Noel

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azaghal
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Noel

Message par azaghal » 14 déc. 2008 13:37

pour tout commentaire sur notre superbe conte, c'est ici :
http://www.jdr-delain.net/forum/ftopic13276.php

Chapitre I :


Orphelin depuis la première année de son existence, Leno était un tout jeune elfe d'une cinquantaine d'années. Bref, un adolescent. Il était doté d'une très grande beauté qui n'avait d'égale que son incroyable maladresse. Il ne se passait pas une journée sans qu'une catastrophe ne s'abatte sur sa forêt natale. Et chaque fois qu'il se produisait un évènement sortant de l'ordinaire, tous les regards se braquaient irrémédiablement sur lui - rarement à tord.
Il ne lui fallut qu'une dizaine d'années pour se forger, bien malgré lui, une réputation de voyou. Et malgré tous ses efforts, il ne parvint pas à inverser la tendance.

Une telle notoriété le propulsa rapidement au coeur des centres d'intérêts des jeunes filles, son physique au charme ravageur aidant beaucoup. La seule mention de son nom provoquait un concert de soupirs et de gloussements jusqu'à l'orée de la forêt. Que voulez-vous? Les elfes de moins de 100 ans sont d'une frivolité effarante. Bien pire que leurs aînées! Alors comment vouliez-vous qu'elles résistent à l'attrait de celui qui était considéré par toutes comme un beau et ténébreux rebelle? Inutile de préciser que ce n'était pas toujours - pour ne pas dire jamais - du goût des parents qui n'avaient évidemment pas envie de voir leurs filles chéries s'acoquiner avec un tel individu.

Traité comme un paria dans sa forêt, il lui avait été expressément signifié que son départ serait le bienvenu. Mais pour aller où? D'amis, Leno n'avait que la solitude. Il ne connaissait nul endroit où se réfugier, nul abri où se ressourcer en dehors de sa forêt.
Incapable de fuir loin de tous, il arrivait souvent qu'il arpente sa forêt natale, le cœur en peine, tel une âme damnée. Ceux qui le voyaient ainsi courir les larmes aux yeux étaient parfois pris de pitié mais cela ne durait jamais. Il suffisait que la malchance s'abatte de nouveau sur lui pour qu'il soit de nouveau mis à l'écart, comme un malade porteur de germes hautement contagieux.


Un jour, une elfe de son âge parvint à s'approcher de lui en contournant la surveillance parentale et, pour la première fois de sa vie, Leno se sentit heureux. Ils passèrent la journée à s'amuser sans relâche, enchaînant les courses folles dans le sous-bois et les concours de ricochets près d'un ruisseau. Elle ne se défendait pas mal et Leno la suspecta de tricher. Mais il ne dit rien, trop heureux d'avoir enfin une amie à qui parler.
Fait surprenant, il ne se produisit rien de catastrophique. Le jeune elfe aurait pu envoyer son caillou ricocher sur le crâne d'un esprit majeur de la forêt mais non, ses projectiles se bornèrent à heurter la surface de l'eau. Ni même d'incidents mineurs: durant la course il aurait pu percuter Elaviel, la grande prêtresse rentrant de sa cueillette un panier de plantes médicinales dans chaque main mais non... sa bonne étoile semblait avoir enfin décidé de montrer le bout de son nez.

Le soleil déclinait lorsque accompagnée de son amie, ils montèrent au faîte d'un vieux chêne pour admirer le coucher de l'astre du jour. Perchés sur une branche, ils admirèrent la vue ô combien magnifique sans prononcer une parole, de peur de briser l'enchantement.
Une petite brise venait caresser la cime des arbres qui se balançaient doucement. La forêt ondulait comme une mer d'émeraude et, au loin, les nuages s'embrasaient de rouge, d'orange et de jaune, mouchetant le ciel d'une myriade de flammèches évaporées. Les oiseaux saluaient la tombée du jour, accompagnant la venue de la nuit par une multitude de pépiements qui s'accordaient en une douce mélodie.
Bercée par la poésie de l'instant, la jeune elfe inclina sa tête en direction des lèvres de Leno et y déposa un bref baisé. C'est malheureusement à ce moment que le frère de la jeune fille débarqua comme une furie au pied de l'arbre. Inutile de retranscrire ici le vocabulaire fleuri qu'il employa. Sitôt que les deux tourtereaux furent descendus de leur perchoir, il ordonna à la jeune elfe en pleurs de rentrer sur le champs.
Puis il se tourna vers Leno. :evil:


Dans le fond, Leno n'était pas un mauvais bougre, juste un poissard invétéré. Mais à l'instar de ses semblables, le frère de sa nouvelle amie le considérait comme un vulgaire parasite dangereux et coureur de jupons de surcroît! L'esprit rongé par la vision de sa sœur corrompue par ce mécréant, il déchaîna toute sa colère sur le malheureux. Usant de puissants sortilèges, il le priva de sa beauté avant de disparaître entre les arbres, ruminant qu'il aurait du le tuer.
Après ce déferlement de magie, il serait injuste de dire que Leno était d'une laideur à faire vomir un crapaud mais il faut bien avouer qu'il n'avait plus rien de l'elfe qu'il avait été. Son corps élancé avait laissé place à une bedaine rebondie, des membres lourdauds et des doigts aussi épais que des pieds de porc.
Dernière modification par azaghal le 20 déc. 2008 19:11, modifié 1 fois.
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Message par azaghal » 17 déc. 2008 10:14

Chapitre 2 : Errance et désespoir


En proie à un trouble intérieur profond, Leno erra toute la nuit, hagard. Peu habitué à son nouveau poids, il vacillait à chaque pas. Tenant maladroitement sur ses jambes, il renversa par inadvertance la torche sacrée plantée devant la statue d'Elaman, l'entité protectrice du lieu. Il fut ainsi à deux doigts de mettre le feu à la forêt.
Ulcérés par ce qu'ils considéraient comme un blasphème doublé d'une tentative d'assassinat, les elfes le chassèrent comme un malpropre. C'est ainsi que, soutenant sa panse avec ses petits bras potelés, Leno fuit du mieux qu'il put et ce fut un véritable miracle s'il ne retrouva pas une flèche ou deux fichées dans son postérieur. D'une part parce qu'il n'avait plus l'endurance d'antan mais également parce qu'il faisait désormais une cible... euh... facile?


A bout de souffle, il s'écroula sur le sol à un petit kilomètre de sa forêt. Il ne put contenir le cri de rage qui s'échappa de sa gorge. La campagne environnante sembla se figer, toute activité nocturne disparaissant au profit d'un silence quasi religieux. Seul l'écho de sa voix dans les vallées voisines vint briser cette paix provisoire. Dégouté par sa propre apparence et en colère contre sa malchance, il fit vibrer ses cordes vocales pendant une bonne heure jusqu'à ce que la lune en personne lui réponde.
- Ça suffit, gronda-t-elle. Tu ne fais que te morfondre et t'apitoyer sur ton sort! Relève-toi et bats-toi!
Leno demeura interdit. Était-ce une hallucination ou Apiéra, la déesse lunaire venait-elle vraiment de lui parler?? Mais le disque d'argent brillait dans le ciel étoilé, inexpressif: il devait être devenu fou. Leno décida toutefois de suivre le sage conseil, peu importe son origine.


Il parcourut les contrées voisines pendant plusieurs semaines, à la recherche d'une solution. Parti sans le sous, il dut quémander à manger tel un vagabond mais les paysans lui claquaient bien trop souvent la porte au nez, s'exclamant que jamais ils ne donneraient un gramme de nourriture à quelqu'un d'aussi bien portant.

Un soir qu'il frappait à la porte d'une petite auberge, le tenancier éclata de rire.
- Tu te moques de moi? Tu es ventru comme un cochon et tu voudrais me faire croire que tu as faim? Ha! Travaille donc un peu, ça fera fondre ton gras.
Humilié et toujours aussi affamé, Leno décida de piller les cuisines de la taverne. Ce n'était pas dans ses habitudes mais il n'avait pas le choix: il n'avait pas mangé depuis 3 jours et son estomac se contorsionnait de douleur. D'autant plus qu'une fenêtre ouverte à l'étage laissait filtrer une de ces odeurs de viande rôtie... Hummm... A vous retourner les papilles!
Les narines encore frémissantes, Leno fit mine de s'éloigner et revint en douce lorsqu'il fut certain que le tenancier avait cessé de le surveiller. Il attendit un moment dans le froid et, lorsqu'il jugea que tout le monde dormait, il pénétra dans la bâtisse en bois. Se laissant guider par l'instinct, il eut tôt fait trouver son bonheur et mangea avec frénésie. Il engloutit tout ce qui lui passa sous la main: le plat du jour, les restes de lapin braisé et la réserve de fromage. Il alla même décrocher un jambonneau dans le cellier.
Mais, maladroit comme il était, il renversa une pile d'assiettes qui se brisèrent dans un fracas épouvantable. Il vida précipitamment les lieux et le gérant de la taverne lui envoya ses chiens. Épuisé mais repu, il parvint à les semer en traversant un cours d'eau. Il faillit se noyer à plusieurs reprises mais la lune devait veiller sur lui car il en réchappa.
Puis, s'abritant derrière un rocher, Leno se lova dans une grande capeline rouge qu'il avait fauchée dans la taverne et chercha le sommeil.


Le lendemain, après une nouvelle nuit passée à la belle étoile, il prit le temps de méditer. De toute manière, qu'aurait-il pu faire d'autre? C'est alors qu'il eut une vision: un vieux shaman morbelin lui arrachait sa malchance et la noyait dans un bol de sang de poulet. Un petit écriteau derrière le shaman indiquait qu'il se trouvait dans un dispensaire, quelque part dans les souterrains de Delain.
Leno ouvrit les yeux et afficha une moue septique. Mais après tout, les siens l'avaient rejeté, les humains ne valaient guère mieux et les nains, c'était tout bonnement impensable! Il ne restait plus que ses ennemis héréditaires...

Il n'hésita pas longtemps... Il n'avait rien a perdre.
Les souterrains, eux, pouvaient trembler car un terrible fléau approchait d'eux.
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Message par azaghal » 20 déc. 2008 18:51

Chapitre 3 : les ténèbres
Le chemin jusqu'aux souterrains était long et fastidieux: Leno devait longer le désert des mille morts - ce qui n'avait rien de rassurant - mais également traverser la fondrière d'Albicans - ce qui était encore plus inquiétant! Mais contre toute attente, Leno avala les distances à une vitesse stupéfiante. Peut-être à cause des moustiques gros comme le poing dont le marais était infesté?

En arrivant aux premiers postes de garde, il aperçut une charmante jeune elfette du nom de Gildwen. Elle lui rappelait sa jeune amie aussi fut-il profondément vexé lorsqu'elle eut un mouvement de recul. La moue de dégoût qu'elle tenta de cacher - sans succès - à la vue de son apparence ralluma la flamme de la détermination dans le cœur de Leno. Il trouverait le moyen de redevenir comme avant et de chasser à jamais sa poisse devenue légendaire.


Il visita de nombreux dispensaires, tous aussi crasseux les uns que les autres. Les guérisseurs avaient beau faire les fiers, l'état de leurs précieuses maisons de soins était déplorable. Leno songea que si les dirigeants du coin établissaient quelques contrôles sanitaires inopinés, certains auraient des surprises.
Il croisa quelques elfes natifs de sa forêt d'origine mais ils ne le reconnurent pas. Les sortilèges qu'il avait subis lui avaient donné une longue barbe blanche... Le frère de son amie n'y était pas allé par le dos de la cuiller: il ressemblait presque à un nain!! Et drapé dans sa capeline rouge, c'était pire: on pouvait le prendre pour un personnage mythologique issu des croyances populaires humaines. La barbe! (Et c'était le cas de le dire).


Il finit toutefois par trouver le shaman de sa vision. Ridiculement petit et incroyablement sale, il était difficile de dire si sa couleur verte était due à sa peau ou aux moisissures le recouvraient. Leno déglutit. Rien que le fait de demander de l'aide à un morbelin le repoussait. Mais celui là était encore pire que les autres. Moins brutal, plus chétif... mais dix fois plus répugnant!
Ravalant ses réticences, il s'adressa à la peau verte, laquelle lui répondit dans un chuintement.
- Hin hin! Tu veuch que n'ye t'aidech? Il vach falloir payerch!


Contre toute attente, le morbelin lui posa une énigme en guise de payement. Il avait vraisemblablement perdu la tête. Mais aux yeux de Leno, c'était le cadet de ses soucis. Contrairement à son corps, l'esprit de l'elfe n'avait pas subi de dégénérescence aussi répondit-il avec aisance à la question du shaman. Celui-ci lui révéla alors à contrecœur que tout est question d'équilibre.
- Tu n'esch pas en équilibre avec toich-même. L'eauch, l'airch et lach terre chont chtables mais lech feu quich gronde en toich te conchumme de l'intérieur. Ch'est la courche de tous tes problèmesch.

Le morbelin aida Leno à atteindre son moi-intérieur via la méditation. Ce ne fut pas facile car l'odeur pestilentielle du shaman venait lui chatouiller les narines. Mais comme rien n'est dur à la volonté, il finit par distinguer les quatre forces élémentaires dans son esprit. L'eau, liquide apaisant, semblait chanter en dévalant les rebords de sa conscience. L'air, insaisissable, parcourait avec fougue les grands espaces de sa mémoire. Et la terre était, tout simplement. Le feu, lui, bondissait chaotiquement, brûlant tout sur son passage.
- C'est ça la source de ma mauvaise fortune? murmura Leno, ébahi par cette vision mystique. Comment vais-je stopper ce brasier? Il me consumera avant même que je n'arrive à l'attraper!
- Conchentre-toich un peu! lui intima sèchement le shaman par voie télépathique. Chi tu veux éteindre le feuch, tu peuxch!

Éteindre le feu... C'est une chose que Leno l'éternel malchanceux réussi à la perfection. Rolling Eyes
La flamme qui brûlait dans les tréfonds de son âme lui renvoya le souffle de sa volonté et moucha toutes les torches, tous les feux de camps et toutes sources de lumière des souterrains. Et tandis que tous les aventuriers se retrouvaient plongés dans le noir, le feu intérieur de Leno semblait danser d'une joie malsaine, un peu comme s'il se moquait ouvertement des efforts désespérés de l'elfe.

Leno quitta alors la citadelle de son âme et réintégra la réalité. Il découvrit que le morbelin gisait près de lui, exsangue. Celui-ci avait visiblement touché à quelque chose qu'il n'aurait pas du: la magie est dangereuse, surtout pour les apprentis sorciers! Ce n'est pas pour rien qu'on dit qu'il ne faut pas jouer avec le feu. Toucher aux forces élémentaires qui régissent le monde est dangereux. TRES dangereux!


Un prêtre qui avait compris ce qu'il s'était passé arriva en hurlant et Leno s'enfuit, une fois de plus. A tâtons, il regagna les extérieurs. Profitant d'une chance peu habituelle, il ne croisa aucun sbire du Rouge Démon. Mais la mauvaise fortune sommeillait toujours au fond de son cœur, de son corps et de son esprit. Il le savait. Il le voyait. L'exercice imposé par le morbelin avait ouvert son troisième œil.
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Message par azaghal » 25 déc. 2008 17:39

Chapitre 4 : Une pluie d'étoiles filantes

Quittant les souterrains à présent plongés dans l'obscurité, Leno prit la lune à partie.
- Tu vois ce que je suis devenu?! Hein, tu vois?! lui cria-t-il en se montrant du doigt. Mais toi aussi tu t'en moques! Tu dois me haïr, comme tous les autres! De toute manière, personne ne m'aime, ajouta-t-il comme un enfant.


Leno sanglotait, ruminant son nouvel échec lorsque Apiéra la changeante lui apparut sous la forme d'une jeune femme au teint opalescent. Elle posa un doigt sous son menton (enfin ses mentons) et le força à relever la tête avec fermeté et douceur. Puis elle le fixa droit dans les yeux. Elle avait un regard si beau, si pur, que Leno s'y serait noyé avec plaisir.
- Tu es un artiste, dit-elle. Le tourbillon qui a emporté toutes ces lueurs était une œuvre d'art.... hummm... magnifique!
La déesse partagea sa vision avec l'elfe et un frisson de joie irraisonnée le parcourut. Elle avait raison: comment ne pas s'émerveiller devant une telle beauté?
- Leno, je vais te bénir et achever cette peinture, dit-elle avant de pointer du doigt une étoile dans le ciel. C'était, vous l'aurez compris, la feignasse qui ne jouait pas son rôle de bonne étoile. La déesse lui ordonna de libérer Leno de la malédiction qui l'oppressait et disparut.

Le ciel entier trembla devant l'ordre de la déesse: l'étoile avait laissé Leno accumuler tant d'infortune que le libérer de sa malchance revenait à présent à en accepter le fardeau. S'entacher pour le purifier... L'astre frissonna (si tant est que ce soit possible). Mais qui était-elle, insignifiante petite chose, pour oser contredire une déesse? Elle se résigna donc.
Un étrange sentiment empoigna alors le malheureux elfe. C'était... bizarre. Il est difficile de trouver les mots pour qualifier ce qu'il pouvait ressentir: l'étoile rétablissait son équilibre spirituel. Le seul mot qui pourrait convenir serait "liberté". Et encore, cela ne ferait que s'approcher seulement de la réalité.


Le processus arrivait bientôt à son terme et Leno exultait. Il allait enfin pouvoir vivre normalement, trouver compagne et ne plus être rejeté par les siens. Les astres de la nuit, eux, pleuraient le sort de leur sœur.
Soudain, l'étoile ne put continuer. Imbibée par l'énergie qu'elle venait d'absorber, elle fut comme agitée d'un soubresaut et percuta sa voisine qui en fit de même avec une autre. Puis une autre. Et encore une autre! Le ciel fut bientôt saturé de larmes célestes qui zébraient les ténèbres dans le chaos le plus total avant de s'abattre sur la terre.

Une pluie d'étoiles filantes illumina les cieux sous l'œil satisfait d'Apiéra, déesse de la Lune, de l'illusion et des arts. De l'art, c'en était à l'état pur: toutes les lumières des souterrains étant éteintes, la voûte céleste semblait avoir remplacé le plafond rocheux et les aventuriers ne manquèrent pas une miette du spectacle divin. Certaines étoiles s'enfoncèrent même profondément dans les souterrains, la roche en fusion se refermant après leur passage.



Un instant ébloui par ce spectacle ô combien stupéfiant, Leno reprit toutefois ses esprits et implora Apiéra de revenir, que son étoile n'avait pu finir le travail.
C'est alors qu'une main se posa sur son épaule grassouillette. Il se retourna et vit avec stupéfaction et ravissement qu'il s'agissait de sa belle amie, sa douce bien-aimée. Elle avait forcé son frère à lui apprendre les contresorts et s'était lancée à la poursuite de Leno.
Et quelques incantations plus tard, la barbe de Leno se désintégrait dans un claquement sonore tandis que ses membres flasques et enrobés fondaient et retrouvaient leur beauté d'antan.


La déesse murmura alors à son esprit.
- Reste près de ta moitié. Elle compensera la malchance qu'il te reste.
Puis une magnifique charrette surgit de nulle part, comme par enchantement. L'astre de la nuit gravé à même le bois laissait présager qu'il s'agissait là de l'ultime cadeau d'Apiéra. Quand à l'attelage, il s'agissait de quatre bœufs aux cornes argentées menés par un cerf au nez rouge Rolling Eyes Humour divin? Mr. Green


C'est ainsi que le père Noel euh... que le père Leno et sa belle s'enfuirent en amoureux, serrés l'un contre l'autre sous la grande capeline rouge, loin des médisants et autres rabat-joie.
Et, là-haut dans le ciel, une pluie d'étoiles filantes saluait leur amour.






Epilogue :
Depuis, les troubadours et autres poètes elfiques des souterrains content cette histoire tous les Noël afin d'écœurer les nains, donner du baume au cœur des elfes en mal d'amour et critiquer les humains.

Comme quoi, même dans la tanière du mal, l'espoir existe. Aventurier de tout poil, ne te laisse pas abattre!!
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Message par azaghal » 28 déc. 2008 22:35

Chapitre 5: chambardement magique et sombre présage


Le ménestrel marqua un temps d'arrêt.
En l'espace de quelques secondes à peine, les choppes de bière redevinrent le centre d'attention des clients de la taverne et le silence qui avait accueilli son histoire laissa place à un joyeux brouhaha. Contemplant les cœurs ragaillardis par la fin heureuse, le troubadour se moquait intérieurement, à moitié écœuré par le spectacle.

Affalé sur une table, un barbare impressionnant pleurait à chaudes larmes. Près du mur du fond, deux nains complètement saouls prétendaient que le héros n'était qu'une lavette et qu'à sa place, ils auraient laminé le frère et dépucelé la gueuse avant même que son frangin ne puisse leur lancer un sort. Une elfe scandalisée par leurs propos versait une poudre non-identifiée dans leurs choppes tandis qu'un autre faisait diversion. Les humains accoudés au comptoir, eux, s'échangeaient des cadeaux au nom de la tradition. Coutume étrange mais somme toute assez répandue dans Galthéa (le monde), à l'exception peut-être d'Orlanthi, le fameux pays marchant où la générosité est un mythe.

Le troubadour laissa son public se réjouir un instant puis claqua sa choppe sur une table avec force. Le silence revint immédiatement.

" Ha! Pauvres naïfs. Vous avez cru que c'était fini! 'Ils furent heureux et eurent beaucoup d'enfants...' Ha ha! Ridicule! Si il y a quelque chose que je n'arrive pas à comprendre malgré tous mes voyages, c'est bien ça! Comment pouvez-vous être aussi innocents malgré toutes les horreurs que vous traversez quotidiennement?!
La petite fermière isolée dans sa vallée perdue qui croit que le monde est pur et rêve au prince charmant, admettons.... Mais vous, les soit-disant puissants guerriers chasseurs de démon, oui, vous qui arpentez ces souterrains, comment pouvez-vous encore vous bercer ainsi d'illusions?! Non, franchement, s'il y a un mystère irrésolu, c'est bien celui-là: pourquoi cet espoir défiant toute raison?
Vous savez que des légions de démons et autres créatures maléfiques vous attendent derrière le pas de cette porte. Et pourtant vous vous vautrez dans ce réconfort illusoire. Un simple conte pour enfants et vous oubliez la raison de votre présence dans ces boyaux tortueux empestant la fange à plein nez. Ha! Pitoyable!

Laissez moi donc doucher votre insouciance et vous redonner le sens de la réalité! Car oui, l'histoire n'est pas finie ! "


Vous l'aurez compris, ce ménestrel était atteint par le spleen de l'artiste, cette morosité incurable dont souffrent les troubadours de tous poils. Même si, selon les nains, ces mauviettes n'en n'ont pas. Bref, il était complètement dépressif.
Ignorant le froid qu'il avait jeté sur l'assemblée, il reprit le fil de son récit comme si de rien était.

" Certains hommes ont développé la notion de Grand Equilibre. Une loi qui régit implacablement le monde, sans but aucun. Cette loi existerait, un point c'est tout.

Cette vue de l'esprit est familière aux fidèles de Galthée, la déesse appelée terre nourricière mais également surnommée 'affectueusement' la faucheuse. Ils la perçoivent à travers le cycle de la vie et de la mort, une chaîne infinie dont le maillon élémentaire est constitué du décès suivit de la renaissance de l'individu. Un cycle sans fin, équilibré.
D'autres retrouvent cette notion d'équilibre au travers de Falis et Ecatis, deux déesses diamétralement opposées. Mais le domaine du divin n'est pas le seul concerné: de grands philosophes ont prétendu percevoir ce phénomène dans la vie de tous les jours. A votre avis, quelle est l'origine de expression 'un mal pour un bien' ou encore 'le malheur des uns fait le bonheur des autres'? Et donc pourquoi l'étoile de Leno ne voulait-elle pas jouer son rôle?
Vous commencez à comprendre, hein? Le Grand Equilibre est partout. Dans le commerce, dans la religion, dans la guerre... PARTOUT ! "


Le conteur agitait désormais les bras avec ferveur et ses yeux exorbités roulaient dans leurs orbites à la manière d'un dément.
Le barbare émotif qui pleurnichait cinq minutes plus tôt avait à présent empoigné sa hache, craignant que le troubadour ne se jette sur lui en hurlant. Les elfes se cramponnaient à leurs chaises en tremblant comme des feuilles tandis que les hommes étaient à deux doigts de mouiller leurs pantalons.

Puis le troubadour se reprit et demanda d'une voix plus posée:

" Euh... Pourquoi je vous racontais ça moi? Ah oui! Bon, reprenons.


Certains disent que c'est cette loi qui est à l'origine du désastre qui suivit la libération de Leno. Car en effet, sa malédiction n'était plus. Mais comme je le disais, tout à un prix, c'est une question d'équilibre. Et celui-ci fut à la démesure de la malchance de l'elfe: un des scellés maintenant Malkiar en captivité se rompit!!

Je vous entend déjà me dire "c'est un peu énorme comme histoire" ou "tu ne nous feras jamais gober ça, vieux fou!". Et bien détrompez vous! Cette nuit là, parmi les nombreux météores qui s'écrasèrent sur les souterrains, l'un d'entre eux pénétra si profondément les entrailles de la terre qu'il vint se fracasser contre le Cinquième Sceau.
La déflagration fut telle que la roche fut désintégrée sur plusieurs centaines de mètres aux alentours. On raconte que le choc titanesque ébranla les fondations du monde avec une telle force qu'il en arracha un cri de douleur à Galthée. Une vague de puissance magique à l'état pure prit naissance au point d'impact, se répandit à travers les cavernes et finit par mourir loin des souterrains. Impalpable, cette onde magique traversa la pierre, les êtres vivant et les deux fois nés sans effet apparent.

Pourtant, ainsi que l'on devait le découvrir plus tard, les conséquences d'un tel évènement devaient s'avérer on ne peut plus importantes. La magie telle qu'on l'avait connu n'était plus.

Des pouvoirs latents, autrefois enfouis au plus profond de chacun, se réveillèrent. Les mages les plus sagaces comprirent immédiatement l'intérêt de cette nouvelle source de puissance et devinrent ceux que l'on nomme aujourd'hui les mystérieux sorciers, les insaisissables maîtres des arcanes, les incroyables guérisseurs ou les puissants mages de bataille et de guerre.
Toutefois, après bien des expériences, les mages réalisèrent qu'il était impossible de maîtriser la totalité de ces pouvoirs sans qu'ils ne consument le corps de l'imprudent qui osait les réveiller. De nos jours encore, il arrive qu'un apprenti un peu plus audacieux que les autres se désintègre dans un éclat de lumière aveuglante. A vouloir plus qu'une fraction raisonnable de cette puissance dormante, ils y perdent la vie.

Mais ce n'est là qu'un des aspects du bouleversement qui secoua le monde de la magie: l'instabilité des runes perturba plus d'un maîtres mages, vous pouvez me croire! Je ne vous raconterais pas la surprise du premier mage qui voulu lancer une boule de feu: je pense que le moignon carbonisé qui lui sert de main est suffisamment éloquent. Quand au squelette du mage enterré vif suite à un passage magique instable, je suppose que vous l'avez tous déjà vu. Il est à moitié déterré au bout d'un des couloirs du pays des pas perdus."

Lorsque le barde évoqua le chambardement magique provoqué par la rupture du Cinquième Sceau, l'apprenti qui draguait discrètement la serveuse tendit une oreille distraite. Il avait déjà entendu parler de ce qu'il s'était passé en l'an 5 après l'ouverture des souterrains mais le troubadour semblait en connaître un rayon sur le sujet.
Malheureusement pour lui, le ménestrel semblait en avoir fini avec la magie, aussi reprit-il sa réflexion sur la féminité, tout en se promettant de tâter le terrain d'ici peu.


" Cette nuit là est restée gravée à jamais dans l'esprit des aventuriers. Non pas à cause des inquiétantes ténèbres, de la stupéfiante pluie d'étoiles ou de je-ne-sais-quoi-d'autre, mais à cause du rire qui résonna dans les souterrains. Un rire qui inspirait la terreur, plongeait les plus solides gaillards dans les affres de la folie et qui sonnait comme le glas.
- Muahahaha! Tremblez mortels, je serais bientôt de retour."

Le bourdonnement d'une mouche se fit entendre. L'assistance tétanisée par l'imitation du conteur n'osait esquisser le moindre geste.
C'est Momo qui brisa la mauvaise ambiance qui s'était installée. Lui même se souvenait très bien du cri de joie malsaine poussé par le Rouge Démon. S'il s'était douté ne serait-ce qu'un instant que ce guignol avait choisi de leur conter cet évènement, jamais il ne l'aurait laissé entrer dans son établissement. Il fit un signe de tête à deux gardes qui empoignèrent sans ménagement le ménestrel. Ils mirent ce dernier à la porte tandis qu'il hurlait comme un damné que Malkiar était de retour.

Les fesses dans la boue, le troubadour délira un moment avant de se relever. Jetant un dernier regard à l'auberge, il cria:

" Je vous laisse écrire la suite de l'histoire.... ... avec votre sang! Ha Ha HA! Muaha Ha HA! "

Puis il s'éloigna avec sa folie pour seule compagne...
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Verrouillé