Un vieux parchemin poussiéreux...

[Kakita Ryojin]

À peine arrivés au premier sous-sol, Amai Ethen, l’ancien Seigneur des Renards, et, Nenya d’Effril, son ancienne écuyère et désormais compagne purent constater qu’il y régnait une atmosphère qui n’avait rien à envier aux barbaries commises dans les Extérieurs. À l’Est, à quelque distance de la trappe qui les avait mené en ces lieux, Nenya reconnu une silhouette qui lui était familière : un nain trapu et couvert de cicatrices hurlant rageusement alors qu’il combattait d’autres aventuriers. La jeune fille fut horrifiée de constater, qu’au bras, l’ancien renard Viking-Thorgal portait le brassard rouge sang de la Horde. Lorsqu’elle l’avait vu blessé, son premier réflèxe avait été de se porter à son secours, mais, elle se ravisa rapidement. Pour l’heure, elle ne souhaitait qu’une chose : voir ce traître mourir des mains de ceux qu’il avait agressé. Sa main se serra sur le pommeau de son glaive : « je devrais peut-être même aller leur prêter main-forte » songea t’elle.
Délicatement, la main d’Amai se posa sur son épaule. Elle tourna la tête dans sa direction, l’elfe lui souriait amoureusement : « Nous devrions continuer notre route vers l’Est en longeant le mur, mon ange » expliqua t’il « ensuite, nous contournerons le mur, et, à partir de là, en partant plein Ouest, et, en obliquant vers le Nord au moment voulu, nous trouverons un escalier vers le Pays des pas perdus ! » termina t’il en ponctuant sa phrase de gestes explicatifs. Se détournant du triste spectacle qu’offrait l’ancien renard passé à la solde du Mal, Nenya, non sans avoir doucement déposé un baiser sur les fines lèvres de son elfe, prit la direction qu’il lui avait indiqué. De son côté, Amai prit le temps de soigner un jeune aventurier blessé, un de ces imprudents qui s’aventurent aveuglément au premier sous-sol alors qu’ils ne savent même pas encore distinguer un misérable morbelin d’un commando expérimenté.
Nenya, prenant un peu d’avance sur son compagnon, atteignit vite l’extrémité du long mur. Là, elle constata que deux portails s’étaient ouverts, couvrant le chemin qu’ils étaient censés emprunter de séides de Malkiar. « Rien de bien alarmant » cria t’elle à Amai « surtout des archers ! ». À peine avait elle fini sa phrase qu’elle remarqua un groupe de combattants s’acharnant sur un morbelin musculeux et visiblement très agressif. Sans vraiment pouvoir en expliquer la raison, Nenya vouait une haine farouche aux commandos morbelins, aussi, elle s’approcha de l’escarmouche, et porta la main à sa bourse de runes. De la dextre, elle effectua une gestuelle complexe en direction du morbelin, alors que trois runes étaient fermement serrées dans sa main gauche. Soudain, dans un crépitement sonore, trois traits lumineux s’élancèrent depuis la paume de l’humaine et vinrent s’écraser sur le torse du commando. Le morbelin chancela, repéra Nenya et émit un grognement de rage, bloqué qu’il était par les aventuriers qui l’attaquaient sans relâche. La jeune humaine répêta l’opération une seconde fois, et, les chairs du peau-verte se déchirèrent, laissant échapper une humeur verdâtre et poisseuse. Il perdit l’équilibre, tituba, et, finit par succomber sous la lame d’un de ses assaillants.
Satisfaite, Nenya reprit sa route après avoir vérifié qu’Amai la suivait bien. Sans leur prêter la moindre attention, l’humaine traversa les rangs des archers morbelins dont les flèches venaient mourir sur les résistantes mailles de sa cotte. Plus à l’Ouest, un nouveau portail s’était ouvert et vomissait un intarissable flot de créatures malveillantes. Plissant les yeux, Nenya repéra au loin l’escalier qui descendait vers le deuxième sous-sol. Elle se retrourna, Amai n’était plus visible. « Il ne doit pas encore avoir traversé le bataillon d’archers » songea-t’elle. Elle hésita quelques secondes, peut-être avait-il des ennuis, peut-être fallait-il faire demi-tour pour s’en assurer… ? Un cri rauque tira Nenya de ses interrogations, elle vit vote face. À quelques mètres d’elle, seul au beau milieu de toutes les escarmouches que l’apparition du portail avait provoqué, un commando morbelin la regardait avec un air de défi tout en agitant son épée ébréchée. La décision fut vite prise, Amai saurait la retrouver sans peine.
Un sourire aux coins des lèvres, Nenya chargea le morbelin. Avec une stupéfiante vivacité, elle esquiva son premier coup, se positionna sur le flanc de son adversaire, et, y enfonça son glaive à deux reprises. Le commando s’écarta en un bond et contre-attaqua. Un seul de ses coups maladroits parvint à toucher la jeune fille, et, ne lui laissa qu’une minuscule estafillade sur l’avant-bras. C’est à ce moment qu’arriva Amai. « J’ai cru t’avoir perdu mon ange ! » soupira-t’il « montre toi un peu moins impulsive à l’avenir, cela m’épargnera une insupportable angoisse… ». Comme seule réponse, Nenya sourit de toutes ses dents et souffla un baiser à l’elfe. Amai haussa les épaules, « Grands Dieux, ces jeunes ! » s’exclama t’il en riant. À son tour, il chargea le commando, et, en trois coups d’épée, le laissa comme mort. Nenya leva son glaive pour achever la pitoyable créature, mais, soudainement, le sol se mit à trembler, et, un impressionant rugissement se fit entendre. « Un troll » cria Amai « derrière toi Nenya ! ».
La jeune humaine jeta un bref regard derrière elle. La gigantesque massue s’abatit avec fracas et le troll, incrédule, tenta d’apercevoir sa cible. D’un bond gracieux, Nenya avait esquivé l’attaque et se retrouvait face au troll écumant. Saissisant son glaive à la manière d’une dague d’assassin, et poussant le pommeau avec sa paume gauche, elle acheva, sans même se retourner, le commando qui se tenait à genoux derrière elle. Puis, tout aussi, rapidement, alors que le troll tentait de dégager sa lourde masse du creux qu’elle avait creusé sous l’impact, Nenya s’élança sur l’imposante pièce de bois, courut jusqu’au sommet de la massue, au niveau des mains du troll. Là, elle abattit son glaive à deux reprises sur le torse de son nouvel adversaire. Alors que la stupide créature laissait échapper un hurlement de frustration et de douleur, la jeune guerrière sauta aux côtés de son compagnon. Amai se positionna, il allait attaquer à son tour. Il regarda Nenya, lui fit un clin d’œil, et, en riant, il bondit sur le troll…

[Kakita Ryojin]

À travers les flammes dansantes du feu de leur bivouac, Nenya regardait Amai. L’elfe consultait consciencieusement ses cartes afin de planifier un itinéraire pour rejoindre au plus vite l’échoppe runique du troisième sous-sol. Ses yeux étaient rivés sur les parchemins qu’il avait ouverts à la hâte devant lui, et, Nenya avait tout le loisir de l’examiner sans qu’il ne s’en aperçoive. L’ancien Seigneur des Renards avait les traits tirés, mais une sorte noblesse irradiait toujours de son visage que l’orangé chatoyant des flammes rendait encore plus beau. Amai Ethen n’était plus le même, Nenya le savait. Il luttait jours et nuits contre l’engeance infernale qui s’était rivée à son âme lors de son décès dans le première bataille contre Ingeloakastimillizan et la Main du Mal au Pays des Gelées. L’être maléfique ne laissait jamais son âme en repos, et, la disparition du Seigneur Matheleven ne faisait qu’envenimer les choses. Pendant longtemps, la jeune humaine avait cru que son maître et désormais compagnon était définitivement perdu, mais, depuis peu, il semblait retrouver goût à la vie. Nenya s’en réjouissait, et, elle n’était jamais aussi heureuse que quand Amai lui souriait spontanément, ou, quand dans la maigre intimité qu’ils pouvaient trouver dans les souterrains, enlaçés, ils s’octroyaient quelques heures de repos. L’elfe redressa soudain la tête et croisa le regard de son aimée, il écarta une mèche de cheveu qui tombait sur son front d'une main distraite et remit son capuchon.

« Tu ne dors pas encore mon ange ? » murmura-t’il en ponctuant sa question d’un léger sourire.

« Je te regardais Amai » fit l’humaine dans un souffle.

L’elfe ne répondit pas, il se contenta de sourire à nouveau, et, retourna à ses cartes. Nenya ramena sa cape sous sa tête, et, en soupirant, elle se coucha tout en veillant à garder son glaive à portée de main. Elle savait qu’Amai avait déjà trouvé un itinéraire, elle savait également qu’il feignait d’examiner les plans pour veiller sur le sommeil de sa compagne sans qu’elle se sente coupable de l’empêcher de dormir. À plusieurs reprises, elle avait proposé des tours de garde à Amai, mais, il avait refusé à chaque fois confiant à Nenya que la présence du démon à ses côtés lui interdisait de profiter d’un réel sommeil réparateur tout en lui offrant l’opportunité de vivre sans la nécessité de dormir. C’est cet état de demi-vie qui avait longtemps affecté Amai, mais, aujourd’hui, il s’y faisait petit à petit. C’est également cette malédiction qui l’avait conduit à quitter les Renards Mercenaires, la Guilde dont il est le créateur et dont il avait été le Seigneur incontesté pendant longtemps. Soudain, Nenya se mit à penser à Virginie Silmarël, la renarde argentée, à Kalderic et à Magnus Laorum. Elle se demanda si les nouveaux chefs de Renards parvenaient à mener la guilde vers ses idéaux originels. Elle ne doutait pas de la valeur des leaders renards, mais, elle n’était pas sans ignorer les difficultés que rencontrent généralement ceux qui se retrouvent à la tête d’une guilde aussi conséquente que celle des Renards Mercenaires.
C’est en songeant à la création de son compagnon et aimé, et, à leur prochaine descente dans le Masque de Mort que Nenya sentit le sommeil l’envahir, et, se laissa emporter par lui.

[Kakita Ryojin]

À peine les grandes portes en bois du château franchies, les premiers aventuriers s’étant rués à l’assaut furent confrontés à la première ligne de défense. Une phalange morbeline appuyée par quelques shamans constituait le comité d’accueil. En lignes serrées, les commandos morbelins d’élite étaient poussés vers l’avant par leurs cousins morbelins mineurs piaillant et inoffensifs. Rassemblés sur les remparts, les arbalétriers et archers survivants tentaient de ralentir la progression de la vague d’assaillants.

Turin, Seigneur des De Profundis criait ses ordres aux troupes qui s’étaient ralliées à sa bannière, et, grâce à leur farouche détermination, il ne fallut guère plus de quelques heures aux aventuriers pour renvoyer leurs adversaires en enfer. Malheureusement, cette première victoire ne fut pas sans perte, et, les assaillants durent déplorer la perte de Stig qui succomba sous les coups rageurs et inhabituellement coordonnés des morbelins. Lorsque le premier contingent de morbelins fut défait, un calme relatif revint dans les rangs, tous attendaient les ordres. De leurs côtés, les occupants du château semblaient vouloir que les aventuriers s’avancent davantage dans la cour, et, gardaient une position peu offensive. Afin d’éviter un probable traquenard, il fut décidé de longer l’intérieur des remparts dans l’espoir que les morbelins finissent par ne plus savoir se retenir d’attaquer.

Mais, les peaux-vertes ne bougèrent pas d’un pouce, et, ce sont les assaillants, qui, n’en pouvant plus d’attendre, se ruèrent au combat. Avec un peu moins de rigueur que durant la première escarmouche, les aventuriers s’avancèrent dans la cour dallée par petits groupes. Les morbelins bougèrent à peine, et, semblaient guetter le moment propice pour fondre sur leurs ennemis. Aux côtés, entre autres, de Galarion, Soreclis et Bugman, Darn trépignait . Être si proche de morbelins et ne pas pouvoir leur faire tâter du fil de son épée l’énervait au plus au point, mais, il savait également que les ordres de Turin et Galarion étaient le bon sens même. L’assaut devait être coordonné et massif si l’on ne voulait pas compter un mort de plus dans les rangs de l’armée attaquante. En se positionnant à proximité de son ami Régent, Aenarion remarqua qu’un des groupes d’assaut, un peu plus au Nord, avait commencé à combattre, et, était en train de mettre à mal un warlock morbelin. Distraitement, l’elfe décocha une flèche vers le morbelin agonisant, et, fut stupéfait de constater l’efficacité de son arc sur une telle distance : son trait se ficha dans la tête du warlock jusqu’à la penne, ressortant à l’arrière du crâne dans une gerbe de sang verdâtre.

C’est alors que les choses se précipitèrent : les morbelins passèrent à l’attaque, appuyés par les puissantes attaques magiques des warlocks. Le premier choc fut terrible, et, impuissants, les De Profundis virent Soreclis succomber sous une déferlante d’attaques vicieuses. Aenarion serra les dents : ils allaient payer ! De son côté Darn combattait côte à côte avec les chefs de la guilde de son ami ainsi que des membres de la Légion Phénix, les Lords des Mangeurs d’Espoir et les quelques Bardes d’Anastasia présents, et, les commandos tombaient comme des mouches sous leurs coups vindicatifs. Le Régent du encaisser les projectiles crépitants d’énergie d’un des warlocks, il chancela quelque peu, reprit ses esprits, et, comprit aux grands gestes de Turin qu’on attendait de tous les aventuriers qu’ils se rassemblent au plus vite. Aenarion, en retrait pour pourvoir les combattants en soins et appuis magiques, et le nain Maître-Marchand étant déjà en position, ils reprirent le combat de plus belle. Glavaeril avertit alors les combattants de l’arrivée d’une soixantaine de morbelins depuis le Nord : le constat était simple, il allait falloir se débarrasser des ennemis au contact au plus vite pour éviter d’être pris entre deux vagues d’attaque et d’être inévitablement balayé par un étau de peaux-vertes.

Le combat qui s’ensuivit fut des plus éprouvants, les cris de douleur ou de rage et le chant de l’acier étaient souvent couverts par le grésillement sinistre de projectiles magiques. Nombreux, les warlocks morbelins constituaient la plus grande menace. Ils ciblaient généralement un ou deux aventuriers et les accablaient d’attaques énergétiques puissantes alors que les guerriers peaux-vertes leur assénaient une interminable cascade de coups. Malgré la farouche détermination des assaillants, l’intelligence impie qui semblait animer les morbelins eut raison de nombreux vaillants aventuriers. C’est ainsi que, malgré l’appui constant de soigneurs, tombèrent le Seigneur Blackrider, Nienna et Vanielm, Aenur, et, sous le regard impuissant et effaré d’Aenarion, son mentor, la talentueuse magicienne Eladämri. Mais, leur sacrifice ne fut pas vain, en effet, au terme d’un combat de longue haleine, les rangs des morbelins commencèrent à se clairsemer, et, seuls quelques morbelins mineurs insignifiants engageaient encore les aventuriers au corps à corps.

Malheureusement, un fort contingent de warlocks demeurait invaincu, et, Turin et Galarion semblaient hésiter à les charger purement et simplement n’étant que trop au courant de la puissance de leur magie dévastatrice. Il était à nouveau temps de considérer les choses sous un angle stratégique. Aux côtés de Darn, Bjorn des Mangeurs d’Espoir, un barbare peu éloquent mais diablement brutal, écrasa un shaman morbelin avec aisance. La route dégagée, le Régent pu s’approcher de Blade et de Turin laissant derrière lui les membres des Hell’s Planctons qui s’étaient montrés d’une efficacité redoutable. C’est à ce moment, que Stig, revenu du temple, annonça dans le langage codé des De Profundis, qu’il était aux portes du château en compagnie de trois Extraplanaires, mais, que le passage était à nouveau fortement gardé.

Aenarion embrassa le champ de bataille du regard : les dépouilles de morbelins étaient nombreuses, mais, les combattants portaient les marques de l’escarmouche prolongée. La fatigue se lisait sur les visages, et, depuis la disparition d’Aenur et d’Eladämri, le manque de jeteurs de sorts ce faisait sentir. Heureusement, Merrick, Galarion, Bricogne, Sylphin et Glavaeril, tout comme Aenarion, se démenaient comme de beaux diables pour appuyer au mieux leurs alliés. La corde des arcs d’Ambre, d’Erynmiriel et d’Eléria chantaient sans cesse, les nains de la Légion Phénix, Pepe Genepy et Bugman, évitaient avec brio les projectiles magiques des warlocks et attiraient leur attention, tous se donnaient corps et âme dans le combat. Il n’était plus question des rivalités d’antan, unis, et, pour la première fois dans l’histoire des souterrains, des aventuriers défiaient le Prince Morbelin aux portes de sa sinistre demeure.

[Kakita Ryojin]

Mus par la vengeance, et, en l’honneur de leurs compagnons tombés lors des premiers combats, les assaillants de la Forteresse du sixième sous-sol redoublèrent d’agressivité. Très vite, les troupes morbelines postées au Sud de la large porte d’entrée furent décimées. Une fois le dernier gobelinoïde exécuté, les stratèges se concertèrent au sujet de la suite des opérations. Turin et Galarion, d’une nature mesurée, ordonnèrent aux De Profundis de maintenir un semblant d’ordre dans leurs manœuvres et il fut décidé de patienter quelque peu avant de se ruer aveuglément vers la destination suivante. Les aventuriers avaient connu beaucoup de trop de pertes durant le premier assaut, et, il n’était pas question que cela se reproduise. De leur côté, les Hell’s Planctons et les Seigneurs des Mangeurs d’Espoir, Bjorn, Glavaeril et Naikikoul firent marche vers le Nord afin de permettre aux renforts parvenus aux portes du château de franchir les troupes morbelines qui s’étaient amassées de façon désordonnée pour protéger la sombre demeure de leur monarque.

Après s’être concertés brièvement, Les lords des profondeurs, Blade en tête, se joignirent au mouvement de retour vers l’huis de la forteresse. Usant de leur puissante magie, les De Profundis, leurs amis Briath, Gwenhir, Sylphin ainsi que Bugman et Pepe Genepy de la Légion Phénix se pressèrent vers le Nord. Là, confrontés à une bonne trentaine de morbelins formant une escouade bien moins impressionnante que celle qu’ils venaient de combattre, Darn Tarazak aperçu Mystral, Anya et Serena des Extraplanaires ainsi qu’Uld du Comité Contre les Elfes aux côtés des animalcules marins et des inquisiteurs remontés quelques heures avant les troupes De Profundis et leurs alliés proches. Le Régent de la Caravane fit un geste éloquent à Aenarion, l’elfe hocha la tête et tendit les bras en direction de son ami nain. Après une brève incantation, Darn sentit les flux magiques couler dans ses veines, et, avec un cri étouffé par le heaume encombrant qu’il ne quittait plus depuis plusieurs jours, il abattit rapidement sa lame sur le warlock morbelin le plus proche.

Légèrement en retrait, Aenarion ne pouvait pas encore voir les abords de la porte d’entrée à double battants. Il était rongé d’inquiétude, et, espérait que son parrain Soreclis, son mentor Eladämri et Stig étaient parvenus à pénétrer dans le château aux côtés des Extraplanaires et des autres aventuriers qui s’y étaient nouvellement engouffrés. La tension était palpable, et, il n’était pas rare que les aventuriers s’échangent de noirs regards quand les escarmouches prenaient une tournure que l’une ou l’autre partie n’avait pas envisagée. Turin, passablement épuisé par les rappels à l’ordre, tempéra à nouveau ses troupes alors que Chiquita Peralvez des Hell’s Planctons expliquait à tous la politique de sa guilde recueillant les assentiments de la majorité de ses interlocuteurs sur un ton humoristique qui détendit inévitablement l’atmosphère. Aenarion déplorait ces accrochages entre aventuriers au beau milieu d’un assaut aussi périlleux, mais, ils apparaissaient inhérents à la présence d’autant de fortes personnalités dans un périmètre aussi restreint. En effet, la crème des aventuriers combattait en ces lieux, des humains, nains et elfes dont la réputation n’était plus à faire, de fortes têtes, autant de caractères forgés dans l’éprouvant quotidien des souterrains. Tous en quête de gloire, tous au nom de leur guilde et de leurs intérêts, et, inévitablement, chacun à sa manière propre. L’union était précaire, mais, tous s’accordaient à le reconnaître, indispensable.

[Kakita Ryojin]

Alors que les troupes d’assaut de la forteresse du Prince Morbelin s’ébranlaient en direction du Sud, vers le chemin de ronde, Darn aperçu une petite forme familière avançant dans sa direction depuis un tas de gravats. Le Régent de la Caravane, incapable de s’accroupir à cause de son armure de plates, fit un geste éloquent à Aenarion. Le De Profundis haussa les épaules et soupira. Non seulement il transportait le stock de matériel de son ami marchand dont l’armure et la lourde épée pesaient un poids considérable, mais, en sus, il lui fallait récupérer l’immonde rongeur que les dirigeants de la Caravane utilisaient pour se transmettre des messages à travers les souterrains. Aenarion s’empara du rat avec vivacité et grogna en elfique quand il eut à supporter les morsures de protestation de l’animal apeuré. Darn laissa échapper un ricanement, mais, eut bien du mal à attraper le rongeur au vol quand le De Profundis ulcéré lui envoya sans grands égards. Le Régent tituba quelque peu, et, une fois de plus maudit l’inconfort de son armure de guerre alors que le rat surexcité tentait vainement de s’échapper de la poigne d’acier du Maître-Marchand. Après avoir retiré son heaume, Darn détacha soigneusement le pli accroché au dos de la bestiole. Il reconnut sans peine le sceau de Dame Bella, et, fut étonné de constater que la mention « Affaire de la plus haute importance » était tracée en lettres rouges sur le dos du parchemin. Le Régent déroula le rotulus, en parcourut le contenu et en perdit presque connaissance…

Quelques secondes plus tard, Darn courrait en direction de Naikikoul en brandissant le parchemin par-dessus sa tête : « Il est revenu ! Il est revenu ! Sanguin est à nouveau parmi nous ! ». Le berserker des Mangeurs d’Espoir accueillit le Maître-Marchand avec un sourire lumineux. Le visage transfiguré par la joie, Darn courut parmi les De Profundis, les membres de la Légion Phénix, les Extraplanaires et les Hell’s Planctons et annonça à tous l’incroyable nouvelle. Quand tous eurent entendu la nouvelle, épuisé par sa course en armure lourde, Darn s’arrêta aux côtés de Turin. L’humain lui adressa un sourire bienveillant. Alors qu’ils poursuivaient leur chemin vers les remparts, le Régent expliqua au De Profundis l’histoire de la Caravane, de sa fondation par un Maître-Marchand nommé Sanguin, en passant par la déliquescence de la Guilde suite à l’emprisonnement de ce dernier dans les geôles de Malkiar jusqu’à sa renaissance fulgurante grâce à ses efforts personnels et à l’aide innestimable de Gellok et au professionnalisme ahurissant de Dame Bella. Le retour de Sanguin était un signe des Dieux, Darn en était convaincu, le destin de la Caravane allait connaître des heures dorées, et, jamais, plus jamais, sa guilde, leur guilde, n’allait vivre d’épreuves douloureuses comme celle de sa première agonie. C’est avec le cœur léger que le Maître-Marchand contempla à nouveau le champ de bataille, c’est un sourire aux lèvres qu’il s’avança vers l’escalier du chemin de ronde, « pour la Caravane, en l’honneur de Sanguin… » murmura t-il à nouveau pour lui seul en serrant fermement le fourreau de sa lame naine ancestrale.

[Kakita Ryojin]

Avec acharnement, Nenya repoussait les assauts du basilic. Elle était entourée de nombreux membres de la guilde des Adamantiums et combattait aux côtés de leur charismatique leader, Séraphine. Amai Ethen veillait à prodiguer ses soins aux blessés, et, les séides de Malkiar, nombreux et agressifs, donnaient du fil à retordre aux aventuriers positionnés entre les machoires du crâne du troisième sous-sol.

Ayant réussi à obtenir un court répit, la jeune femme s'empara de trois runes dans sa besace. Elle murmura une brève incantation tout en rengainant son glaive, et, sous les yeux incrédules d'Herdek qui les avait rejoint, elle chargea à nouveau l'ovidien géant. Mais, en lieu et place du glaive qu'Amai lui avait offert, une lame de feu étincellait. Des flammèches crépitèrent sur les écailles du basilic qui hurla de douleur sous les coups répétés de Nenya.

Très vite, la créature succomba, et, fort de ses nouvelles responsabilités à la solde des Maîtres-Marchands, Nenya pénétra dans le Comptoir du Crâne afin d'y régler quelques formalités avant de reprendre la route avec son compagnon et leurs amis. Plus que tout, la jeune humaine souhaitait regagner une boutique magique, et, d'après ses informations, elle pouvait en trouver une vers le Sud-Est. En effet, il lui tardait de parfaire l'apprentissage des sorts offensifs auquel elle s'adonnait.

[Kakita Ryojin]

Aenarion, essoufflé par la marche forcée sur les remparts, lança un regard anxieux vers l'Est. Ses compagnons l'avaient devancé, et, il n'était plus accompagné que de Darn, Nico, un humain raciste du CCE, et, un paladin du nom de Sull'ivan, membre des Extraplanaires. De sombres nouvelles parvenaient du front Est ou les De Profundis et leurs alliés s'était enlisé dans un combat éprouvant contre un fort détachement de morbelins commandés par un officier du nom de Medjat.

L'elfe apprit également qu'Eladämri et Blade avaient opté par une traversée vers l'Est, mais, au pied des remparts, et, que les Hell's Planctons avaient trahi les De Profundis afin d'obtenir la libération d'un des leurs. Les animalcules marins avaient conseillé aux De Profundis d'emprunter les remparts en leur donnant les coordonnées d'un Dispensaire, et, les compagnons d'Aenarion était tombé dans l'embuscade du commandeur Medjat.

En l'apprenant, Darn maugréa quelques propos incompréhensibles alors qu'Aenarion tentait d'obtenir des informations sur le combat plus à l'Est tout en se défaisant de quelques morbelins qui ralentissaient leur progression. Alors qu'après une nouvelle journée de marche erreintante, Darn et Aenarion appercurent l'escarmouche qui opposait les De Profundis et les Extraplanaires à la phalange morbeline de Medjat, ils apprirent avec tristesse que la défaite de ce dernier avait coûté la vie à Turin, Galarion et Pepe Genepy.

Se ruant au combat avec la hargne et la frustration dues à l'innaction à laquelle ils avaient été forcés pendant plusieurs jours, Darn et Aenarion eurent l'étrange sentiment de lutter dans une atmosphère trouble et imprégnée d'une magie perturbante. Tous le sentirent, et, Anya, Séréna, David et Akitene glosèrent à de nombreuses reprises sur les étranges phénomènes liés au sang des morbelins qui semblait ne jamais s'arrêter de couler. On parla de nécromancie, et, alors que les forces morbelines déclinait à la sortie des remparts, il fallut décider d'une marche à suivre.

Malheureusement, suite au décès des leaders De Profundis, l'organisation des troupes se trouvait quelque peu amoindrie.

[Kakita Ryojin]

Ayant gardé un contact epistolaire étroit avec le Seigneur Turin, Darn Tarazak se tenait au courant des projets du chef des De Profundis. Ils échangèrent quelque missives, puis, le Régent alla longuement converser avec David von Carstein. Ensuite, il obtint d'Akitene de pouvoir bénéficier des effets du sort d'accélération des pas et fit ses adieux à ses compagnons avant de s'élancer dans les lignes morbelines.

Malgré le poids considérable de son armure de plates, aidé par la magie, le Maître-Marchand parcourut les étendues dallées de la cour de la Forteresse. Il contourna quelque larges pilastres dont le sommet disparaissait dans l'ombre ambiante qui régnait au plafond. Il bouscula quelques morbelins assoupis comme s'ils ignoraient que leur château était victime d'une attaque, et, finallement, à bout de souffle, il fut en vue de l'Armurie du sixième sous-sol.

Arrivé aux portes, il hurla aux gardes royaux qu'il y avait posté de lui avoir la lourde porte. Les gonds grincèrent, et, le Régent bondit à l'intérieur alors que les hommes de faction la refermaient aussitôt. En effet, les abords du comptoir étaient constellés des morbelins, de commandos, d'archers, d'arbalétriers et de shamans. Aussitôt qu'il fut attablé devant une bière bien fraîche, Darn demanda son rapport au chef des gardes.

D'un naturel peu loquace, le sergent lui expliqua qu'une étrange statue de jade s'était approchée de l'échoppe dans la soirée, et, que depuis, elle n'avait pas bougé. Contemplant l'énorme statue depuis l'intérieur, Darn eut un mauvais pressentiment, et, écrivit à la hâte un billet à l'attention de ses amis restés en retrait. Le second volet du rapport du sergent l'incita encore davantage à prévenir ses compagnons. En effet, le Régent se fit alors conduire sur l'observatoire de l'échoppe, et, de là, il pu sans peine observer le Dispensaire qui se trouvait au Nord. Et c'est là qu'avec effroi, il remarqua, au milieu d'une foule bruyante de morbelins extatiques, une silhouette impressionnante.

Darn eut très vite la certitude que cette figure imposante et auréolée de pûre malveillance, un morbelin à la carure disproportionnée portant des oripeaux et des symboles, parodie de royauté, n'était autre que le tristement célèbre Arach, Prince des Morbelins. Le Régent eut un frisson quand le peau-verte croisa son regard. Arach eut alors un sourire carnassier, puis, disparut aux abords du temple...

C'est à ce moment que les gardes alertèrent Darn de la venue d'un De Profundis. Courrant jusqu'à la lourde porte d'entrée, le Maître-Marchand eut l'agréable surprise d'accueillir le premier visiteur de l'échoppe, David von Carstein. L'humain avait à parler avec Darn, et, la statue de jade semblait être l'une de ses préoccupations...

Quelques heures plus tard, alors que le Régent et David discutaient de la marche à suivre dans les jours suivants, on annonça l'arrivée de trois nouveaux aventuriers, et, Darn alla personnellement accueillir Akitene et Soreclis, le parrain d'Aenarion ainsi que Bugman de la Légion Phénix. Malgré la joie qu'il avait à les revoir, le Maître-Marchand déplorait l'arrivée des aventuriers au compte goutte. Il savait les De Profundis capables, en l'absence d'un chef, d'exprimer leurs individualités fortes parfois au détriment du bon sens, et, espérait que cela n'allait pas conduire à des évènements dramatiques...

[Kakita Ryojin]

Le message de Bella était des plus limpides : le comptoir commercial du Sud-Est du Masque de Mort était cerné par les hordes monstrueuses de Malkiar. Réfugiés dans l'échoppe, les caravaniers et quelques malheureux aventuriers avaient perdu tout espoir de fuite, et, s'étaient résignés à empêcher les monstres les plus audacieux de détruire les installations commerciales en les combattant aprement. Plus au Nord, au beau milieu du crâne tronant au sein du troisième sous-sol, les aventuriers terminaient de repousser une impressionnante vague de créatures malfaisantes, et, tous se réunissaient afin de définir de nouveaux objectifs.

Alors que Dame Séraphine s'adressait à ses troupes afin de les exhorter et de leur fournir une marche à suivre après avoir assuré Nenya du total soutien des Adamantiums, la jeune humaine, haussant la voix et se positionnant sur un fût de colonne écroulée, s'adressa aux représentants des Chevaliers de Justice et des Epées du vent présents, ainsi qu'à Stella Artmuir, chef de la Compagnie du Ni : " Chers amis, si je me permet en ce jour de faire appel à vous, c'est que votre réputation de bravoure n'est plus à faire dans les souterrains, et, que j'ai l'intime conviction que vous ne laisserez jamais vif un séide de Malkiar. Comme vous le savez sans doute, un petit groupe d'aventuriers dont de nombreux caravaniers est enfermé depuis presque deux semaines dans le comptoir commercial de l'Ouest de ce niveau. En effet, le secteur est constellé de monstres et chaque fou qui a tenté une sortie, y a connu un sort funeste et rapide.
J'ose croire qu'ensemble, nous parviendrions aisément à faire comprendre à ces horribles sbires de Malkiar (que son nom soit mille fois maudit) qu'ils ne peuvent impunément régner en maître dans les souterrains, et, que nous pourrons aider les miens à sortir enfin de cette nasse éprouvante ! "

Très vite, Nenya obtint la promesse d'aide d'Athalante au nom des chevaliers de Justice, et, Stella Artmuir commenca à battre le rappel de ses troupes. Aux côtés de l'humaine, Herdek et Amai Ethen discutaient à voix basse. Ils avaient évidemment décidé d'accompagner la jeune femme, et, Amai s'apprêtait à user de sa magie pour permettre à sa compagne de partir au plus vite. Amaï choisit soigneusement ses runes... il s'installa par terre, à genoux, pour invoquer la magie de l'esprit. Cette magie qu'il avait si souvent utilisée pour soigner les autres, sa bien aimé et aussi lui même, en cas de problème. Mais cette fois-ci le sort lui était inconnu. Il savait ce qui allait advenir, mais il n'arrivait toujours pas à comprendre ce qui se passait avec les runes... elles vibraient sur des tonalités que ni ses mains ni son esprit n'arrivaient à retenir assez longtemps pour les garder en mémoire...
Il commença son incantation, son appel à la magie, puis brisa les runes pour utiliser cette énergie fantastique...Très vite, un vent entoura Nenya, elle se sentit plus légère, plus rapide... et une nouvelle énergie électrisa ses jambes, et, la jeune humaine s'en alla en courant après avoir embrassé son compagnon.Mais Amaï resta dans sa position après le sort... quelque chose était différent..." Nenya je... je... j'ai compris..." cria-t'il. Les runes, les vibrations, tout... il avait tout compris. Maintenant il pourrait le refaire, et sans rune. " File Nenya ! Je sais comment te rejoindre maintenant ! " lança Amai d'un ton enjoué.

Portée par la magie de célérité, Nenya quitta le crâne par le Sud, et, suivit les Adamantiums en courant. Elle, songea qu'il était apparement inévitable de devoir remettre ses emplettes à la boutique de runes à plus tard, Bella et les siens avaient besoin d'aide. Légèrement déçue, la jeune fille ouvrit sa besace à runes, " De quoi invoquer quelques épées de feu " murmura-t'elle " cela devrait suffir pour le combat qui nous attend ! ".

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Le texte en italique est de la plume d'Exirel

[Kakita Ryojin]

Aux alentours de l'Armurerie du Château, les aventuriers, dans un désordre sans précédent, achevaient les rares morbelins qui avaient survécu à l'assaut. Méthodiquement, tous étaient passés au temple afin de recommander leur âme aux dieux, mais, une fois le rituel accompli, ils se dispersèrent dans les environs, traquant les fuyards, dialoguant avec virulence à propos de banalités sans nom et rongeant leur frein dans l'attente d'un peu d'action. Arach, le Prince morbelin était toujours retranché dans les plus hauts étages du Dispensaire, et, toisait les aventuriers avec un air amusé. Comme à leur habitude, les De Profundis tuaient le temps à grand renfort de discussions absconses non sans garder un œil sur le repaire du terrible monarque.

Rompant la monotonie, Naikikoul, Bjorn et Glavaeril décidèrent d'aller se rappeler au bon souvenir de David von Carstein, au sujet d'une sombre histoire de vol de grande lame. La tension était palpable, heureusement, les opposants arrivèrent à un compromis, et, décidèrent que leur règlement de compte attendrait l'éradication du sinistre Seigneur des lieux.
Portant son regard vers le Sud, Darn vit arriver un nouveau flot d'aventuriers : les membres hargneux du Comité Contre les Elfes, deux CoC isolés, ainsi que l'avant-garde des Transfuges de Nordock.

Le Maître-Marchand songea que la venue de combattants frais et aguerris était une bonne chose, mais, ses pensées allèrent aussi vers ceux qui avaient succombé pour que la route jusqu'au cœur de la Forteresse soit ouverte, les nouveaux venus savaient ils seulement ce qu'avait du endurer la première vague d'assaut pour atteindre le Dispensaire et l'échoppe?. Il pensa à Galarion et Turin, les meneurs des De Profundis, ainsi qu'à Pepe Genepy de la Légion Phénix, et, il se prit à espérer qu'ils soient de retour au plus vite. De leurs côtés, les Hell's Planctons vaquaient à leurs occupations coutumières, et, se laissaient dériver au gré des courants. Darn s'interrogea au sujet de leur traîtrise, les De Profundis avaient ils remis la vengeance à plus tard ? Avaient ils été convaincus par la raison avancée par les animalcules aquatiques ?

Alors que tous commençaient à s'interroger sur la suite des opérations, ceux dont le regard s'était tourné vers le Temple furent témoin d'un épouvantable spectacle : debout sur la plus haute flèche de l'édifice sacré, Arach, les bras dressés vers les hauteurs de la grande cour du Château, psalmodiait une incantation aux sonorités d'outre-tombe. Brusquement, la température ambiante chuta, et des filets de vapeur commencèrent à s'échapper en volutes graciles à chaque respiration des aventuriers médusés. Le Prince scanda ses versets maudits de plus belle, et, tous eurent alors le regard rivé sur le Dispensaire. Une brume noirâtre enveloppa peu à peu les abords du Temple, et, une odeur nauséabonde se répandit alentour. Aenarion porta un linge à ses narines tant la puanteur était incommodante, autour de lui, tous se tenaient en silence, leur attention focalisée sur l'invocation du Seigneur des morbelins.

Soudain, dans un sifflement plaintif et effrayant, des formes éthérées, partiellement composées de la matière brumeuse noirâtre, émergèrent lentement à proximité de la bâtisse sacrée. "Des fantômes" murmurèrent certains. Aenarion d'un air dégoûté, s'approcha quelque peu afin de mieux distinguer les épouvantables entités mandées par le Prince, n'y connaissant rien en étude des spectres, le De Profundis ne parvint pas à les identifier, mais, il en distingua trois types différents. Tous étaient des simulacres des êtres vivants qu'ils avaient étés, leur traits, quand ils en avaient, étaient torturés et changeants. Ils émettaient des sons rocailleux et grinçants, leurs voix à la tessiture malade crispaient les plus rudes combattants. Ces Morts-vivants semblaient obéir au moindre geste d'Arach, et, demeuraient au pied du Temple. Leurs mouvements contre nature donnaient froid dans le dos, et, leur sarabande macabre n'annonçait que le pire…

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La partie en italique ne décrit qu'une version des évènements du sixième sous-sol. Elle est subjective, et, ne correspond pas toujours parfaitement aux horreurs qui s'y trament actuellement.

[Kakita Ryojin]

L'appel retentit sur tout le champ de bataille : " Tenez la statue, empêchez la de bouger ! ". Par dessus les hurlements stridents, les grincements horripilants et les râles malades des spectres qui tournoyaient autour des aventuriers qui avaient osé défier Arach le Prince morbelin, les cris des Planctons attirèrent l'attention de tous les combattants alentour. Alors qu'il subissait de plein fouet la magie handicapante d'un des tourmenteur, fantôme dont les talents magiques étaient un réel obstacle à l'efficience des aventuriers, Darn perçu l'appel des animalcules marins. Il interrogea les De Profundis proches de lui du regard : Blade se rua aux côtés des Planctons, suivi peu après par Soreclis, un sourire indélébile aux coins des lèvres.

Alors que les Transfuges de Nordock, les Mangeurs, les membres du CCE ainsi que Nainf et Sabin des CoC combattaient avec tout autant de vaillance que le premier groupe d'assaut du château, les spectres tombaient les uns après les autres, mais, leur force maudite restait des plus inquiétante. Une erreur d'appréciation se payait cher, aussi, tous avaient les traits tirés, épuisés qu'ils étaient par l'intense concentration que demandait ce combat contre les hordes sépulchrales déchainées par le Prince. De son côté, Aenarion en appelait à la magie de l'esprit pour soigner ses proches, soudain, il remarqua qu'un des tourmenteurs semblait au plus mal. Il décocha trois flèches consécutivement, l'arc elfique chanta, et, les fantômes alentour eurent un moment d'hésitation puis reprirent leur gigue mortelle. Le tourmenteur hurla de douleur et s'estompa comme il était apparu. Aenarion fit une révérence, puis courrut derrière son parrain afin d'appuyer les aventuriers téméraires qui s'étaient mis en tête de retenir l'énorme gollem de jade.

Darn n'hésita pas une seconde, il se porta aux côtés de Goldwin, Pièce de Cuivre et Traktopel, il prit une profonde inspiration et s'appuya de tout son poids contre un des mollets glacés de l'immense statue. Une vingtaine de valeureux combattants étaient à ses côtés, tous serraient les dents et déployaient toute la force dont ils disposaient encore. C'est alors que le Maître-Marchand vit Ambre Delune des De Profundis. L'elfe menue était apparement chargée d'escalader la statue afin de s'emparer d'un parchemin trônant au sommet de l'être de jade. La scène aurait pu prêter à rire, mais, les spectres qui tournoyaient toujours autour des aventuriers n'avaient rien de risible. Darn souffla, la tâche était rude, mais, il tiendrait.

Aenarion arriva près de son mentor Eladämri. L'elfe était occupée à enchevêtrer la statue de jade. Arach était toujours cloîtré dans le temple. Il devait se gausser des tentatives de envahisseurs. Jettant un regard distrait vers les murailles du temple, le De Profundis se mit à songer à son altesse maître diablotin. Il avait reçu une missive de sa part récemment, mais, ignorait totallement où était emprisonné le diablotin. Soudain, l'air devint lourd, l'atmosphère était parcourue d'électricité statique. Puis, une onde de choc émana subitement du corps du golem et s'écrasa sur tous les aventuriers qui entouraient la statue ainsi que ceux qui en était proches. Le sol tremblait, et, des fissures apparurent sur les fûts des colonnes. Darn trésailla brièvement mais tint bon comme tous ceux qui s'étaient décidés à maintenir l'être de jade. Aenarion, remarquant quelques blessés, s'apprêta à les soigner, mais, il du éviter les attaques terrifiantes d'un poltergeist.

Avec une grâce et une célérité féline, Ambre escalada la statue de jade, distraite et partiellement maintenue par les aventuriers qui l'entouraient. Usant de sa dague, elle décrocha la toile et la parchemin. Tout aussi rapidement, elle redescendit au grand soulagement de tous ses compagnons, et, même Bilou des CCE reconnut que l'elfe avait avait accompli un acte d'une grande bravoure. Les aventuriers se congratulèrent, et, se mirent alors à réflèchir au meilleur moyen de traduire le parchemin crypté...

Alors qu'Arach s'évertuait à invoquer de plus en plus de spectres, il fut décidé qu'Ambre aille placer l'émeraude dans l'orbite vide qu'avait révélé la chute du parchemin qui enveloppait la tête de la statue de jade. Aussi, tous les aventuriers recommencèrent à maintenir l'énorme golem tant bien que mal...

[Kakita Ryojin]

Alors qu'ils progressaient inlassablement vers le Sud, se frayant un chemin dans une marée de monstres, Nenya recu une missive des plus inquiétantes : Bele, le bras droit de Bella était acculé par les hordes monstrueuses au Sud-Est de la croisée des os. Le nain s'était fait surprendre par l'ouverture d'un portail alors qu'il revenait du magasin runique.

Sans perdre une seconde, Nenya, qui, à sa demande, avait laissé Amai méditer à proximité de la banque, contacta les Chevaliers de Justice présents. Graam Wulfson, le bouillant leader de la Compagnie du Phoenix accepta sans hésiter la requête de la jeune femme, et, il fut décidé qu'ils emprunteraient la route du Sud pour rejoindre le caravanier en détresse. Stella Artmuir proposa également son aide, et, après s'être assurée que les caravaniers acculés dans l'échoppe s'en sortaient suffisament bien, elle rassembla la Compagnie du Ni en vue d'épauler Nenya.

Au beau milieu des basilics, des squelettes, des harpies, goules, et, d'une masse grouillante d'ovidiens mineurs, les aventuriers commencèrent à se rassembler. Ils allaient tenter une perçée, et, il s'agissait d'être organisé et vigilant. Graam tempêtait ses ordres, et, Stella, d'un naturel plus calme, réunissait les siens avec autant d'efficacité. De son côté, Nenya affichait un air préoccupé. Elle sentait grandir en elle l'imminence d'un évènement à venir, et, l'appréhension qu'il faisait naître chez elle. La jeune femme chassa son trouble en focalisant ses pensées sur Amai Ethen, et, un léger sourire réapparut alors sur son visage...

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*Pendant ce temps, à Vera Cruz*

Non loin de là, Ozogi poireautait près de l'escalier: le point de rendez vous où il attendait Bele. Celui-ci était supposé le rejoindre bientôt mais il n'avait plus aucune nouvelle depuis quelques jours... pour tuer le temps il ramassait quelques runes et tirait de temps à autre une flèche sur les serpents qui tentaient de s'approcher un peu trop près, mais cela n'avait guère d'intéret et il lui tardait de rejoindre ses compagnons à l'échoppe.

[Kakita Ryojin]

Ambre eut vite fait, malgré les tentatives lubriques de Blade, de placer la gemme dans l'oeil du golem. Une étincelle de vie impie apparut dans le visage de l'être de pierre qui s'empara de la De Profundis, lui comprimant dangereusement la cage thoracique. Heureusement, les efforts combinés de Bjorn et de Naikikoul, adeptes du lancer de nain, parvinrent à faire lacher prise à la statue de jade.

Pendant ce temps, Arach brisait de plus en plus de sphères, et, à chaque fois qu'un de ces globes attachés à sa ceinture se brisait sur le sol, le portail spectral qu'il avait invoqué grandissait en intensité, commencant même dangereusement à se rapprocher du Dispensaire où le Prince morbelin s'était cloîtré. De leurs côtés, les aventuriers subissaient le joug d'un effroyable cohorte de poltergeists, de tourmenteurs et de chasseurs éternels. Malgré l'expérience qu'avaient la plupart des assaillants du Château, il n'était pas rare de voir un guerrier tombé à genoux, érreinté par les salves de coups éthérés des fantômes. Les mages harcelés eux aussi, faisaient tout pour soigner les blessés, mais, la tâche était rude.

A chaque contact avec un spectre, une incommensurable vague de froid traversait le corps de la victime, glaçant jusqu'à la moindre parcelle de son corps. En plus de cette vague gelée, l'aventurier sentait germer en lui, des sentiments contradictoires, il entendait des voix éteintes s'adresser à lui en des termes monstrueux. Rares étaient ceux que le contact avec les spectres ne bouleversait pas. Séréna fut la première à se ruer sur le Prince, mais, harcelée par les spectres et gravement blessée, elle s'en écarta.

C'est alors qu'effaré, Arach se rendit compte qu'il venait de briser sa dernière sphère. Epuisé par les efforts qu'il déployait, tant au niveau de l'invocation que du contrôle des spectres, le Prince fut impuissant à contrer l'explosion du portail fantomatique. Gorgé de puissance, le vortax infernal atteignait des proportions gargantuesque, et, commencait à crépiter au contact avec la sphère de protection d'Arach. Soudainement, une explosion retentit, et, une vague d'énergie malsaine déferla sur le champ de bataille : le portail avait eu raison de l'aura protectrice du Prince morbelin.

Galarion hurla à ses amis de charger le Prince en espérant que sa mort stopperait les hordes éthérées, et, joignant le geste à la parole, il se rua sur Arach. Très vite, il fut suivi par Lysandre, Pepe Genepy et Darn qui tout trois frappèrent rageusement le souverain maudit. De leur côté, Chiquita Peralvez et Aenarion criblèrent le morbelin de flèches alors que Mystral usait de sa magie à son encontre. Les combattants furent vite rejoints par Blade, et, il était sur que les autres n'allaient pas tarder malgré les spectres qui les harcelaient. Surpris par l'assaut, le Prince semblait déjà sévèrement blessé, et, un rictus de haine et de douleur se lisait sur son visage.

Les combattants devaient faire vite, car, les spectres constituaient une menace mortelle, et, tous espéraient qu'ils disparaitraient avec le Prince. De plus, inondé par la vague d'énergie néfaste, le temple avait été profané, perdant son rôle de réceptacle des âmes et forçant le clergé à construire un Dispensaire de fortune plus à l'Est, loin de la bataille en cours...

C'est alors Poutrelle qui se lança à l'assaut du Prince, très vite, le monarque sembla acculé, et, tenta de maintenir les aventuriers à distance raisonnable. C'est alors que ...à une dixaine de mètres, Naikikoul étudiait la situation, il n'était guère courageux sous sa forme habituelle de nain famélique et imberbe.

Il échaffaudait une stratégie des plus vicieuse quand Bjorn l'approcha par derrière.

- Bjorn lancer ! S'écria-t-il en empoignant le nain par les pieds.

- Que fais-tu imbécile ? Repose moi tout de suite !

Mais le Barbare n'écoutait pas, comme un enfant avec un nouveau jouet, il faisait tournoyer le nain tel athlète lançant un marteau.

Il le lança de toutes ses forces dans la direction d'Arach qui devint aussi blême que ses spectres voyant le missile s'approcher.

Il n'eut pas le temps de souffrir et alors que son coeur lachait et qu'il s'écroulait aux pieds de ses adversaires, le nain survola son corps inanimé pour terminer sa course dans une collision mémorable avec le petit groupe, Blade le prenant en pleine tête alors que Galarion ramassait uen baffe gantée monumentale et que pépé genepy écopait, lui, d'un grand coup de pied dans les dents.

Se remettant sur pieds tout en se confondant en excuses, Naikikoul eut tout de même le réflexe de rafler le glaive de son adversaire ainsi qu'une magnifique amulette d'émeraude.

Cherchant Bjorn du regard tout en ruminant une sombre vengeance, Naikikoul fut ramené à la réalité par le souffle d'un Poltergeist hurlant à ses oreilles en essayant de lui arracher l'amulette ...

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Le texte en italique est de la plume de Naikikoul

[Kakita Ryojin]

Grâce à l'aide des Chevaliers de Justice de la Compagnie du Phoenix et de la Compagnie du Ni, Nenya parvint à rejoindre Bele. Le nain se débattait au milieu d'un amas de cobras en pestiférant, mais, semblait ne pas être blessé. Il accorda un sourire radieux à la jeune humaine quand il la vit arriver, et, s'avança dans sa direction trainant derrière quelques ovidiens téméraires.

Rassurée sur le sort de l'ami de la Maître-Marchande Bella, Nenya, épaulée par Iuchi Ozogi, un mage de la Caravane, entreprit de ramasser les nombreuses runes qui jonchaient le sol. Les monstres présents ne méritaient pas vraiment qu'on s'intéresse à eux, et, l'humaine n'avait d'ailleurs aucun temps à perdre : il était impératif qu'elle remonte vers le Nord...

Sur le chemin du retour, elle eut l'agréable surprise de tomber nez à nez avec Amai Ethen, l'elfe semblait fourbu, mais, le simple fait de revoir Nenya le regaillardit quelque peu. Ils échangèrent quelques mots simples mais chargés de sentiments, puis, l'esprit léger, ils regagnèrent l'échoppe tenue par un des cousins de Darn que ses parents débordants d'imagination avaient prénommé Le-Vrai-Darn.

Sur place, Nenya vendit à l'échoppe les surplus de matériel qu'elle avait récolté au cours de ses pérégrinations, puis, tout en dégustant un repas frugal avec son compagnon de toujours, elle conversa avec Bele et Graam Wuulfson, constatant avec plaisir que les rapports entre la Caravane et les Chevaliers de Justice évoluaient de façon positive.

Repue, et, les sacoches pleines des runes que Bele était allé chercher pour elle, la jeune humaine prit la direction du centre d'entraînement magique afin de parfaire aux côtés des maîtres réputés qui y enseignaient ses rudiments de magie de l'esprit !

[Kakita Ryojin]

Tout rentra dans l'ordre quand la seconde amulette fut insérée dans l'orbite oculaire vide de la statue de jade. Le golem disparut par enchantement, et, les derniers spectres occis, le calme revint sur la salle centrale du Château. Tous étaient épuisés, mais, la satisfaction d'avoir triomphé du Prince Arach redonnait force et combattivité aux plus erreintés. Dans les minutes qui suivirent le combat, Darn regagna l'échope et donna quartier libre aux gardes qui s'y étaient maintenus en alerte avec une abnégation des plus étonnante. Le sergent remercia le Maître-Marchand, et, il ordonna à ses hommes de sortir de la cave quelques tonnelets afin de fêter la victoire.

Alors que Darn vidait d'une traite une pinte à la mousse généreuse, il constata que tous les aventuriers, Séréna et Eladämri en tête faisaient route vers l'Est. Il constata même qu'Aenarion courait à en perdre haleine dans le peloton de tête. Remerciant à nouveau les gardes royaux, Darn, non sans emporter un tonnelet, se lança à la poursuite de son ami elfe. Mu par la magie de célérité, Aenarion n'avait aucune peine à suivre les aventuriers de la tête de la colonne. Ils s'engouffrèrent dans un tunnel étroit, et, les uns derrière les autres, ils se précipitèrent vers les escaliers menant à la Moria.

Les éclaireurs avaient rapporté qu'un Grand Escalier avaient été construit à proximité de celui qui descendait vers le septième sous-sol. L'espace d'un bref instant, Aenarion se demanda s'il ne lui serait pas agréable de respirer l'air moins vicié des Extérieurs. Gardant un contact journalier avec son mentor Eladämri, le De Profundis apprit qu'elle avait regagné le niveau inférieur, et, qu'elle s'y adonnait à son activité favorite. Blade envoya à tous ses hommes quelques missives d'organisation, et, peu à peu, les groupes de chasse se constituèrent.

Au loin, Darn et Aenarion virent les sombres escaliers s'enfonçer sous la surface dallée du couloir : bientôt, ils auraient pénétré au plus profond des souterrains...