était l’eau qui avait tout enclenché… La situation resta telle quelle. Peut-être même cela n’aurait-il rien changé, le processus pouvait très bien être irréversible, nul ne le sait.
Oh, si ! Une chose changea. Désormais, les gens ne disaient plus que leur cité comportait des fous… Puisqu’ils étaient tous semblables les uns des autres, leur comportement ne paraissait donc plus du tout anormal, à leurs yeux !
Par contre… Il y avait UNE personne qui leur inspirait beaucoup de peine…

C’était le Roi.
Puisqu’il continuait de boire sa propre source au château, ce dernier ne changea pas ! Le monarque était donc très différent d’eux, le seul à être ainsi dans le royaume. Et aujourd’hui encore, tout son peuple déclare avoir un Roi … Qui est fou !
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Message par magicbaleine » 23 janv. 2009 18:11

Dernier chapitre

Les branches des arbres se lancèrent subitement dans une danse folle… Cela dura quelques minutes, puis tout s’apaisa. « Le vent s’invite aussi… » pensa Mandine en souriant.
Elle éloigna quelques affaires du feu de camp, pendant que Shalane retirait quelques branches du foyer. Elles devraient surveiller attentivement les flammes, tout au long de la nuit.

Cette histoire de Roi fou semblait vraiment plus que bizarre… Guidora songea un instant à ce peuple qui croyait détenir la Vérité, parce qu’ils étaient tous semblables, contrairement à leur Roi, qui se retrouvait bien seul. Elle se demanda s’il pouvait avoir conscience du problème. A sa place, aurait-elle bu de l’eau contaminée ? Pour ne plus être différente des autres?

La guerrière n’avait jamais beaucoup parlé à Shalane de ses propres origines… Là aussi, les différences entre elles deux étaient importantes. L’amitié qui s’était créée entre elles, lors de l’entraînement chez le vieux Maître, était particulièrement forte. Pourtant, tout aurait dû les opposer : leur âge pour commencer.
Guidora s’était ainsi mariée deux fois, tandis que sa jeune amie n’avait pas dû quitter l’adolescence depuis très longtemps… L’une s’était contentée des grandes villes et de leurs routes pour faire du commerce, revendre les marchandises pillées par son Camp de la Nuit, tandis que l’autre avait voyagé de part le monde et les sentiers oubliés.
Comment réagirait Shalane, en apprenant que sa Sœur de Lien avait grandi dans une tribu de voleurs, aux mœurs si différentes de la sienne ? Il faudrait pourtant bien un jour qu’elle lui apprenne son passé …

Tandis que Guidora réfléchissait à la question, ses compagnes continuèrent de discuter avec le voyageur inconnu. Puis, les tours de garde furent répartis. Shalane prit le premier tour, bientôt rejointe par leur ami conteur. Celui-ci prit le temps de lui apprendre une chose, à laquelle elle ne s’était jamais vraiment intéressée : les constellations. Elle connaissait bien sûr les légendes de sa tribu, mais elle n’avait pas encore réalisé, que tout pouvait être différent en changeant de région. Loin des siens, les étoiles n’étaient évidemment plus tout à fait les mêmes, et donc leurs histoires aussi…
Traçant des repères sur le sol, et avec l’aide de quelques cailloux et brindilles, il lui enseigna les anciens noms, ainsi que leur histoire. Certains animaux emblématiques semblaient liés à la magie… Shalane ne savait pourquoi, mais elle comprenait que le sérieux et l’application qu’il mettait en œuvre pour tout lui apprendre, rendaient cet enseignement vraiment important.
Tout comme le conte du Roi fou : l’homme avait dit qu’elles devraient toujours se rappeler cette histoire, et la garder dans un pan de leur mémoire. Que si elles n’avaient pas tout compris, viendrait le jour où les ombres livreraient leurs secrets…

Vint alors le temps de la relève : elle réveilla Mandine, et alla ensuite chercher le sommeil réparateur, enroulée dans sa couverture. Le voyageur resta un moment silencieux, puis fit de même.
La naine prit son temps pour s’installer, vérifier les abords du camp et surveiller, mine de rien, leur invité. Plus Mandine l’observait, plus elle trouvait étrange que ses vêtements ne soient pas plus usés que ça, ni salis par l’humidité… Tout semblait neuf. Pourtant, même s’il avait dissimulé un cheval quelque part, elles l’auraient bien entendu. Et pour venir jusqu’à elles, il lui avait forcément fallu marcher dans la neige…

Elle le tiendrait à l’œil, sait-on jamais. Il s’était montré amical jusqu’ici, mais il ne leur avait apparemment pas tout dit. Au cœur d’une telle forêt, la magie pouvait jouer des tours aux voyageurs qui s’aventuraient sur ces terres… Certains Esprits s’amusaient ainsi parfois à rencontrer les humains de passage. Mais tous n’étaient pas animés de bonnes intentions, ou pouvaient causer bien du mal sans en être vraiment conscients !

Au petit matin, elle appela Guidora et lui conseilla de toujours garder leur compagnon de veillée en vue : tout devrait bien se passer, c’était l’heure la plus tranquille en forêt. Elle pouvait donc se reposer de nouveau.
Demain, elles reprendraient la route vers la ville de Delain. Il lui faudrait du temps pour mieux connaître ses nouvelles compagnes : le vieil Ashtar avait dit de ne pas brusquer les choses… Que l’une des humaines était déjà prête à suivre la Voie du Démon, mais que la deuxième avait encore du chemin à faire !

Tant qu’elles n’auraient pas compris toutes les deux, il était donc inutile de vouloir aller plus loin. Lui-même n’avait rien tenté pour les corrompre, préférant laisser certaines choses germer par elles-mêmes…
Car il était essentiel d’arpenter volontairement cette nouvelle Route… Les contacts que Mandine avait établi à Delain, grâce à son ancien Maître du Désert, ne devraient mener leur groupe que dans un seul « camp » : celui de Malkiar !
Quitte à fermer les yeux au début, et voyager auprès d’aventuriers de l’autre bord… La naine se ferait discrète, attendant le moment adéquat pour retrouver ses « bonnes » habitudes. Et puis, elle enverrait régulièrement des nouvelles à Melfikin…
Le moment venu, elle mènerait les deux humaines jusqu’à sa marraine. Pour achever leur formation, commencée dans le Désert des Mille Morts. Mais pour l’instant, nul ne devrait se douter du lien qui la reliait au Rouge Démon… Surtout pas ses deux compagnes de route : cela les ferait fuir ! Avant même d’avoir pu changer leurs âmes…

Ashtar lui avait donné ce conseil : « laisse les choses se passer comme elles doivent arriver… Tu verras vite le soutien du Seigneur des Eaux. Il est déjà à l’œuvre pour tourner leurs cœurs, sans qu’elles ne le sachent vraiment. Pour Guidora, c’est déjà en place. Quant à Shalane, sa sensibilité, ou réceptivité à la douleur des autres, est ton meilleur atout. Chaque « injustice » qu’elle percevra dans les souterrains, l’éloignera un peu plus de son camp. Il te suffira alors de prononcer les paroles adéquates, pour la gagner définitivement à notre cause ! Tu sauras te souvenir les mots que je t’ai enseignés pour cela… »




Shalane retrouva ses rêves du petit matin, habités de leur douce présence. Elle ne voyait jamais son visage clairement, pourtant elle le reconnaissait chaque fois de loin... Celui qui lui montrait ce qu’elle n’avait pas vu, qui l’accompagnait et l’enseignait. Il ne disait jamais son nom…Etait-ce le Seigneur des Eaux dont parlait Guidora? Celui qui veillait sur sa tribu ?

Ou peut-être un Gardien de la Nuit ? Ces êtres, qui communiquent avec les mortels, parfois même de jour. Pour les guider…
La rencontre fut brève cette fois-ci, et une seule phrase jaillit, comme un léger murmure :
- « Et si je te demandais de faire quelque chose de mal ? » dit la voix…



FIN...
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