Sombres Complots

[Ingeloakastimillizan]

Dans les profondeurs les plus abyssales des souterrains, là où la lumière n'a plus le droit de cité, existe un Enfer de Rocs et de Flammes. Un lac de lave s'étend à perte de vue, couvrant une surface inimaginable sous la terre, dévoilant un monde souterrain d'un seul tenant, invraisemblable. Un endroit maudit et oubli, à l'image du Maître des lieux.
Des cadavres calcinés, portant les emblèmes de confréries de paladins aussi anciennes que l'Histoire, empalés et crucifiés sur des croix de métal noir, en une insoutenable parodie du symbole même de la plupart de ces infortunés... Tels sont les stigmates de la présence des seules personnes ayant jamais eu la bravoure ou l'inconscience de pénétrer en ces terres corrompues, où même l'air semble mu par des velléités de meurtre et de haine.
La roche lissée par la chaleur, la lave en fusion, les piliers ardents faits de colonnes de feu maintenues en place par la magie la plus noire qui n'ai jamais existé, donnent à la salle une aura de majesté, la fascination de voir une véritable représentation du Mal, ce spectacle incroyable et unique, où l'émerveillement mêlé à la terreur crée une impression de sombre beauté, qu'aucun peuple de la surface, humain, nain, ou elfe, ne verra jamais plus.
Mais le plus impressionnant, le spectacle qui a fait douter tant de ces paladins, qui sont maintenant ses derniers observateurs, figés dans leurs horribles grimaces de souffrance, est la seule construction architecturale de l'immense caverne du lac de feu: une Cathédrale Ignée, de style gothique, faite d'un métal noir, plus noir que tout ce que l'on peut imaginer, sur lequel courent des flammes magiques, alimentées sans fin par l'énergie négative qui règne ici.
Ce métal, inconnu dans le reste du monde, semble refléter les éclats de lumière de la lave en fusion, tout en l'assombrissant. Oui, c'est bien l'impression que l'on a en regardant la Cathédrale du Chaos: sa lumière est sombre, noire, aussi noire que l'Ame de celui qui l'a érigée, aussi sombre que le nom qu'on lui a donné.

Des arches de feu et de métal, composant la voûte de la Nef Centrale, mènent au coeur même du bâtiment, une immense salle, toujours du même métal enflammé, en forme de pentacle. Des vitraux, sans doute magiques étant donné leur perfection malgré l'insupportable chaleur des lieux, racontent des batailles oubliées, des carnages sans nom perpétrés par des agents du mal pendant les plus mauvaises périodes du monde.
Des créatures monstrueuses, éteintes il y a des éons de cela, reprendraient vie devant le spectateur qui oserait remonter cette allée vers le Sanctuaire du Mal.

Ce spectateur, un démon majeur de plus 5 mètres de haut, doté de quatre bras bardés de pointes et de griffes, sa peau rougeoyante luisant sous l'effet de la température, ne semble malgré tout pas apprécier l'oeuvre d'art unique que représente le bâtiment. Petit au standard de la Nef, il arpente les couloirs comme un lion en cage, tentant vainement de juguler sa frustration et son impatience, deux traits de caractères qui lui ont tellement apporté... et tellement coûté, songe-t-il alors qu'il entre dans le Sanctuaire.

Humant l'air quelques secondes, comme à la recherche d'une présence invisible, il reprend sa ronde frustrée une fois assuré de l'absence de vie, exceptées celles d'une multitude de petits diablotins affairés à diverses tâches... de temps en temps, dans un accès de rage, il envoie d'un violent coup de poing un diablotin se briser contre un mur, savourant le bruit mat des os brisés contre le métal, avant que le cadavre disloqué ne prenne feu et se consume, ne laissant qu'une odeur âcre de brûlé, étouffée par l'odeur de mort qui règne aux alentours.

Ne tenant plus en place, Ingeloakastimillizan s'élance soudain vers la sortie du Sanctuaire, l'air plus déterminé que jamais. Mais les immenses battants de la porte principale se ferment violemment devant lui. Pris d'un violent sentiment de malaise, Ingo sent l'air devenir épais, irrespirable, tandis qu'une vibration sonore d'une très forte ampleur se répand dans la salle.
Sous l'effet d'une intense douleur, Ingo tombe à genou, hurlant et se tenant la tête entre les mains, tentant vainement d'échapper à la puissance psychique des ondes envoyées par l'arrivée de la présence qu'il redoutait. L'attaque psychique cesse vite, laissant Ingo épuisé, les nerfs vrillés par l'intensité des sons stridents qui se sont infiltrés dans son esprit et dans le peu d'âme qui peut lui rester.

N'étant pas assez fou pour retenter de sortir de la salle, le démon retourne vers son centre, en direction d’un trône d'une taille irréelle, toujours du même métal, tellement sombre et brillant à la fois que quiconque le regarde à l'impression qu'au moindre contact avec ce matériau son âme lui sera arrachée tandis que son corps implosera sous l'effet du contact maudit... ce qui n'est peut-être qu'une idée édulcorée de ce qui pourrait se passer réellement. Personne n'a jamais eu la folie de tester... presque personne, songe Ingo.
Le cours de ses pensées est interrompu par l'apparition d'une sphère de cristal au niveau du Trône, remplie de brume rougeâtre, et d'une énergie colossale qui semble s'en dégager, une énergie de Fureur, de Haine, et de Mal. La sphère se met à vibrer, alors que tous les diablotins présents s'enfuient en courant, frappés par une indicible terreur, et une voix inhumaine, démoniaque, jouant sur plusieurs harmoniques, passant sans arrêt d'un ton aigu et crissant à un ton grave et caverneux, résonne dans la salle:

"Il suffit, misérable!!!! Il n'est pas encore l'heure d'agir!!!"

"Mon Maître, nous ne savons pas ce que vient chercher cet exorciste, c'est peut-être important, je devrais le stopper maintenant. Il serait plus prudent de..."

"Prudent??? C’est toi qui oses me parler de prudence?! On dirait que tu as un intérêt particulier à contrer les plans de cet exorciste, mon petit. Ne prends pas cet air étonné, penses-tu que j'ignore ce que tu as fait il y a si longtemps? Penses-tu que je ne sache pas à quoi ce prêtre s'intéresse et pourquoi tu souhaites si ardemment le contrer?!?! Je sais, Ingo, je sais, mais je t'ai... pardonné."

Alors qu'elle prononce le mot "pardonné", la sphère change de couleur et de texture, et même Ingo ne peut réprimer un rictus dubitatif et angoissé... Il replie ses bras autour de lui, dérisoires défenses, se rapetissant le plus possible, mais sachant bien que cela est inutile contre une telle puissance déchaînée... Quel prix allait-il encore devoir payer pour ce pardon? "Rien que je n'ai déjà perdu..." songe le démon majeur, tentant de reprendre le dessus sur la terreur et le doute qui l'enserrent en ce moment.

"Que dois-je faire alors, mon Maître? Cette expédition représente tout de même un réel danger, quelle qu'en soit l'issue... alors que votre retour est si proche, en vaut-il vraiment la peine?"

"Envoie donc quelques troupes pour tester ce prêtre, ou ce qu'il cherche, et s'il le faut, tu iras l'arrêter comme tu en as si envie... Ton impétuosité, cette façon de toujours foncer en étant persuadé que tu survivras... tout son contraire... cela a bien servi mes desseins par le passé, voyons si tu m'es encore d'une quelconque utilité..."

"Maître, votre Verbe est mon Ordre, il en sera fait ainsi, sur ma vie."

"Peut-il en être autrement, vermisseau? Vas, et ne me déçois pas, CETTE FOIS-CI."

La sphère disparaissant dans le néant, Ingo se retrouve à nouveau seul dans la salle, reprenant son souffle peu à peu. Attrapant un diablotin qui avait le malheur de passer trop près, il le serre dans une de ses mains, plongeant son regard de braise dans les yeux de l'infortuné, ou plutôt, semble-t-il, à travers les yeux de ce dernier, comme si le démon s'adressait à quelqu'un d'autre:

"Jamais je ne te laisserai revenir!!!"

Goûtant avec délices les sensations de douleur et de panique du diablotin, le monstre referme inexorablement son poing, brisant les os du diablotin, le transformant en tas de chair informe et mou qui retombe avec un bruit flasque et écœurant quand le démon rouvre la main, regardant le sang qui macule sa paume...

"Jamais..."

[sanguin]

A la surface des souterrains, Sanguin sentit l'onde maléfique qui bien qu' encore faible se propageait de plus en plus.

Pendant un moment, il douta de son existence. Son échine en tremblait encore et pourtant il ne parvenait pas à y croire.

Ce ne fut que lorsque l'Archidiacre confirma la menace à présent palpable, qu'il réalisa l'ampleur du danger.

Dans les tréfonds des souterrains quelque chose se trame. Quelque chose de terrible qui bientôt va faire trembler toute vie et toute âme de bonne volonté.

Sous terre deux pierres se cherchent, se croisent, jouent à cache-cache.
Deux pierres dont le futur proche de Délain dépend.

A la surface, une escorte de bonne volonté mais encore trop faible et désorganisée tente de protéger un Père dont on ne sait quel sera le rôle.

Les piliers de cette escorte discutent organisation. Et parmis eux un nain qui n'est plus que l'ombre de lui même plonge son regard dans l'abîme profond Malkiarien.

Il se souvient des geôles froides au coeur des souterrains qui l'ont retenu prisonnier de longs mois. Il se souvient des ténèbres qui règnent là bas...

[Père Siméon d Urth]

Entouré d'aventuriers aux aguets, Siméon avait bien du mal à se reposer. Il lui tardait de regagner le prochain temple. Il avait prévu d'y réunir ses futurs disciples, et, de tenir un concile avec les prêtres y résidant. Krouhm, Arayel, Kisdra, Inferis et Sanguin s'étaient réunis dans la tente de commandement, et, semblaient focalisés sur l'imminence d'un conflit avec la sombre guilde des Karrig an Ankou.

C'est alors que, de façon fugace mais suffisamment pregnante pour qu'il frisonne de tout son être, l'Archidiacre perçu une présence éminement maléfique dont toute l'attention était rivée sur lui. Il sut que le sinistre Seigneur de ces lieux maudits était passablement contrarié par sa présence, mais, il sentit également une autre force démesurée : un esprit bouillonnant de haine brute, un esprit inféodé à Malkiar.

Le Père d'Urth entama alors une longue prière, invocant les dieux ouraniens pour veiller sur le sommeil de ses compagnons et implorant leur bénédiction. A nouveau, il éprouva la désagréable sensation d'être épié, sondé. "Ingeloakastimillizan" murmura le Saint Homme en redoublant d'énergie dans sa litanie religieuse...